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Prud’hommes : un salarié chauffeur obtient 65 000 euros de rappel d’heures supplémentaires (CPH Nantes 17 janvier 2023)

Publié le 08/05/2023 Vu 2 954 fois 0
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Par jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 17 janvier 2023 un salarié obtient 65 000 euros de rappel d’heures supplémentaires et violation des durées maxima de travail.

Par jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 17 janvier 2023 un salarié obtient 65 000 euros de rapp

Prud’hommes : un salarié chauffeur obtient 65 000 euros de rappel d’heures supplémentaires (CPH Nantes 17 janvier 2023)

Le jugement est définitif.

1)      LES FAITS ET PROCEDURE

Monsieur X a été embauché par la SARL RICHARD PERE ET FILS le 26 mars 2018 en qualité de chauffeur en CDI pour une durée mensuelle de 151,67 heures.

La convention collective de l’entreprise X est le commerce de gros.

Monsieur X a démissionné de son poste le 6 juillet 2020 par LR. Son contrat s’est terminé le 6 août, date à laquelle il a reçu son solde de tout compte.

Le 26 octobre 2020, Monsieur X a sollicité le paiement d’heures supplémentaires, et a dénoncé son solde de tout compte le 10 janvier 2021.

C’est dans ces conditions, que Monsieur X saisira le Conseil de Prud’hommes le 8 avril 2021.

L’audience du Bureau de Conciliation et d’Orientation du 4 octobre 2021 s’étant révélée infructueuse, les parties comparaissent en bureau de jugement.

A l’audience du 6 décembre 2022 Monsieur X et la SARL RICHARD PERE ET FILS formulent les demandes citées ci-dessus.

Vu l’article 455 du Code de Procédure Civile, le Conseil des Prud’hommes statue en entendant les parties présentes ainsi qu’en prenant en compte les pièces déposées et les plaidoiries de leurs représentants.

2)      Jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 17 janvier 2023

Le Conseil de Prud’hommes de Nantes,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que la cause de la rupture est la démission du salarié,

Condamne la SARL RICHARD PERE ET FILS à verser à Monsieur X :

-225.55 euros brut et 22.55 euros brut au titre de rappel de majoration jours fériés et congés payés afférents

- 464.04 euros brut et 46.40 euros brut au titre de rappels de majoration pour dimanches travaillés

- 2042.27 euros brut et 204.22 euros brut au titre de rappels de majoration heures de nuit

- 39636.44 euros brut et 3963.64 euros brut au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires

- 10495.14 euros net au titre d’indemnité relative à la contrepartie obligatoire en repos

- 1000 euros net au titre d’indemnité pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire

- 1000 euros net au titre d’indemnité pour non-respect de la durée quotidienne du travail

- 1000 euros net au titre d’indemnité pour non-respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires

- 1000 euros net au titre de dommages intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

 

Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil pour les sommes à caractère salariale et à compter de la notification du jugement pour celles à caractère indemnitaire.

Lesdits intérêts produisant eux-mêmes des intérêts conformément à l’article 1343-2 du Code civil.

 

Dit qu’il n’y a pas lieu de transmettre le jugement à l’inspection du travail et à l’URSSAF,

 

Ordonne la remise des documents sociaux, bulletins de paie rectifiés, documents de fin de contrat, attestation Pôle Emploi sous astreinte de 25 euros par jour entre le 30ème et le 60ème jour à compter du prononcé du présent jugement pour l’ensemble des documents,

 

Limite l’exécution provisoire du présent jugement à l’exécution provisoire de droit définie à l’article R.1454-28 du Code du travail et, à cet effet, fixe à 4188.47 euros brut le salaire mensuel moyen de référence,

 

Condamne la SARL RICHARD PERE ET FILS à verser à Monsieur X 1400 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

 

Déboute Monsieur X de ses autres demandes,

 

Déboute la SARL RICHARD PERE ET FILS de ses demandes reconventionnelles,

 

Condamne la SARL RICHARD PERE ET FILS aux dépens éventuels.

2.1)      Sur la requalification de la démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que la lettre de démission de Monsieur X n’invoque aucun manquement, ni aucun grief vis-à-vis de l’entreprise, et qu’elle ne revêt aucun caractère équivoque ;

Le Conseil dit que la cause de la rupture est la démission du salarié, et le déboute de sa demande, ainsi de ses demandes d’indemnités de licenciement.

2.2)      Sur les heures supplémentaires, le travail en heures de nuit, le dimanche et en jours fériés :

Attendu que Monsieur X relève de la convention collective du commerce de gros, et non de la convention collective du transport ;

Attendu qu’il ressort de la carte conducteur de Monsieur X une cohérence avec la synthèse des heures réalisées et avec les SMS échangés avec son employeur ;

Attendu qu’il ressort à de nombreuses reprises des pièces ci-dessus que Monsieur X a travaillé en heures supplémentaires, en heures de nuit, certains dimanches et jours fériés ;

Attendu que les bulletins de paie ne mentionnent aucune heure supplémentaire mais un salaire de base et des primes exceptionnelles ;

Attendu que, sur les heures supplémentaires, l’article L3121-36 du code du travail prévoit que « à défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l’article L3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivante donnent lieu à une majoration de 50% » ;

Attendu que sur les heures de nuit, l’article 47 de la convention collective énonce que « tout salarié travaillant habituellement en équipe de nuit (…) bénéficie d’une prime indépendante du salaire égale à 10% de son taux horaire » ;

Attendu que, sur le travail du dimanche et des jours fériés, l’article 46 de la convention collective prévoit que « tout salarié travaillant habituellement le dimanche bénéficie d’une majoration de salaire égale à 10% de son taux horaire » ;

Attendu que l’article L3121-30 du code du travail précise que « les heures effectuées au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos », et que l’article 44.2.1 de la convention collective stipule que « le contingent annuel d’heures supplémentaires non soumis à l’autorisation de l’inspection du travail est fixé à 180 heures » ;

Attendu que, pour la durée hebdomadaire du travail, les articles L3121-20 et 3121-36 du code du travail stipulent que la durée du travail ne peut dépasser 48 heures ou 44 heures sur une période de 12 semaines ;

Attendu que, pour la durée quotidienne du travail, l’article L3121-18 du code du travail impose une durée ne pouvant excéder dix heures ;

Attendu que, pour les repos, les articles 3131-2 et 3132-2 du code du travail, 44.4.1 et 44.4.2 de la convention collective octroient au salarié un repos quotidien de 11 heures, un temps de repos hebdomadaire de un jour et demi, soit 36 heures consécutives, dimanche inclus, plus une demi-journée dans la semaine ou une journée entière toutes les deux semaines ;

Le Conseil condamne l’employeur à :

-225.55 et 22.55 euros au titre de rappel de majoration jours fériés et congés payés afférents

- 464.04 et 46.40 euros au titre de rappels de majoration pour dimanches travaillés

- 2042.27 et 204.22 euros au titre de rappels de majoration heures de nuit

- 39636.44 et 3963.64 euros au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires

- 10495.14 euros au titre d’indemnité relative à la contrepartie obligatoire en repos

- 1000 euros au titre d’indemnité pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire

- 1000 euros au titre d’indemnité pour non-respect de la durée quotidienne du travail

- 1000 euros au titre d’indemnité pour non-respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires

 

2.3)      Sur l’indemnité de casse-croûte :

 

Attendu qu’il ressort de l’oralité des débats que le salarié a bien bénéficié de la cantine ou de défraiements quand il était en déplacement ;

 

Le Conseil le déboute de sa demande.

 

2.4)      Sur le travail dissimulé :

 

Attendu qu’il ressort des débats que l’employeur a appliqué de bonne foi une logique de forfait de rémunération ;

Attendu que le demandeur ne démontre pas l’intention de l’employeur de dissimuler les heures effectuées ;

Attendu que la demande d’heures supplémentaires a été faite 3 mois après la rupture du contrat de travail ;

Attendu que l’article L8221-5 du code du travail prévoit que la dissimulation repose sur la non-production d’un bulletin de paie ou la mention d’un nombre d’heures inférieur à celui réalisé ;

Le Conseil déboute le demandeur de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et dit qu’il n’y a pas lieu de transmettre le jugement à l’inspection du travail et à l’URSSAF.

Sur le manquement à l’obligation de prévention de la santé et de la sécurité :

Attendu que l’article L4121-1 du code du travail prévoit « la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés » ;

Attendu que l’employeur a failli, du fait de la gestion des temps de travail, comme argumenté ci-dessus ;

 Le Conseil condamne l’employeur à 1000 euros de dommages intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

2.5)      Sur la remise des documents sociaux et l’astreinte :

Vu ce qui précède,

Le Conseil ordonne la remise des documents sociaux, bulletins de paie rectifiés, documents de fin de contrat, attestation Pôle Emploi sous astreinte de 25 euros par jour entre le 30ème et le 60ème jour à compter du prononcé du présent jugement pour l’ensemble des documents.

Sur l’exécution provisoire, le salaire de référence et les intérêts :

Vu les éléments présentés par les parties ;

Vu l’article R.1454-28 du Code du travail qui énonce qu’est de droit exécutoire à titre provisoire le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R.1454-14 du Code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires ; cette moyenne est mentionnée dans le jugement ;

Le Conseil de Prud’hommes estime devoir, compte tenu de la nature de l’affaire, limiter l’exécution provisoire à l’exécution provisoire de droit définie à l’article R.1454-28 du Code du travail.

Le Conseil dit que Monsieur X bénéficiera des intérêts au taux légal sur les sommes à caractère salarial à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes, et à compter de la notification du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire avec capitalisation.

2.6)      Sur la demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens :

Attendu que l’article 696 du Code de procédure civile dispose : « La partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. » ;

En conséquence, le Conseil de Prud’hommes condamne la société X aux dépens éventuels.

Vu l’article 700 du Code de Procédure civile ;

Attendu que le Conseil de Prud’hommes fait droit à la plupart des prétentions de la partie demanderesse et condamne la partie défenderesse aux dépens,  il y a lieu d’allouer à la partie demanderesse la somme de 1400 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ce à quoi ne s’opposent ni l’équité, ni la situation économique de la partie défenderesse.

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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