Le véhicule de fonction en fait partie et son utilisation n’est généralement pas limitée à des fins professionnelles.
1) Distinguer véhicule de fonction et véhicule de service
Le véhicule de fonction n’est ni référencé dans le Code du travail ni dans le Code de sécurité sociale.
C’est un véhicule acheté ou loué par l’entreprise dans le but d’être affecté à un collaborateur pour un usage professionnel mais également pour un usage privé les week-ends ou pendant ses congés.
Il faut distinguer le véhicule de fonction du véhicule de service.
Le véhicule de service est également un véhicule acheté ou loué par l’entreprise pour un usage strictement professionnel de ses salariés.
Il s’agit d’un véhicule utilitaire utilisé uniquement dans le cadre de trajets entre les locaux de l’entreprises et d’autres lieux où s’exerce la prestation de travail.
2) La mise à disposition du véhicule de fonction
Le véhicule de fonction ne répond jamais à une obligation légale mais à une politique d’entreprise qui peut répondre soit à des enjeux d’attractivité et de fidélisation des salariés, soit économiques.
Le véhicule de fonction est donc considéré comme un avantage en nature octroyé à certains salariés ou certaines catégories de salariés tout en répondant au principe d’égalité de traitement.
Il est donc primordial pour l’entreprise de définir les critères d’éligibilité à un véhicule de fonction afin d’éviter de s’exposer à une action en justice.
Il s’agit généralement de l’appartenance à une catégorie de salariés (commerciaux, techniciens de maintenance, équipes de nuit, équipe dirigeante), de l’éloignement du domicile du salarié ou du nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel.
A défaut de définir des critères précis et objectifs, l’employeur qui refuserait l’attribution d’un véhicule de service à la demande de tel ou tel salarié pourrait s’exposer à une action fondée sur le principe « à travail égal, salaire égal ». (Cass. Soc., 10 décembre 2008, n°07-41879)
D’un point de vue économique, il s’avère généralement plus rentable pour l’entreprise de mettre à la disposition de ses salariés un véhicule de fonction plutôt que leur rembourser leurs frais kilométriques ou de déplacement (billets de train ou d’avion).
3) Le cadre légal
3.1) Un écrit le plus souvent
Le véhicule de fonction étant un élément de rémunération en nature, il a pour vocation de figurer sur un écrit ; le plus souvent cet élément est prévu au contrat de travail ou bien un avenant au contrat de travail.
La clause qui y réfère doit préciser :
- Le type de véhicule mise à dispositions, l’usage autorisé (professionnel, privé, réservé uniquement au salarié ou étendu à des tiers) ;
- La procédure de vérification périodique du permis de conduire du salarié ;
- L’obligation de restituer le véhicule (en cas de suspension ou de rupture du contrat) ;
- Les frais annexes pris ou non en charges par l’employeur ;
- L’obligation de signaler tout sinistre.
La mise à disposition d’un véhicule de fonction peut prendre également place dans une politique d’entreprise qui détermine les critères d’éligibilité et d’attribution de ce dernier (catégorie de salarié concerné, type de véhicule, répartition des frais etc.). Cette politique prend généralement la forme d’une note de service ou d’un accord collectif.
3.2) La modification de la mise à disposition dans le temps
Si l’attribution du véhicule de fonction est garantie par le contrat de travail, il ne peut être supprimé sans l’accord du salarié car la modification de cet avantage relève d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail (dans ce cas, la rémunération).
Si l’attribution du véhicule de fonction est prévue par une note de service ou un accord collectif d’entreprise, sa modification sera soumise aux règles propres à chacun de ces actes.
3.3) La répartition des frais
Les frais d’assurance et d’entretien sont pris en charge par l’entreprise.
En théorie, les frais d’essence et de parking supportés dans le cadre d’un déplacement professionnel seront à la charge de l’employeur tandis que ceux supportés dans le cadre d’un déplacement personnel seront à la charge du salarié.
En pratique, il est parfois difficile, notamment pour le carburant, de faire la distinction entre le carburant consommé à titre personnel et celui consommé à titre professionnel. La date à laquelle a été fait le plein n’est pas forcément un critère pertinent : l’administration admet ainsi le calcul du volume de carburant utilisé à titre personnel multiplié par le nombre de kilomètres parcourus à titre personnel par la consommation moyenne du véhicule.
Concernant le paiement de la franchise de l’assurance, il arrive parfois que des entreprises demandent au salarié de supporter la franchise en cas de sinistre survenu lors d’un déplacement personnel.
Dans le cas où un salarié multiplie leurs accidents, des mesures disciplinaires pourront être prises afin de le sanctionner selon leur régularité : un accident isolé volontaire pourra faire l’objet d’une faible sanction (CA Grenoble, 14 décembre 1989, n°89-561) alors que des accidents plus réguliers pourront constituer un motif de licenciement (Cass. Soc. 19 novembre 1969, n°68-40555).
3.4) Les conditions d’utilisation
Le véhicule de fonction peut être utilisé par le salarié lors d’un déplacement personnel dans lequel il peut transporter sa famille ou ses proches directement ou indirectement.
Il est judicieux de préciser les conditions d’utilisation du véhicule dans la clause du contrat de travail en question ou dans la politique d’entreprise (note d’entreprise, accord d’entreprise) afin d’éviter toute confusion.
En pratique, la plupart des entreprises réserve la conduite du véhicule de fonction au seul salarié.
3.5) La possibilité de faire du covoiturage
Le développement notable des plateformes de covoiturages amène à se poser la question de savoir si un salarié peut être tenté d’utiliser son véhicule de fonction pour transporter des personnes tiers contre une rémunération.
Lors d’un usage professionnel, la perception d’une participation aux frais de déplacement par le salarié lui permet de réaliser une plus-value au détriment de l’employeur. Cette pratique est donc prohibée et a déjà été sanctionné par plusieurs Cours d’appel.
Cependant, rien ne s’oppose à la réalisation de telles pratiques dans le cadre d’un déplacement personnel sous réserve que l’employeur ne participe pas aux frais d’essence lors de ces usages.
3.6) La mise en place d’un système de géolocalisation
La géolocalisation des véhicules de fonctions, bien qu’elle présente de nombreux intérêts pour l’entreprise (sécurité, contrôle, meilleure gestion), peut s’avérer intrusive et porter ainsi atteinte au respect de la vie privée du salarié.
La mise en place d’un système de géolocalisation doit donc faire l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qi s’assure que l’employeur respect son obligation légale.
La géolocalisation peut être justifiée dans les cas suivants :
- Le type de transport ou nature des biens transportés ;
- Le suivi ou la facturation d’une prestation ;
- La sécurité du salarié, des marchandises ou des véhicules ;
- Une meilleure allocation des moyens aux prestations à accomplir ;
- Le contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule et du Code de la route.
Avec l’entrée en vigueur du RGPD, cette obligation de déclaration a été remplacée par une obligation générale de conformité au RGPD, toujours sous le contrôle de la Cnil qui analysera de la même manière le dispositif.
3.7) Les conditions de restitution
Lors de la suspension de son contrat de travail (arrêt maladie, congé parental), le salarié conserve en principe le droit d’utiliser le véhicule de fonction sous réserve que le contrat de travail n’en dispose pas autrement.
En cas de rupture du contrat de travail, le salarié conserve le droit d’utiliser le véhicule de fonction pendante la durée du prévis de licenciement ou de démission, étant partie intégrante de sa rémunération (en nature).
Cependant, au terme du préavis, le salarié devra restituer le véhicule étant la propriété de l’entreprise.
Dans le cadre d’une éventuelle dégradation, il pourra être demandé au salarié de prendre en charge une partie des réparations.
Si cette dégradation est réalisée avec une intention de nuire à l’entreprise, elle pourra entrainer le licenciement pour faute lourde du salarié qui engagera alors sa responsabilité contractuelle et sa responsabilité civile délictuelle.
3.8 ) Infractions routières : obligation de l’entreprise de dénoncer le salarié
La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle crée un article L.121-6 du Code de la route qui impose à l’employeur, titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule (« carte grise »), de dénoncer le salarié conducteur en cas d’infraction routière :
« Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. »
Notre article : obligation pour l’employeur de dénoncer les infractions routières de ses salariés https://www.village-justice.com/articles/Obligation-pour-employeur-denoncer-les-infractions-routieres-ses-salaries,24183.html
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Morgane BOCQUET juriste
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
e-mail: chhum@chhum-avocats.com
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