Par un arrêt rendu le 5 mai 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les modalités d’attribution de l’indemnité conventionnelle de licenciement pour motif personnel.
La Cour de cassation a notamment jugé que peu importe le motif du licenciement, dès lors que l’indemnité conventionnelle prévue par un accord collectif est plus favorable à celle prévue par les dispositions légales, le montant de la première s’applique.
1) Faits
Une salariée ayant été recrutée le 1er février 1995 en qualité d’assistante commerciale et qui exerçait en fin de carrière les fonctions d’assistante contentieux, a procédé le 15 janvier 2015, à la rupture conventionnelle de son contrat de travail pour motif personnel.
A cet effet, la salariée avait reçu le paiement d’une indemnité spécifique de rupture, le montant ayant été calculé en fonction du montant de l’indemnité légale de licenciement et non celui prévu conventionnellement par l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008.
C’est pourquoi la salariée a saisi la juridiction prud’homale, estimant qu’elle n’a pas perçu l’intégralité de l’indemnité spécifique de rupture.
Par un arrêt du 20 septembre 2019, la cour d’appel de Toulouse a fait droit à la demande de la salariée condamnant par-là, l’employeur à payer des sommes à titre de solde de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
En effet, les juges du fond ont considéré que « la salariée, dont le contrat avait été rompu dans le cadre d’une rupture conventionnelle, était fondée à voir retenir l’indemnité conventionnelle de licenciement » prévue par l’Accord sur les instances paritaires nationales du 22 décembre 1994 applicable à la salariée, qui ne le prévoyait cependant que pour deux hypothèses : licenciement pour insuffisance et licenciement économique et non pour motif personnel.
En conséquence, l’employeur s’est pourvu en cassation sur le fondement de l’article L1237-13 alinéa 1 du code du travail qui dispose que « la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L.1234-9 ».
2) Moyens
L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de dire que la salariée n’a pas perçu l’intégralité de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, et le condamner à payer cette somme.
Pour soutenir son pourvoi devant la Cour de cassation, l’employeur rappelle pour l’admettre que « l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, fixée par la convention de rupture est au moins égale à l’indemnité légale de licenciement ».
Pour autant, l’employeur souligne que si les entreprises soumises à un avenant particulier de l’ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché de travail, qui prévoit notamment que le salarié a la possibilité de revendiquer une indemnité au moins égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement lorsqu’elle est supérieure, il apparait néanmoins que cette dérogation ne « concerne que les dispositions conventionnelles aménageant au profit du salarié licencié une indemnité de rupture unique ».
De cette manière, l’employeur soutient que « lorsque la convention ou l’accord collectif applicable prévoit une indemnité de licenciement réservée à certains cas de rupture pour motif personnel, renvoyant pour le reste à l’indemnité légale, et une indemnité pour motif économique, le salarié peut seulement prétendre à une indemnité de rupture conventionnelle au moins égale à l’indemnité légale de licenciement ».
Plus exactement, les articles 2.2.4 et 2.2.5 de l’Accord sur les instances paritaires nationales du 22 décembre 1994, applicable à la société en question ne prévoient, selon l’employeur, le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement dans seulement deux hypothèses que sont le licenciement pour insuffisance résultant d’une incapacité professionnelle et le licenciement prononcé consécutivement à des difficultés économiques sérieuses.
A la lecture de ces articles, il apparait qu’ils ne s’appliquent pas à la salariée dont le contrat de travail a été rompu pour un motif personnel.
3) Lorsqu’une convention prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale, mais seulement pour certains motifs de licenciement hormis le motif personnel, le montant de cette indemnité conventionnelle peut-il s’appliquer à une rupture conventionnelle du contrat de travail pour motif personnel ? Oui, répond la Cour de cassation.
La cour de cassation rejoint la position de la cour d’appel et rejette par conséquent le pourvoi formé par l’employeur.
Il est jugé que « la salariée pouvait prétendre à une indemnité spécifique de rupture dont le montant ne pouvait pas être inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement » du fait que « les dispositions de l’accord sur les instances paritaires nationales du 22 décembre 1994 applicable [à la salariée] prévoyaient une indemnité conventionnelle du licenciement plus favorable que l’indemnité légale de licenciement prévue par l’article L.1237-13 du code du travail » peu importe le motif du licenciement.
Contrairement à l’employeur, la Cour de cassation n’a pas opéré à une interprétation stricte des stipulations de l’accord portant modernisation du marché de travail cité précédemment, mais à une interprétation large, plus favorable à la salariée.
Désormais, ce n’est seulement dès lors que le montant de l’indemnité conventionnelle est plus favorable que le montant de l’indemnité légale, que ce premier doit être versé au salarié indépendamment de la nature du motif de son licenciement.
Source :
c.cass., 5 mai 2021, n°19-24.650
Frédéric CHHUM, Avocat à la Cour et Membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Sarah BOUSCHBACHER juriste
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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