Monsieur Z a été engagé le 11 septembre 2014.
Aucune remarque ne lui a été adressée sur la qualité de ses prestations ou sur son comportement professionnel.
Il a été absent en raison d'un problème de santé le 6 octobre 2014, que le 7 octobre 2014 correspondant sur le planning à un jour de repos.
Il a reçu un sms rédigé par la manager ainsi libellé «' je ne garde pas Thibaut, je le préviens demain. On fera avec des itinérants en attendant, je ne le sens pas ce mec, c'est un PD, ils font tous des coups de putes ».
Il faut saluer l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 février 2018.
Par jugement du 16 décembre 2015, le conseil de prud'hommes de Paris, section commerce, a
condamné l'EURL Mathurins à verser à Monsieur Z les sommes suivantes :
- 43,27 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents,
- 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure.
Appelant de ce jugement, Monsieur Z demande la cour de le réformer sauf en ce qu'il a
reconnu un préjudice moral en sa faveur.
Monsieur Z a été engagé en qualité de coiffeur par l'EURL Mathurins suivant un
contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 11 septembre 2014.
Monsieur Z s'est vu notifier la rupture de la période d'essai par lettre du 8 octobre 2014.
Estimant avoir été victime d'une discrimination, Monsieur Z a saisi le conseil de
prud'hommes de Paris afin d'obtenir des dommages-intérêts divers ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé.
Dans son arrêt du 21 février 2018, la cour d’appel de Paris :
. Confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué un rappel de salaire au titre des heures
supplémentaires outre les congés payés afférents et accordé au salarié une indemnité de 750 euros en
application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
. Le réforme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
. Déclare l'intervention volontaire principale de l'association Mousse sur le fondement de l'article L.1134-3 du code du travail irrecevable,
Condamne l'EURL Mathurins à verser à Monsieur Z les sommes suivantes';
- 9000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 4500 euros à titre de dommages-intérêts pour la nullité de la rupture,
- 8000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral résultant du caractère odieux et vexatoire de la procédure de rupture,
- 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
1) Sur la demande tendant à voir reconnaître le caractère discriminatoire de la rupture de la période d'essai et par suite sa nullité
Comme éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008 par l'article 4-IV de la loi du 6 août 2012 tant en ce qui touche son orientation et identité sexuelle que son état de santé, Monsieur Z expose qu'il a été engagé le 11 septembre 2014, qu'aucune remarque ne lui a été adressée sur la qualité de ses prestations ou sur son comportement professionnel, qu'il a été absent en raison d'un problème de santé le 6 octobre 2014, que le 7 octobre 2014 correspondant sur le planning à un jour de repos, il a reçu un sms rédigé par la manager ainsi libellé «' je ne garde pas Thibaut, je le préviens demain. On fera avec des itinérants en attendant, je ne le sens pas ce mec, c'est un PD, ils font tous des coups de putes'».
Il ajoute que le lendemain, soit le 8 octobre 2014, il s'est présenté à son poste, que la manager, Madame K, auteur du sms, et le co-manager lui ont effectivement signifié la fin de sa période d'essai et lui ont précisé qu'il était intolérable d'avoir été souffrant une journée.
Il communique la transcription faite par un huissier de justice du sms du 7 octobre 2014 rédigé par la manager.
La notification de la rupture de la période d'essai, le lendemain même de l'envoi de ce sms lors de la reprise de son poste lui a bien été adressée.
Si le salarié n'apporte pas d'élément pour étayer les prétendus propos de ses managers lors de l'entretien du 8 octobre 2014, l'allusion faite «'aux coups de putes'» dans le sms alors qu'il avait été absent pour un problème de santé le 6 octobre 2014 révèle un reproche à cet égard.
Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une discrimination en lien avec l'orientation sexuelle supposée du salarié et avec son état de santé.
Après avoir rappelé que conformément aux dispositions de l'article L. 1221-20 du code du travail, la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail et de mettre fin à la période d'essai, L'EURL Mathurins conteste toute discrimination au détriment de Monsieur Z tant en lien avec son état de santé qu'avec son orientation ou son identité sexuelle présumée.
Elle précise que pendant presque un mois, la manager avait pu évaluer les compétences
professionnelles de Monsieur Z , qu'elle avait constaté que son niveau technique était trop
juste pour satisfaire la clientèle très exigeante du salon de coiffure situé dans le 8 ème
arrondissement de Paris. (…)
En réalité, le lien opéré par la manager elle-même aux termes du sms du 7 octobre, entre sa décision de ne pas conserver Monsieur Z au sein du salon et de lui en faire l'annonce dès son retour à son poste le lendemain et le motif qu'elle expose à savoir «' je ne le sens pas, c'est un PD, ils font tous des coups de putes'» révèle que le véritable motif de la rupture de la période d'essai n'était pas en lien avec ses aptitudes professionnelles mais avec son absence au cours de la journée du 6 octobre pour un problème de santé, vécue par ce manager comme une manœuvre déloyale, «'qualifiée de coup de putes'» de la part de Monsieur Z , manœuvre selon elle, habituelle de la part de personnes ayant une même orientation ou identité sexuelle supposée.
L'employeur ne justifie pas au regard de cette explication donnée par la manager elle-même que sa décision de mettre fin à la période d'essai repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en lien avec la santé et l'orientation ou l'identité sexuelle supposée de Monsieur Z .
La rupture de la période d'essai est dans ces conditions nulle comme reposant sur des motifs
discriminatoires.
Le jugement déféré sera réformé.
2) Sur la demande de dommages-intérêts pour le préjudice moral
Alors qu'il était âgé de 20 ans, qu'il s'était engagé dans une première expérience professionnelle, Monsieur Z justifie avoir subi un stress post-traumatique sévère ayant nécessité une prise en charge médicale adaptée à la suite de la rupture de la période d'essai dans les circonstances précédemment relatées.
Le préjudice moral ainsi démontré en lien avec le comportement discriminatoire de l'employeur
3) Sur les conséquences de la nullité de la rupture
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la
rémunération versée au salarié ( 1500 euros) , de son âge, ( 20 ans) de son ancienneté (4 semaines), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Monsieur Z une somme de 4500 euros en réparation de son préjudice pour la perte de son emploi en lien avec la nullité de la rupture.
4) Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Monsieur Z communique les plannings manuscrits du salon mentionnant les horaires soit à
9h30 jusqu'à 18h30 avec 30 minutes de pause soit de 10h30 jusqu'à 19h30 avec 30 minutes de pause ce qui correspond à un horaire journalier de 8h30 effectif, hors la pause de 30 minutes.
Il produit des photographies quasi illisibles des plannings.
Il en déduit que sur la période travaillée du 11 septembre au 8 octobre 2014, il a accompli 25,5 heures supplémentaires non réglées notamment lors du solde de tout compte.
(…) Il précise que si Monsieur Z s'était vu confirmer dans son poste au-delà de sa période d'essai,
il aurait compensé les périodes de haute activité par des repos compensateurs.
L'employeur note par ailleurs que l'intégralité des heures travaillées a régulièrement été reportée sur un relevé d'activité, signé par le salarié pour le mois de septembre 2014.
Il admet que Monsieur Z a accompli 3,5 heures supplémentaires non réglées.
Il précise que l'ancien manager ayant fait soutenir que les relevés d'activité étaient faux a été débouté de sa demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires par la juridiction prud'homale.
Au regard des éléments soumis à l'appréciation de la cour et des explications fournies, la cour
confirme que le salarié a accompli des heures supplémentaires, nécessaires à l'exécution de ses missions et ce, avec l'accord de son employeur.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur Z la somme de 43,27 euros au titre
des heures supplémentaires outre les congés payés afférents.
5) Sur le travail dissimulé'
Dans le cas d'espèce, bien que reconnaissant dans le cadre de la présente instance qu'il était
redevable de 3,5 heures supplémentaires, que le salarié ne pouvait en effet bénéficier de la
modulation de son temps de travail pendant la période d'essai, l'EURL Mathurins a sciemment omis de prendre en compte les heures ainsi accomplies et de les régler lors de la remise du solde de tout compte.
Cette omission intentionnelle de régularisation de ces heures, de leur paiement et du versement des cotisations afférentes révèle l'intention frauduleuse de dissimulation exigée par le texte.
Il sera fait droit à la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par la loi.
L'EURL Mathurins sera condamnée à verser à Monsieur Z une indemnité de 9000 euros.
6) Sur la recevabilité de l'intervention volontaire principale de l'association Mousse
L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout moment'».
C'est pertinemment que l'EURL Mathurins conclut à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire principale de l'association Mousse sur le fondement de l'article L. 1134-3 du code du travail.
En effet, ces dispositions légales donnent aux associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations la possibilité d'agir aux lieu et place d'un salarié sur le fondement du chapitre II. Il s'agit d' une action de substitution.
Dans la mesure où Monsieur Z a agi directement et est dans la cause, l'association ne peut
fonder son intervention sur ces dispositions légales.
Le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'intervention principale de l'association Mousse est pertinent.
Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)
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