L’essor de ce forfait jours avait pour but de déroger aux 35 heures afin qu’un salarié, cadre ayant une autonomie puisse travailler un nombre de jours dans l’année.
Toutefois, il y a eu beaucoup d’abus car certains cadres travaillent 60 à 80 heures par semaine, soit bien au-delà de la durée maximale de travail de 48 heures prévue par la législation européenne.
C'est pour cette raison que la jurisprudence a souhaité encadrer ce nouveau dispositif.
Il est important de connaître vos droits dans le cadre du forfait jours pour le cas échéant, demander le paiement d’heures supplémentaires si votre forfait jours n’est pas valable.
1. Quel accord (de branche/ d’entreprise) doit prévoir la possibilité de conclure une convention de forfait jours ?
Une convention de forfait jours peut exister à la condition qu’un accord d’entreprise, ou à défaut, un accord de branche le prévoit (article L.3121-39 du Code du travail).
Dans un arrêt en date du 8 mars 2012, la Cour de cassation a jugé qu’ « à défaut d'existence préalable d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou d'une convention ou un accord d'entreprise, les parties ne pouvaient convenir d'un forfait en jours ».
Depuis la loi du 20 août 2008, l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche en matière d’organisation du temps de travail. D’après la circulaire du 13 novembre 2008, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement prévaut sur l’accord de branche qui revêt alors un caractère subsidiaire (Circulaire DGT n°20 du 13 novembre 2008).
Doivent figurer dans l’accord de branche ou d’entreprise les mentions suivantes :
- les catégories de salariés à qui peut être proposées une convention de forfait jours,
- le nombre de jours travaillés dans l’année,
- les caractéristiques principales de ce type de convention (notamment le respect du droit à la santé et au repos).
Quelque soit l’accord qui prévoit la possibilité de conclure une convention de forfait, l’employeur sera tenu de consulter le Comité d’entreprise, chaque année, sur le recours aux conventions de forfait ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés (article L.2323-29 du Code du travail).
2. Qui peut conclure une convention de forfait jours ? les cadres mais aussi certains salariés non cadres
Les cadres ne sont pas les seuls concernés par ce type de convention.
En effet, l’article L.3121-43 du Code du travail prévoit que sont concernés :
- des cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
- des salariés non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Un accord collectif peut élargir la catégorie de salariés qui pourront conclure un forfait jours. Un salarié qui n’entre dans aucune des catégories prévues par l’accord ne saurait être soumis au forfait jours, et ce, quand bien même il disposerait d’une autonomie dans l’organisation de son emploi du temps (Cass. soc. 3 novembre 2011, n° 10-14.637).
La Cour de cassation a rappelé que le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires (Cass. soc. 9 juillet 2014, n°13-16.013).
3. Une convention de forfait doit-elle prévoir le nombre de jours travaillés dans l’année ?
Oui. Dans le cadre d’un forfait jours, on ne raisonne plus en heures travaillées mais en nombre de jours travaillés.
Le nombre de jours travaillés dans l’année est fixé par la convention individuelle de forfait, dans la limite maximale de 218 jours. La Cour de cassation a récemment jugé qu’une convention de forfait en jours doit fixer un nombre précis de jours travaillés (Cass. soc. 12 mars 2014, n°12-29141).
L’accord collectif peut prévoir des durées inférieures car il s’agit d’un plafond et non d’une durée impérative.
Le plafond de jours travaillés doit être établi de manière individuelle pour chaque salarié, en tenant compte le cas échéant des congés d’ancienneté conventionnels (Cass. soc. 3 novembre 2011, n° 10-18.762).
Si un accord collectif prévoit un forfait jours de 218 jours, un salarié pourra toujours travailler moins que 218 jours pour diverses raisons. Le salarié concerné ne sera pas considéré comme étant à temps partiel mais à forfait réduit.
Aux termes de l’article L.3121-48 du Code du travail, les salariés sous forfait jours ne sont pas soumis :
- à la durée légale hebdomadaire prévue à l’article L.3121-10 du Code du travail, soit 35 heures par semaine ;
- à la durée quotidienne maximale de travail prévue à l’article L.3121-34 du Code du travail, soit 10 heures par jour ;
- aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues au premier alinéa de l’article L.3121-35 du Code du travail et aux premier et deuxième alinéas de l’article L.3121-36 du même code, soient 48 heures pour une semaine et 44 heures sur 12 semaines consécutives.
Par ailleurs, les salariés sous forfait jours ne sont pas soumis aux heures supplémentaires, contingent annuel et contrepartie de repos.
4. Combien de jours de repos peut avoir un salarié sous forfait jours ?
Le nombre de jours de repos est défini chaque année en fonction du nombre de jours fériés coïncidant avec un jour ouvré, de congés payés, et de jours de repos hebdomadaires.
A titre d’exemple, si le forfait est de 218 jours, le salarié concerné bénéficiera de 9 jours de repos en 2015
[365 jours dans l’année – 104 jours de repos hebdomadaire (samedi et dimanche) – 25 jours ouvrées de congés payés – 9 jours fériés ouvrés = 227 jours ouvrés. 227 – 218 jours soit 9 jours de repos].
5. Le salarié peut-il renoncer aux jours de repos ?
Oui. Il est possible pour le salarié de solliciter à l’employeur de racheter des jours de repos. Lorsque l’employeur accepte, ceci doit être formalisé par un écrit et doit être exceptionnel.
L’écrit doit mentionner le nombre de jours rachetés et la majoration qui ne peut pas être inférieure à 10%.
Dans tous les cas, le nombre de jours travaillés dans l'année ne pourra pas excéder le nombre maximal fixé par l'accord collectif.
A défaut d'accord collectif, le nombre maximum de jours travaillés ne pourra excéder 235 jours.
L’article 4.6 de l’avenant Syntec du 1er avril 2014 prévoit que le nombre de jours travaillés ne pourra pas dépasser 230 jours dans l’année.
6. Le salarié peut-il placer ses jours de repos sur un compte épargne temps (CET)
Oui. Un accord collectif sur le compte épargne-temps peut prévoir que les salariés soumis à un forfait jours annuel puissent placer sur le CET des jours de repos accordés dans le cadre de leur forfait jours.
7. Les absences ont-elles une incidence sur le forfait jours ?
Oui.
Les jours d’absences indemnisées, les congés et les autorisations d’absence d’origine conventionnelle et les absences maladie non rémunérées doivent être déduits du nombre annuel de jours travaillés fixés dans la convention de forfait.
La Cour de cassation a jugé que les jours d’absence pour maladie doivent être pris en compte pour déterminer si le nombre de jours travaillés prévus par la convention de forfait est atteint. La réduction du nombre de jours de repos en raison d’absence pour maladie constitue une récupération prohibée par l’article L.3122-27 du Code du travail (Cass. soc. 3 novembre 2011, n°10-18.762).
A titre d’exemple, si un salarié qui est soumis à un forfait jours de 218 jours et ayant droit à 9 jours de repos a un arrêt maladie de 6 jours ouvrés, son forfait annuel est réduit à 212 jours. Le salarié conserve donc ses 9 jours de repos. On considère que le salarié aura exécuté sa prestation de travail en 212 jours et non en 218 jours, comme il était prévu dans la convention de forfait.
8. Le salarié peut-il prétendre à une rémunération particulière ?
Non. La rémunération du salarié est librement fixée par les parties.
Lorsqu’un salarié ayant conclu une convention de forfait jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut saisir le juge judiciaire afin que lui soient allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard au niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise, et correspondant à sa qualification (article L.3121-47 du Code du travail).
9. Que doit prévoir un accord collectif sur les forfaits jours concernant la santé et la sécurité du salarié ?
La Cour de cassation est intervenue à plusieurs reprises en ce qui concerne la sécurité et la santé des salariés sous forfait jours.
En effet, dans l’arrêt du 29 juin 2011 la Cour de cassation a considéré que «toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires » (Cass. soc. 29 juin 2011, n°09-71.107),.
Désormais, l’accord collectif doit prévoir que les salariés au forfait jours bénéficient :
- du repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives (article L.3131-1 du Code du travail) ;
- du repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien, soit 35 heures au total (article L.3132-2 du Code du travail) ;
- des jours fériés et des congés payés.
Le non-respect par l’employeur des clauses de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d’effet la convention de forfait (Cass. soc. 2 juillet 2014, n°13-11.940).
10. L’employeur est-il tenu de garantir un suivi de l’organisation du travail du salarié et de sa charge de travail ?
Oui. Compte tenu de l’aménagement flexible et autonome de son temps de travail, le salarié au forfait jours bénéficie d’une surveillance spécifique.
Ainsi, l’employeur doit prévoir un suivi régulier de la charge de travail et de l’amplitude des journées d’activité et instituer de véritables garanties d’une bonne utilisation du forfait jours.
Dans un arrêt du 24 avril 2013, la Cour de cassation a jugé que les accords collectifs doivent « garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé » (Cass. soc. 24 avril 2013, n° 11-28398).
Plusieurs dispositifs sont possibles notamment un système autodéclaratif hebdomadaire ou mensuel, un système d’alerte, un document de contrôle sur lequel le salarié fait apparaître les journées et demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels).
Lorsque l’employeur ne respecte pas les obligations de suivi et de contrôle mise à sa charge par accord collectif, la convention individuelle de forfait est privé d’effet le temps qu’il s’y conforme (Cass. soc. 30 avril 2014, n°13-11.034).
Dans son avenant en date du 1er avril 2014, Syntec a introduit l’obligation de déconnexion des outils de communication.
Par ailleurs, l’employeur doit organiser un entretien au minimum une fois par an avec le salarié sous forfait jours (L.3121-46 du Code du travail). L’avenant Syntec du 1er avril 2014 prévoit même deux entretiens annuels. (Accord Syntec, 1er avril 2014, article 4.8.3)
Si cet entretien n'a pas été organisé, le salarié est en droit de demander le paiement d'une indemnité pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours (Cas. Soc. 12 mars 2014, n°12-29.141).
Durant ces entretiens, doivent être abordés la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
11. Que doit mentionner une convention individuelle de forfait jours ?
L’article L.3121-40 du Code du travail prévoit que « la conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié. La convention est établie par écrit. »
Ainsi, l’employeur ne peut pas obliger le salarié à conclure une convention sous forfait jours.
La Cour de cassation a rappelé que les conventions de forfait doivent nécessairement être passées par écrit même si elles ont été conclues avant la loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale (Cass. soc. 19 février 2014, n°12-26.479).
Pour que la convention soit licite, celle-ci doit prévoir :
- la nature des missions justifiant le recours au forfait jour,
- le nombre de jours travaillés dans l’année,
- la rémunération correspondante,
- nombre d’entretiens annuels.
Si une de ces mentions n’est pas respectée, le salarié aura la possibilité de solliciter le paiement d’heures supplémentaires (sous réserve de les justifier), obtenir des dommages-intérêts, voir même prendre acte de la rupture de son contrat de travail au tort de son employeur pour non-respect du forfait jours.
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour
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