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Prud’hommes : un contrôleur de gestion de Informatique CDC obtient 47000 euros aux prud’hommes pour licenciement sans cause (CPH Créteil 18 nov. 2021, définitif)

Publié le 13/05/2022 Vu 3 710 fois 0
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Dans un jugement du 18 novembre 2021 (n° RG F 19/01162), le Conseil de prud’hommes de Créteil juge que le licenciement d’un contrôleur de gestion de la société INFORMATIQUE CDC est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dans un jugement du 18 novembre 2021 (n° RG F 19/01162), le Conseil de prud’hommes de Créteil juge que le

Prud’hommes : un contrôleur de gestion de Informatique CDC obtient 47000 euros aux prud’hommes pour licenciement sans cause (CPH Créteil 18 nov. 2021, définitif)

 

Le conseil de prud’hommes octroie au salarié une indemnité de 47 551 euros et 1300 euros d’article 700 du CPC.

Le jugement est définitif. 

Faits et procédure

Monsieur R a été engagé par Informatique CDC (dit ICDC) groupement d’intérêt économique, opérateur global de solutions informatiques pour ses actionnaires dont la Caisse des Dépôts et Consignation et la CNP Assurances, en CDD du 6 avril 1999 au 6 octobre 2000.

Puis Monsieur R a été engagé en CDI en qualité d’Assistant de gestion Technicien Supérieur statut cadre à compter du 6 octobre 2000 (Convention SYNTEC).

Monsieur R a ensuite été promu Gestionnaire d’activité, statut cadre position 1.

En dernier lieu, à la suite de la modification du référentiel métier de la société ICDC (Informatique caisse des dépôts et consignations), Monsieur R a été employé en qualité de Contrôleur de gestion au sein de la Direction des affaires financières au service de la Gestion des dépenses statut cadre position 1, à compter du 1er décembre 2018.

Monsieur R a constamment été bien noté dans le cadre de ses fonctions et a pris en charge dans un premier temps, le traitement des factures sur le périmètre de la Direction de la Production Informatique (DPI).

Monsieur R, trouvant les nouveaux progiciels ORACLE et ONYX, choisis par la société ICDC, peu adaptés à ses besoins, a créé plusieurs outils notamment des fichiers Excel afin de recenser efficacement l’ensemble des commandes émises par Informatique CDC et suivre les factures reçues des fournisseurs.

La société ICDC a formé un groupe de travail pour faire évoluer ONYX et intégrer les fonctionnalités des modules Excel de Monsieur R et Monsieur R a été associé à cette démarche.

La solution retenue en 2017/2018 cependant n’a pas pris en compte les difficultés pour suivre les factures non parvenues dont le suivi est essentiel pour les clôtures comptables malgré les alertes de Monsieur R sur ce sujet.

En avril 2018, Monsieur R a demandé la reconnaissance de ses droits d’auteur sur ses fichiers Excel et une rupture conventionnelle a été évoquée entre les parties sans aboutir.

En décembre 2018, un contrat de licence a été signé entre les parties.

En février 2019, il a été demandé à Monsieur R d’abandonner son outil pour adopter les nouveaux processus et outils résultant de la mise en place de la comptabilité d’engagement, outil permettant de suivre les factures non reçues.

Monsieur R a fait remarquer à sa hiérarchie que les nouveaux processus n’assuraient pas la même fiabilité que ses outils Excel lors de son entretien annuel en février 2019.

Monsieur R s’est senti mis à l’écart des ateliers relatifs aux factures non reçues.

Le 10 avril 2019, Monsieur R a été convoqué à un entretien préalable et le 11 mai 2019 Monsieur R a été licencié pour cause réelle et sérieuse du fait de ses horaires, de ses absences aux réunions, de sa persistance à utiliser ses outils Excel et de son refus de participer au développement du nouveau logiciel. 

Le 18 novembre 2021, le Conseil de prud’hommes de Créteil, par jugement contradictoire :

-          Condamne INFORMATIQUE CDC à payer à Monsieur R la somme de :

o   47.551,20 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-          Condamne INFORMATIQUE CDC à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois, comme prévu aux articles L. 1235-4 et L. 1235-5 du Code du travail ;

-          Condamne INFORMATIQUE CDC à payer la somme de 1.300 euros à Monsieur R au titre de l’article 700 du CPC ;

-          Condamne INFORMATIQUE CDC à remettre à Monsieur R les documents de fin de contrat tels que le jugement l’impose ;

-          Dit que l’exécution provisoire n’est pas prononcée ;

-          Dit que les intérêts légaux de droit s’appliquent ;

-          Condamne INFORMATIQUE CDC aux dépens ;

-          Déboute les parties du surplus.

Au total, Monsieur R obtient la somme de 48.851,20 euros.

Le jugement est définitif.

1)      Sur la compétence matérielle du Conseil de prud’hommes : incompétence quant à la violation alléguée du contrat de licence

Le Conseil de prud’hommes de Paris, dans son jugement du 18 novembre 2021 (n° RG F 19/01162) énonce que Monsieur R prétend que la société ICDC violerait le contrat de licence qu’elle a conclu avec lui or le Conseil de prud’hommes est matériellement incompétent pour connaitre de cette contestation conformément à l’article L. 113-9 du Code de procédure civile qui dispose :

« Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est, seul, habilité à les exercer. Toute contestation sur l’application du présent article est soumise au tribunal de grande instance du siège social de l’employeur ».

En conséquence, le Conseil de prud’hommes se déclare incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de Créteil pour connaitre de la contestation soulevée par le demandeur.

2)      Sur la rupture : le licenciement du contrôleur de gestion est sans cause réelle et sérieuse

Le Conseil de prud’hommes de Créteil rappelle qu’il résulte de l’article L. 1235-1 du Code du travail, dans sa version applicable au présent litige, que le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige.

Les griefs avancés doivent être fondés sur des faits exacts, précis, objectifs et matériellement vérifiables.

A défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, la lettre de licenciement expose 3 griefs :

-          Refus de participer aux réunions d’équipe et différentes réunions de travail organisées au sein de la direction ;

-          Manquement à la discipline générale de l’entreprise et de l’obligation contractuelle de respecter les horaires de travail ;

-          Refus réitéré d’exécuter les tâches qui relèvent de sa mission et de se soumettre aux directives de son supérieur hiérarchique.

Le Conseil constate que le grief de non-respect des horaires de travail ne repose que sur les allégations du supérieur hiérarchique de Monsieur R de sorte qu’aucun élément objectif relatif au contrôle du temps de travail ne vient confirmer la réalité de ce grief, alors même que l’entreprise disposait d’un logiciel (l’outil KRONOS) parfaitement capable de démontrer ce grief.

Ce grief est par conséquent écarté, car sa réalité n’est pas démontrée. 

2.1) Sur le refus d’exécution des tâches relevant de sa fonction : grief écarté du fait que le salarié a fait remonter des alertes sur les insuffisances du progiciel

La mission de Monsieur R était uniquement de rapprocher les commandes réceptionnées dans le logiciel ONYX par les opérationnels de factures et le cas échéant d’adresser des relances aux opérationnels pour qu’ils réceptionnent lesdites commandes.

Le Conseil constate que pour chacune des factures évoquées par la société pour établir les prétendus manquements de Monsieur R, la relance opérationnelle a bien été effectuée avant la transmission automatique des factures.

Le Conseil dit que la société ICDC ne pouvait pas reprocher à Monsieur R les effets des insuffisances du progiciel ONYX et l’absence de réponse des opérationnels à ses messages.

Le Conseil constate également que Monsieur R semble être celui qui traite le plus de factures au sein du service avec une moyenne de 100 factures par mois.

Ses entretiens professionnels indiquaient d’ailleurs que depuis au moins 7 ans, il atteignant largement ses objectifs :

« Excellent niveau de fiabilité / fiabilité des travaux de Monsieur R / Monsieur R a une conscience professionnelle et une bonne appréhension de l’autocontrôle / bonne connaissance opérationnelle de son périmètre ».

Alors que Monsieur R n’a jamais contesté la procédure de suivi des factures mises en place, il a cependant alerté sur ses failles et notamment l’absence de « bon à payer » formel dans le nouvel outil.

L’entreprise ne pouvait donc pas reprocher à Monsieur R de lui faire courir un risque comptable, alors même que le progiciel mis à sa disposition l’empêchait de mener à bien sa mission.

Le Conseil dit qu’il ne retient pas le grief de refus d’exécution car Monsieur R a fait remonter des alertes sur les insuffisances du progiciel ONYX. 

2.2) Sur le refus de participer aux réunions de travail : la société Informatique CDC échoue à prouver la réalité de ce grief

Le Conseil considère que compte tenu du contexte, et au regard des divergences relatives à la fiabilité de la comptabilité d’engagement mise en place avec le nouveau progiciel, la présence de Monsieur R aux réunions n’était pas nécessairement souhaitable ni souhaitée et ce, manifestement d’un commun accord avec Monsieur E, d’autant que Monsieur R s’était engagé par mail du 28 février 2019 à bien respecter toutes les directives de Monsieur E.

Le Conseil juge que la société ICDC échoue à prouver la réalité des griefs qu’elle reproche à Monsieur R et écarte en conséquence ce dernier grief.

Le Conseil juge en conséquence, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

2.3) Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le Conseil retient un salaire moyen de 4.755,12 euros bruts qui est la moyenne des salaires sur les 12 derniers mois.

En application du barème annexé à l’article L. 1235-3 du Code du travail et en considérant l’ancienneté de Monsieur R au sein de l’entreprise, soit 20 ans et quatre mois, son âge au moment du licenciement (53 ans), le Conseil condamne la société ICDC à verser à Monsieur R la somme de 47.551,20 à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3)      Sur le rappel de salaire du fait de l’absence d’évolution professionnelle

Le Conseil énonce que Monsieur R affirme qu’il aurait été bloqué dans son avancement professionnel alors qu’au regard de ses missions, il aurait dû être placé « cadre position 2 » et percevoir un salaire supérieur de 437,36 euros par mois.

Or, la description de fonction du poste de contrôleur de gestion que Monsieur R occupait dit clairement qu’aucune expérience antérieure n’est requise et qu’une première expérience à ce poste est tout à fait possible.

Monsieur R affirme au surplus, sans toutefois le démontrer, que d’autres contrôleurs de gestion étaient classés au grade de Cadre position 2.

Or, la société ICDC démontre que les contrôleurs justifiaient, eux, d’un niveau de formation plus élevé et avaient une activité différente.

Le Conseil juge, en conséquence, que Monsieur R échoue à démontrer qu’il pouvait revendiquer le grade de Cadre position 2 et déboute Monsieur R de ses demandes au titre d’absence d’évolution professionnelle.

4)      Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur R expose plusieurs circonstances pour réclamer des dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail :

-          Affirme qu’il aurait été bloqué dans son avancement (ce qui a été écarté supra par le Conseil) ;

-          Dit qu’il aurait été le seul à ne pas avoir été reçu au moment de la modification du référentiel métier en décembre 2018.

Or, la société ICDC démontre que non seulement la notice relative au nouveau référentiel lui a été remise en main propre, mais aussi que cette évolution n’a pas modifié le niveau de qualification des tâches de son emploi car ce mémo précisait que « le référentiel métier ne modifie ni les grades, ni le contenu des lettres de mission ».

-          Affirme qu’aucune suite n’a été donnée à ses demandes de formation notamment celle d’octobre 2017.

Or, le Conseil constate que Monsieur R a bénéficié de multiples formations (21 formations depuis 2005) et que la dernière en date qui lui a été refusée n’avait aucun lien avec son emploi ce qui justifier le refus de l’employeur.

-          Fait état de propos racistes tenus par Monsieur F à son encontre, propos dont il se serait ému auprès du directeur général Monsieur I.

Le Conseil constate que Monsieur I a écrit à Monsieur R qu’ «il ne tolérerait aucune dérive sur ces sujets au sein de l’entreprise » et que Monsieur R ne devait pas hésiter « à venir lui en parler si nécessaire ».

Monsieur R admet au surplus qu’il n’était pas la cible de ces propos.

Le Conseil dit que Monsieur R ne prouve pas les attitudes déloyales de son employeur ni le préjudice qu’il aurait subi et en conséquence déboute Monsieur R de sa demande d’indemnité de préjudice.

5)      Sur le remboursement des indemnité chômage perçues par Monsieur R dans la limite de 6 mois à Pôle Emploi

Monsieur R ayant au moins deux ans d’ancienneté et l’entreprise employant habituellement plus de dix salariés, il convient de condamner d’office l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois, comme prévu aux articles L. 1235-4 et L. 1235-5 du Code du travail.

6)      Sur les autres demandes

6.1) Sur la remise des documents de fin de contrat

Le Conseil condamne la société ICDC à remettre à Monsieur R les documents de fin de contrat conformes au jugement sans astreinte.

6.2) Sur les intérêts légaux

Le Conseil dit que les intérêts de droit s’appliquent.

6.3) Sur l’exécution provisoire

Le Conseil déboute Monsieur R dans sa demande.

 6.4) Sur l’article 700 du CPC

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur R les frais qu’il a dû engager pour assurer sa défense.

En conséquence, le Conseil condamne la société ICDC à verser à Monsieur R la somme de 1.300 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

A lire également :

. Prise d’acte : un Directeur d’études de la CDC obtient la requalification en licenciement sans cause (https://www.village-justice.com/articles/prise-acte-directeur-etudes-cdc-obtient-requalification-licenciement-sans-cause,36819.html).

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

Annaelle ZERBIB juriste M2 DPRT Paris Saclay

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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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