La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 février 2024 (n°22-15.624), a jugé que lorsque le salarié invoque, au soutien d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime, il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues le code du travail.
1) Faits et procédure
Un salarié a été engagé par la société Cevi le 3 juillet 2000, et exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien confirmé mécanique véhicules industriels.
Le salarié a été victime d’un accident du travail.
Il a saisi la juridiction prud'homale le 26 novembre 2015 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, invoquant notamment un manquement de son employeur à son obligation de sécurité en raison de l’absence de mise à disposition d’équipements de protection individuelle, qui serait à l’origine de son accident du travail.
La Cour d’appel d’Orléans, dans un arrêt du 30 avril 2020, a débouté le salarié de ses demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, au motif que le salarié n’apportait aucune explication sur les circonstances de l’accident.
Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation.
2) Moyens
Le salarié fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de le débouter de ses demandes alors que :
- Lorsque le salarié invoque, à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, une inobservation des règles de prévention et de sécurité par son employeur, il incombe à ce dernier de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité, et notamment à son obligation de prévention des risques ;
- En déboutant le salarié de sa demande de résiliation judiciaire aux motifs que la charge de la preuve du manquement reproché à l'employeur incombe au salarié et que cette preuve n'est pas établie, les circonstances de l'accident du travail étant inconnues, alors que le salarié invoquait à l'appui de sa demande la survenance d'un accident du travail causé par l'absence de fourniture des équipements de protection individuelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3-2, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, ensemble l'article 1353, alinéa 2, du code civil.
3) Solution
La chambre sociale approuve l’argumentation du salarié et casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans du 30 avril 2020.
La chambre sociale rappelle qu’il résulte des articles 1353 du Code civil et L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que « lorsque le salarié invoque un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime, il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ».
En l’espèce, pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient que l'intéressé n'explique pas les circonstances dans lesquelles il a été blessé sur son lieu de travail et que c'est de manière totalement inopérante qu'il met en avant qu'il revient à l'employeur de prouver qu'il a satisfait à son obligation de sécurité puisqu'au contraire, c'est à lui, qui sollicite la résiliation de son contrat de travail, de démontrer la réalité des manquements qu'il invoque.
La Cour d’appel, en renversant la charge de la preuve, a donc violé les textes susvisés.
4) Analyse
Ainsi, quand bien même il appartient au salarié de démontrer la gravité des manquements qu’il allègue au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, la charge de la preuve est inversée lorsqu’il s’agit d’un manquement à l’obligation de prévention et de sécurité prévue par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.
Dans un tel cas, c’est le régime probatoire relatif à l’obligation de sécurité qui prévaut : lorsqu’un salarié invoque un manquement aux règles de prévention et de sécurité à l’origine d’un accident du travail dont il a été victime, c’est à l’employeur qu’il incombe de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles susvisés (Cass. soc., 25 novembre 2015, n°14-24.444).
La Cour de cassation considère désormais que ce régime probatoire doit s’appliquer même lorsque le salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Cette solution n’est pas surprenante car c’est celle qui est d’ores et déjà appliquée en cas de prise d’acte du contrat de travail, dont le régime est similaire à celui de la résiliation judiciaire (Cass. soc., 12 janvier 2011, n°09-70.838).
Sources
https://www.courdecassation.fr/decision/65deda9d7f398b00089bf806
Liaisons sociales quotidien, n°18995 du 6 mars 2024
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Mathilde Fruton Létard élève avocate EFB Paris
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