Dans son jugement du 31 juillet 2019, le Conseil de prud’hommes de Bobigny répond par la négative et déclare sans cause réelle et sérieuse le licenciement.
Les parties peuvent faire appel.
1) Faits et procédure
Le 1er juin 2007, Madame X a été engagée par la société UGINE &ALZ (devenue APERAM STAINLESS France), en contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de contrôleur de gestion.
A compter du 1er janvier 2014, Madame X est passé à temps partiel, avec une journée de télétravail le mercredi, afin, de poursuivre en externe une formation qu’elle avait commencé en interne en 2013.
Au cours de l’année 2015, Madame X a travaillé sur le projet de transformation IT D’APERAM. Au mois d’octobre 2015 de la même année, il lui a été demandé de transférer la gestion du projet à un établissement d’APERAM en Belgique.
Le 1er janvier 2016, Madame X, ayant finalisé sa formation externe, est repassée à temps plein avec un jour de travail hebdomadaire.
Le 8 novembre 216, Madame X est convoquée à un entretien préalable fixé au 17 novembre 2016 auquel elle s’est présentée assistée. Son licenciement pour insuffisance professionnelle lui est notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 28 novembre 2016. La société APERAM STAINLESS France dispense Madame X d’effectuer son préavis.
Dans la lettre de licenciement, la société reproche à Madame X :
- Un comportement attentiste, puisqu’elle affirme que ses « collègues directs doivent souvent suppléer des carences dans l’exécution de [ses] fonctions » ;
- La non réalisation de l’automatisation d’un tableau de bord au mois de juin 2015 ;
- L’absence de mise à jour de « Datastock » ;
- Un manque d’implication dans la préparation du budget 2016 et des difficultés rencontrées par dans ses relations avec les autres équipes ;
- Une absence d’information sur les budgets ;
- Une connaissance tardive de la réalisation de « foreats » de « plant costs » chaque mois par la société ;
- Une approche « trop junior » sur l’analyse mensuelle des « managérial fixed costs » ;
- Des difficultés et erreurs sur un dossier ;
Le 9 janvier 2017, Madame X a saisi le Conseil de prud’hommes de Bobigny d’une action en contestation de son licenciement afin de dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2) Jugement du Conseil de prud’hommes de Bobigny
Dans un jugement du 31 juillet 2019, le Conseil de prud’hommes juge le licenciement de Madame X sans cause réelle et sérieuse et condamne la société APERAM STAINLESS France à verser à Madame X les sommes suivantes :
- 43.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
La salariée obtient au total 48.000 euros.
2.1) Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle
Madame X soutient que son licenciement pour insuffisance professionnelle constitue, en réalité, un licenciement pour motif économique déguisé. Selon elle, dès janvier 2014, la société APERAM STAINLESS France a annoncé un projet de restructuration en raison d’un besoin de réduction des effectifs.
Sur ce point, le Conseil de prud’hommes affirme que :
« Madame X n’apporte aucun élément de preuve du fait que son licenciement pour insuffisance professionnelle s’apparente à un licenciement pour motif économique déguisé.
Dans la lettre de licenciement, la société APERAM STAINLESS France formule un certain nombre de griefs à l’encontre de Madame X (…).
Or, à la date de son licenciement, Madame X avait plus de 9 ans d’ancienneté dans l’entreprise (…).
Si la société APERAM STAINLESS France donne des exemples de non-respect, de retards ou d’erreurs dans les réponses aux demandes de ses supérieurs hiérarchiques, son argumentation sur le manque d’implication et d’engagement de Madame X reste vague et n’est pas étayée de faits concrets.
La société ne verse pas non plus aux débats de document indiquant un avertissement écrit au cours de ses 9 années de présence dans l’entreprise, suite à des manquements, des erreurs ou des insuffisances professionnelles, avertissement écrit qui aurait constitué une gradation dans la sanction.
Ainsi, en vertu du principe selon lequel une sanction doit être proportionnelle à la faute commise et du principe de gradation dans les sanctions, les griefs reprochés à Madame X, n’apparaissaient pas, en l’état des pièces versées au débat, justifier d’une mesure de licenciement ».
2.2) Sur la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
« Le Conseil ayant jugé le licenciement de Madame X dépourvu de cause réelle et sérieuse, cette dernière a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au moment de son licenciement, Madame X avait plus de 9 ans d’ancienneté dans l’entreprise et 3 enfants à charge. Elle n’a retrouvé un emploi qu’en mai 2017, à un niveau de salaire très inférieur à son ancienne rémunération.
En conséquence, le Conseil condamne la société APERAM STAINLESS France à verser à Madame X la somme de 43.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
2.3) Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Selon Madame X, la société APERAM STAINLESS France a fait preuve d’une particulière mauvaise foi dans l’exécution de son contrat de travail.
Le Conseil de prud’hommes de Bobigny considère que :
« La société APERAM STAINLESS France qui a facilité la formation à l’expertise comptable de Madame X, non seulement n’a pas fait en sorte de lui proposer un poste en concordance avec ses nouvelles compétences, et ne lui a pas confié de poste dans la nouvelle organisation, mais au contraire s’est engagée dans un processus qui conduisait à sa sortie de l’entreprise.
En conséquence, considérant l’exposé des faits, et les pièces versées au débat par les deux parties, le Conseil dit et juge que la société APERAM STAINLESS France n’a pas agi de manière loyale dans l’exécution du contrat de travail de Madame X et condamne la société à verser à Madame X la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ».
2.4) Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au suivi et au contrôle de la charge de travail dans le cadre d’une convention de forfait-jours
« La société APERAM STAINLESS France a parfaitement respecté ses obligations en matière de contrôle et de suivi de la charge de travail de Madame X.
En conséquence, considérant l’exposé des faits, et les pièces versées au débat par les deux parties, le Conseil déboute Madame X de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au suivi et au contrôle de la charge de travail dans le cadre d’une convention de forfait jour ».
Sur ce point, Madame X est déboutée de sa demande.
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris
Léonie AUBERGEON
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
e-mail: chhum@chhum-avocats.com
https://www.instagram.com/fredericchhum/?hl=fr
.Paris: 4 rue Bayard 75008 Paris tel: 0142560300
.Nantes: 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes tel: 0228442644
.Lille: 25, rue Gounod 59000 Lille tel: 0320135083