Pour autant, l’intermittente du spectacle n’a jamais eu de lien juridique et/ou de subordination avec son employeur juridique (CROSSROADS) car elle travaillait, à titre exclusif, pour le compte d’une société utilisatrice (LA COMPAGNIE DES DECORS), sur le site de laquelle, la société lui dispensait l’intégralité des instructions et des consignes de travail.
Le 20 avril 2011, l’intermittente du spectacle a été victime d’un accident du travail dans l’atelier de l’entreprise utilisatrice (LA COMPAGNIE DES DECORS), alors qu’elle travaillait sur une scie circulaire sur table.
Lors de l’accident, la scie circulaire ne comportait aucune protection et l’intermittente a été blessée à l’index de la main droite.
Suite à cet accident, Madame X a été opérée en urgence et a été arrêtée pour une durée totale de 5 mois.
Madame X a subi une perte irrémédiable de la substance du nerf de l’index de la main droite dont la reconstitution n’a pu être réalisée, ainsi qu’une réduction de la motricité de celui-ci, suite à la section du tendon fléchisseur.
Cet accident du travail a été déclaré à la Sécurité Sociale par l’employeur juridique (CROSSROADS), et non par l’entreprise utilisatrice depuis déclarée en liquidation judiciaire.
Le 15 janvier 2014, Madame X a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice (LA COMPAGNIE DES DECORS) et d’indemnisation de divers préjudices.
Par jugement du 16 juin 2016, le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de Bobigny a reconnu l’existence d’une faute inexcusable commise par l’entreprise utilisatrice, a ordonné la majoration de la rente versée à Madame X à son taux maximum et ordonné une expertise médicale judiciaire afin de déterminer le montant des dommages et intérêts dus à la menuisière intermittente du spectacle.
Néanmoins, le TASS de Bobigny considère que l’employeur juridique (CROSSROADS), demeure seul tenu des indemnités dues en cas de faute inexcusable, sans préjudice de l’action en remboursement qu’elle pourra exercer contre l’entreprise utilisatrice en liquidation judiciaire, pour obtenir le remboursement des indemnités complémentaires versées à Madame X.
Le TASS a désigné un expert judiciaire, pour déterminer l’ensemble du préjudice subi par l’intermittente du spectacle ( préjudice causé par les souffrances physiques, morales, esthétiques, d’agrément, perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, déficit fonctionnel temporaire, assistance par une tierce personne avant consolidation, préjudice sexuel, frais d’adaptation éventuels de logement ou de véhicules, préjudice universitaire ou de formation, préjudices permanents exceptionnels atypiques, liés aux handicaps permanents).
1) Le manquement de l’entreprise utilisatrice à son obligation de formation à la sécurité renforcée entraîne nécessairement une présomption de faute
Aux termes de l’article L.4142-2 du Code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de formation à la sécurité renforcée à l’égard des salariés sous CDD affectés à des « postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ».
A cet égard, le TASS de Bobigny relève que l’existence de la faute inexcusable de l’employeur est présumée établie pour les salariés sous CDD et les salariés mis à disposition d’une entreprise utilisatrice victimes d’un accident du travail affectés à de tels postes dès lors qu’ils n’ont pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée.
De plus, le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale relève que l’utilisation d’une scie circulaire présente intrinsèquement un danger particulier que l’employeur ne pouvait ignorer.
A ce titre, ni l’employeur juridique, ni l’entreprise utilisatrice, ne rapportent la preuve d’une formation à la sécurité renforcée.
Le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale conclut qu’il en résulte nécessairement une présomption de faute à l’encontre de l’entreprise utilisatrice (LA COMPAGNIE DES DECORS).
2) L’entreprise utilisatrice est tenue de prendre les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés
Le Code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les « mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».
L’article L.4121-1 précisant que « ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ».
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Dès lors, il appartient à la victime, invoquant la faute inexcusable, de rapporter la preuve de cette double condition : conscience du danger et carence de l’employeur quant à la mise en place des mesures de protection nécessaires.
Dans le cas d’espèce soumis au Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de Bobigny, Madame X était affectée à un poste nécessitant l’utilisation d’une machine présentant intrinsèquement un danger particulier que l’employeur ne pouvait ignorer.
Par ailleurs, l’entreprise utilisatrice ne démontrait pas que toutes les mesures de protection avaient été prises pour préserver Madame X des risques de l’appareil.
En outre, les seules notices d’utilisation et d’entretien versées aux débats ne présentaient aucune instruction ou procédure de sécurité portée à la connaissance des salariés.
Le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale conclut que l’entreprise utilisatrice ne renverse pas la présomption de faute pesant à son encontre.
3) L’employeur juridique demeure tenu des indemnités dues en cas de faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice
Aux termes de l’article L.412-6 de la Sécurité sociale, l’entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction à l’employeur.
Cependant, l’employeur demeure tenu de l’indemnisation complémentaire versée au salarié en cas de faute inexcusable, sans préjudice de l’action en remboursement qu’il peut exercer contre l’auteur de la faute inexcusable.
S’il est établi que l’employeur juridique n’a eu aucune responsabilité dans la survenance de l’accident du travail de son salarié, imputable entièrement à la faute de l’entreprise utilisatrice, cette dernière doit relever et garantir l’employeur de l’ensemble des conséquences financières résultant de la faute inexcusable, tant en ce qui concerne la réparation complémentaire versée à la victime que le coût de l’accident du travail.
En l’espèce, le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale relève que l’entreprise utilisatrice, s’était substituée à la direction de l’employeur, le contrat étant exécuté dans les locaux de cette dernière, avec le matériel lui appartenant et sous sa subordination.
Dès lors, l’employeur juridique (CROSSROADS), demeure seul tenu des indemnités dues en cas de faute inexcusable, sans préjudice de l’action en remboursement qu’elle pourra exercer contre l’entreprise utilisatrice en liquidation judiciaire, pour obtenir le remboursement des indemnités complémentaires versées à Madame X.
Pour autant, le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale souligne que l’employeur juridique n’a pas engagé sa responsabilité dans la survenance de l’accident du travail.
Frédéric CHHUM, Avocat à la Cour (Paris et Nantes)
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