C’est ce qu’affirme la Cour de cassation dans un arrêt du 13 février 2019 (n°17-23790).
1) Rappel des faits et de la procédure
M. E. a été engagé le 3 janvier 2002 selon contrat à durée indéterminée par la société Keres technologies (la société).
Depuis 2004, il est associé minoritaire avec 8 % des parts.
A compter du 1er janvier 2007, il a été promu directeur commercial et marketing de la société et de ses filiales.
Autorisé par son employeur et bénéficiant de nouvelles modalités de travail pour ce faire, le salarié a créé sa société, Media Place Partners, le 15 avril 2009.
Il a saisi le 1er septembre 2010, la juridiction prud'homale en référé en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur invoquant notamment le non-paiement de ses primes.
Le conseil des prud'hommes s'est déclaré incompétent par ordonnance du 24 septembre 2010.
Le salarié a été licencié pour faute grave le 4 novembre 2010.
Par jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 22 août 2018, la société Keres technologies a été placée en liquidation judiciaire, la société Garnier et Guillouët étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
2) Solution de l’arrêt
Dans son arrêt du 13 février 2019, la Cour de cassation affirme au visa de l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qu’il résulte de ces textes qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur.
La Cour d’appel de Paris avait déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté les demandes formées au titre de la nullité du licenciement et en paiement de dommages-intérêts pour licenciement illicite, en retenant que :
- depuis 2009, les relations de travail entre le salarié et son employeur s'inscrivaient dans un projet de partenariat avec la société que le salarié devait créer et qu'à ce titre, il bénéficiait d'une grande liberté d'action,
- cependant il ne bénéficiait pas d'une dispense d'exercer ses fonctions ni d'un congé sabbatique, qu'après deux mises en demeure du 29 septembre et 4 octobre 2010 de reprendre son travail, il ne s'est présenté que le 11 octobre 2010 et n'établit pas être resté sur place ;
- que quoi qu'il en soit, après deux mises en demeure de reprendre le travail, son retour à son poste était tardif.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 juin 2017.
Elle affirme « qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié d'avoir saisi le juge des référés en résiliation judiciaire du contrat de travail à l'encontre de la société, la cour d'appel qui devait en déduire que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse engagée par le salarié était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice et que le licenciement ne pouvait dès lors être fondé sur une cause réelle et sérieuse, a violé les textes susvisés ».
L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.
3) Portée de l’arrêt
Cet arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2019 est une confirmation de jurisprudence.
Déjà, dans un arrêt du 21 novembre 2018 (M. Y c/ ATOS, n°17-11122), la Cour de cassation a affirmé que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse envisagée par le salarié est constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture (permettant ainsi la réintégration du salarié).
La Haute juridiction a précisé aussi dans cet arrêt qu’en cas de réintégration, le salarié a droit à une indemnité égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, les revenus de remplacements ne devant pas être déduits.
Dans un arrêt du 5 décembre 2018 (M. Y c/ Canal +, n°17-17687), elle a précisé qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié, peu important que la demande du salarié soit non fondée.
Il faut saluer ces arrêts qui renforcent la protection des salariés qui agissent en justice.
Source : legifrance
c. cass. 13 février 2019, n°17-23720
Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris, Nantes, Lille)
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