1) En principe, un salarié en arrêt de travail consécutif à un accident du travail bénéficie d’une protection spécifique contre la rupture de son contrat de travail
Pour rappel, au cours de la période de suspension du contrat de travail provoquée par l’arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié bénéficie d’une protection spécifique. En effet, durant cette période, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail, que s'il justifie, soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie (article L1226-9 du Code du travail).
De surcroît, seule la visite de reprise au cours de laquelle le médecin du travail donne son avis sur l’aptitude du salarié à reprendre son travail, met un terme à la période de suspension du contrat de travail.
2) Une rupture conventionnelle peut néanmoins être conclue pendant cette période de protection
Dans l’affaire qui nous intéresse, Madame X a été victime d’un accident de travail le 27 janvier 2009, elle s’est donc trouvée en arrêt de travail jusqu’au 8 février 2009. Elle a ensuite repris son activité professionnelle, sans toutefois avoir été convoquée à la visite de reprise par le médecin du travail.
La rupture conventionnelle a été conclue quelques mois plus tard, le 7 juillet 2009.
La salariée a saisi la juridiction prud’homale, en demandant la nullité de la rupture conventionnelle et le paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, et à défaut sans cause réelle et sérieuse.
Au soutien de ses prétentions, la salariée faisait valoir que la rupture conventionnelle avait été signée durant la période de suspension de son contrat de travail, dès lors que la visite de reprise n’avait jamais été organisée par l’employeur.
Elle précisait que durant cette période, le contrat de travail ne peut être rompu qu’en en cas de faute grave ou d’impossibilité impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l'accident. Ces deux motifs de rupture étant exclusifs.
La Cour d’appel de Lyon a débouté la salariée. La Cour a énoncé que l’article L1226-9 du Code du travail (instaurant la période de protection) prohibe uniquement la rupture unilatérale du contrat de travail, autorisant ainsi une rupture d’un commun accord.
La salariée s’est pourvue en cassation. Son pourvoi sera toutefois rejeté.
La Cour de cassation relève que, « Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l'espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ; que le moyen n'est pas fondé ».
3) Cette position de la Cour de cassation est contraire à celle de l’administration et à la jurisprudence antérieure
Cette décision est pourtant contraire à la position adoptée par la DGT dans sa circulaire du 17 mars 2009 sur la rupture conventionnelle qui précise que, « Dans les cas où la rupture du contrat de travail est rigoureusement encadrée durant certaines périodes de suspension du contrat (par exemple durant le congé de maternité en vertu de l’article L 1225-4, ou pendant l’arrêt imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle en vertu de l’article L 1226-9, etc...), la rupture conventionnelle ne peut, en revanche, être signée pendant cette période. »
De même, la Cour de cassation avait adopté une position contraire s’agissant de l’ancien dispositif de rupture amiable. Elle considérait en effet qu’au cours des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne pouvait faire signer au salarié une rupture d’un commun accord du contrat de travail. Dans cette hypothèse, la résiliation du contrat était frappée de nullité (Cass, soc, 4 janvier 2000, n°97-44.566).
Ces interdictions avaient notamment vocation à protéger la liberté de consentement du salarié. En effet durant les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident de travail, le salarié peut se trouver dans un état de fragilité tel que son consentement à une proposition de l’employeur en devient suspect. De fait, la probabilité était forte que l’employeur puisse tirer un avantage de la situation de faiblesse du salarié.
4) Les justifications de cette décision et ses conséquence pratiques
Cette décision peut néanmoins être justifiée par le fait que les deux conditions de fond relatives à la validité d’une rupture conventionnelle, à savoir :
- L’absence de fraude de l’employeur ;
- L’absence de vice du consentement.
Or, dans cette affaire, la salariée n’invoquait à aucun moment dans son argumentation un vice du consentement lié à son état de santé. Cela dénote ainsi l’absence d’une quelconque situation de faiblesse l’ayant conduit à accepter une rupture conventionnelle désavantageuse. Il est fort probable que si elle avait invoqué et réussi à démontrer un vice du consentement la rupture conventionnelle aurait été annulée.
En réalité, la Cour de cassation s’inscrit dans la lignée des arrêts rendus le 29 janvier 2014. Dans ces décisions, elle rejette systématiquement les demandes d’annulation de rupture conventionnelle, en constatant l’absence de vice du consentement, et ce, en dépit de l’existence de irrégularités de procédure ou d’un contexte conflictuel (Cass, soc, 29 janvier 2014, n° 12-25.951, 12-24.539, 12-27.594).
La Cour de cassation semble considérer que les garanties procédurales, et notamment le délai de rétractation et l’homologation de la convention par la DIRECCTE, demeurent suffisantes pour assurer la protection du consentement du salarié.
En conclusion, l’annulation d’une rupture conventionnelle devient très difficile à obtenir pour les salariés. Il faut en effet réussir à démontrer l’existence d’un vice du consentement dont la charge de preuve pèse sur le salarié.
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour 4, rue Bayard 75008 Paris
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