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Secret professionnel : quelle confidentialité du courriel adressé par une secrétaire d’un avocat à un avocat ?

Publié le 16/02/2023 Vu 6 526 fois 0
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Les correspondances entre avocats sont couvertes par le secret professionnel dès lors qu’elles ne portent pas la mention « officielle ».

Les correspondances entre avocats sont couvertes par le secret professionnel dès lors qu’elles ne portent p

Secret professionnel : quelle confidentialité du courriel adressé par une secrétaire d’un avocat à un avocat ?

Solution identique lorsque le courriel a été rédigé par la secrétaire d’un avocat pour un de ses confrères.

 

C’est ce qu’affirme la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 novembre 2022 (n°21-17.338 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046583054?init=true&page=1&query=21-17338&searchField=ALL&tab_selection=all).

 

Cette solution doit être approuvée.

1)      Faits et procédure

La société Conforama France (la société Conforama), société de droit français ayant pour activité la vente de biens d’équipement et d’ameublement, a eu comme fournisseur la société de droit américain Mab Ltb (la société Mab), en liquidation amiable depuis le 21 décembre 2006.

Le 20 juillet 2006, la société de droit italien Industria Conciara Volturno Srl (la société ICV), ayant pour activité le commerce de peaux et de meubles, créancière de la société Mab, a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la société Conforama en vue du paiement de sa créance.

Le 24 août 2006, la société de droit américain High Point Real Estate LLC (la société HPRE), prêteur à des fins d’investissements immobiliers ou financiers, créancière de la société Mab, a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la société Conforama au titre de sa créance.

La société Conforama, après avoir déclaré être débitrice de la société Mab, a indiqué détenir une créance sur cette dernière au titre de trois factures des 24 mars, 20 juin et 5 juillet 2006, venant en compensation avec la créance de la société Mab.

Le 9 septembre 2008, la société ICV a assigné la société Conforama, sur le fondement d’une action oblique, pour contester les factures de la société Conforama à l’égard de la société Mab. Un sursis à statuer a été ordonné dans l’attente de l’issue de la procédure parallèle opposant la société ICV à la société Mab sur le montant de la créance.

Par lettre du 20 décembre 2013, la société HPRE a demandé le rétablissement de la procédure engagée par la société ICV contre la société Conforama sur le fondement de l’action oblique et a demandé à intervenir volontairement dans cette instance, régularisant des conclusions à cette fin le 5 mai 2014.

La société Conforama a opposé à la société HPRE la prescription de son action.

La société Conforama s’est pourvue en cassation.

2)      Moyens

La société Conforama fait grief à l’arrêt du 30 mars 2021 de la Cour d’appel de Paris de dire que :

·   Les échanges entre cabinets d’avocats dont le signataire n’est pas avocat ne sont pas couverts par la confidentialité des correspondances entre avocats ni par le secret professionnel ; qu’au cas présent, la cour d’appel a estimé que le courrier électronique transmis par la secrétaire du conseil d’ICV, et ses annexes, seraient couverts par le secret et la confidentialité dès lors que le courrier portait clairement comme objet le nom des parties et du dossier concerné et précisait la nature des pièces jointes ; qu’en statuant ainsi, cependant que la secrétaire du conseil d’ICV n’était pas avocate, la cour d’appel a violé l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l’article 3-1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat ;

 

·         Les documents envoyés par un avocat à l’un de ses confrères et indiqués comme étant des pièces d’une procédure judiciaire peuvent être transmis par l’avocat destinataire à son client concerné par la procédure judiciaire ; que le client n’étant aucunement tenu par un quelconque secret ou confidentialité des correspondances, peut ensuite produire le document reçu à une procédure ; qu’au cas présent, la cour d’appel a estimé que le courrier électronique transmis par la secrétaire du conseil d’ICV, et ses annexes, seraient couverts par le secret et la confidentialité ; qu’en statuant ainsi, sans tenir compte de ce que la société Conforama, destinataire d’un document indiqué par son expéditeur comme une pièce de procédure, n’était tenu par aucun secret ou confidentialité des correspondances, la cour d’appel a violé l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble les articles 3-1 et 3-2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat.

3)      Réponse de la cour

La Cour de cassation confirme  la solution de la Cour d’appel de Paris.

Elle affirme qu’il résulte de l’article 66-5 de la loi n°70-1130 du 31 décembre 1971 et de l’article 3-1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat que les correspondances entre avocats et / ou entre un avocat et son client ne peuvent être produites en justice, sans aucune exception, et que leur production ne peut être légitimée par l’exercice des droits de la défense, sauf pour la propre défense de l’avocat, l’arrêt retient que, quand bien même seraient-elles échangées par courriel entre la secrétaire d’un avocat et un avocat, les correspondances entre avocats portant clairement comme objet le nom des parties et du dossier concerné et précisant la nature des pièces jointes, ces correspondances sont couvertes par le même secret, dès lors qu’elles ne portent pas la mention « officielle ».

Il relève qu’en l’espèce, la société Conforama a produit en pièce n°50 un document dont il résulte qu’elle l’a obtenu par courriel de son avocat, qui lui-même l’avait reçu du cabinet de son confrère le 30 juin 2017, mentionnant expressément qu’il s’agissait d’une transmission concernant un dossier « Industria Conciara V/ Mab Lt + HPRE » et qu’un « protocole d’accord transactionnel » était joint, sans toutefois mentionner le caractère « officiel » de cette transmission.

De ces constatations et appréciations, c’est à bon droit que, peu important les conditions de leur transmission et l’auteur de leur production, la cour d’appel de Paris a déduit que les pièces en cause étaient couvertes par le secret professionnel de l’avocat et ne pouvaient être produites en justice.

4)      Analyse de la décision

Cette solution doit être approuvée.

La Cour de cassation adopte une vision extensive du secret professionnel et de la confidentialité des échanges entre avocats.

L’article 66-5 de la loi n°71-1130, du 31 décembre 1971 dispose qu’ « en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ».  https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000023780802

La Haute juridiction considère que le secret professionnel et la confidentialité des échanges s’applique, peu important les conditions de la transmission ainsi que les auteurs à l’aune de ces échanges.

Le courriel électronique est soumis à la protection des échanges, conformément à l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, même si ce dernier a été adressé par la secrétaire d’un avocat, à un autre avocat.

La Cour de cassation rappelle la primauté du secret professionnel entre avocats, ce pourquoi les auteurs et conditions de transmission ne permettent pas de rompre cette exigence.

Sources :

 

Cass. Com, 16 novembre 2022, n°21-17.338 :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046583054?init=true&page=1&query=21-17338&searchField=ALL&tab_selection=all

 

Article 66-5 de la loi n°71-1130 de la loi du 31 décembre 1971 :

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000023780802

 

Article 3-1 du Règlement intérieur national de la profession d’avocat :

https://www.cnb.avocat.fr/fr/reglement-interieur-national-de-la-profession-davocat-rin

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

Marion Coadic juriste M2 Droit social Paris 1

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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