Or, il n’est pas non plus rare, quelques temps après la vente, que l’acheteur, qui rentre dans les lieux et qui jouit de sa nouvelle maison, se rende compte d’un certain nombre de dysfonctionnements que l’on rencontre régulièrement.
Ce qui représente un coût non négligeable, en cas de remplacement ou de réparation, est le cas spécifique de la fosse septique.
Il est alors fréquent dans une telle situation, que l’acheteur actionne en responsabilité le vendeur, afin que celui-ci l’indemnise du préjudice qu’il a subi.
Dans pareille hypothèse, l’acheteur actionne non seulement sur le fondement juridique du vice caché, mais encore sur le fondement juridique de la non-conformité.
En effet, afin de se garantir de multiplier les chances de succès, il n’est pas rare que l’acheteur opte cumulativement sur la garantie due par le vendeur en cas de vice caché, mais également en cas de non-conformité.
Pourtant, il s’agit bien de deux notions juridiques distinctes et qui visent des obligations de délivrance parfaitement différentes.
Il est vrai que depuis la jurisprudence Caesaro, suivant un arrêt de la Cour de Cassation en assemblée plénière de 2006, il est fortement recommandé aux avocats, au titre du principe de la concentration des moyens et des demandes, de multiplier les moyens de droit.
Toutefois, il appartient quand même à l’acheteur de définir le moyen de droit pertinent plutôt que de soulever l’ensemble des moyens de droit pouvant être classiquement évoqués en cas de difficulté survenant à la suite d’une vente immobilière.
L’acheteur ne peut donc envisager le vice caché pour ensuite envisager le défaut de conformité.
Afin d’éviter toute forme d’imbroglio juridique sur ce point, la jurisprudence a mis fin à cette forme de cumul. En effet, la Cour de Cassation distingue fermement la délivrance conforme et les vices cachés.
Il convient de citer un arrêt de la Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 05/05/1993, N° 90-18.331. La Cour de Cassation rejette donc l’action en responsabilité de Droit Commun en cas de vice caché qui ne relève que de l’action en garantie, régie par les articles 1641 et suivants, du Code Civil (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 28/06/1995, N° 93-17.379).
L’acquéreur n’a donc plus le choix entre l’action en garantie de vice et celle fondée sur des non-conformités et l’obligation de délivrance (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 04/10/1995, N° 93-14.879). La jurisprudence a donc érigé un principe de non cumul des responsabilités légales spécifiques et des responsabilités contractuelles de droit commun.
La jurisprudence considère que lorsqu’une action a été introduite à tort sur le fondement de garantie de vice caché, alors qu’elle aurait due prospérer sur les fondements des articles 1603 et 1604 du Code Civil, le juge saisi de cette action n’a pas à requalifier la demande et à l’examiner du point de vue de l’obligation de conformité. (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 08/11/2006, N° 05-17.379). Dès lors, le cumul entre vice caché et non-conformité est impossible.
Il appartient donc au demandeur de déterminer avec un minimum de précisions juridiques le fondement de sa demande. Il ne peut invoquer des moyens qui seraient contradictoires et ce d’autant plus, que concernant le vice caché, sa demande est donc exclusive de toute autre demande.
Il est également loisible de citer une jurisprudence de la Cour d’Appel de Nîmes, en date du 7/07/2011, n°RG09/03-139, dans lequel arrêt la Cour précise « que les autres parties ont abordé l’obligation de délivrance conforme mais que l’action en garantie des vices cachés est exclusive de la non-conformité et qu’en tout état de cause, ce moyen n’est pas véritablement développé. ». Il appartient donc à l’acheteur, qui souhaite poursuivre le vendeur, de choisir entre vice caché et défaut de conformité.
Afin de prévenir toute garantie de vice caché, il n’est pas rare qu’il y ait des clauses, au sein de l’acte de cession immobilière, qui sont justement des clauses de non-garantie de vice caché.
Il n’est effectivement pas rare de trouver comme clause dans l’acte : « l’immeuble est vendu dans son état actuel, sans garantie de la contenance indiquée, la différence avec celle réelle, même supérieure à 1/20ème, devant faire le profit ou la perte de l’acquéreur. Sauf application d’une disposition égale (légale) spécifique, le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices cachés pouvant affecter, le sol, le sous-sol ou les bâtiments ».
Ces clauses exclusives de non-garantie des vices cachés sont expressément permises par la Loi, notamment par l’article 1143 du Code Civil, lequel article édicte : « Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connu, à moins que dans ce cas, il n’est stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. ». Ainsi, la clause de non garantie des vices cachés est possible (peut donc s’appliquer) chaque fois qu’un texte spécial ne l’interdit pas (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 22/03/1995, N° 93-11.990).
Ces textes spéciaux concernent notamment l’absence d’état parasitaire ou bien encore la présence ou l’absence de matériaux ou produits dans la construction contenant de l’amiante. Cette clause de non-garantie des vices cachés est extrêmement claire : l’acquéreur prend l’immeuble dans l’état où il se trouve, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit.
Celui devra faire son affaire personnelle des vices cachés affectant la construction (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 17/02/2004, N° 03-11.283).
Ainsi, par une telle clause, l’acquéreur qui signe l’acte, s’interdit d’élever des réclamations ou de prétendre à une indemnité ou une diminution de prix en cas de vice ou de défaut de l’immeuble vendu.
Enfin, il convient de préciser que le vice caché est une mécanique qui doit faire l’objet d’un certain nombre de qualifications. En effet, plusieurs conditions sont nécessaires et elles doivent être remplies afin d’utilement mettre en œuvre la garantie des vices cachés, à savoir :
- Le défaut rendant la chose impropre à l’usage auquel on la destine ;
- La gravité du vice ;
- Le caractère occulte du vice ;
- L’antériorité du vice.
Concernant le cas spécifique de la fosse septique, la jurisprudence considère que le vice caché consiste en une absence de fosse septique et non pas de problèmes rattachés à celle-ci. Il est loisible de citer la Cour d’Appel de Douai, 1ère chambre, section 1, 07/04/2011, n° 09/06-880 « Ainsi, il ne résulte pas de ces actes que les vendeurs ont donné une fausse affirmation à leur acquéreur quant au système d’assainissement, ni qu’ils ont sciemment omis de faire mention de la présence d’une deuxième fosse et même d’une troisième citerne recueillant les eaux pluviales dans le jardin… Le vendeur fait les déclarations suivantes : les biens immobiliers objets des présentes ne sont pas raccordés au tout-à-l’égout.
Ils sont desservis par une installation d’assainissement individuelle. Son utilisation ne présente aucune difficulté particulière et ne nécessite aucun entretien… En outre, la production de l’attestation de Monsieur G., voisin, ayant vu le vendeur intervenir sur la fosse, ne suffit pas à établir, faute de toute précision complémentaire, sur la période à laquelle se sont déroulées ces interventions, sur leur nature, que les vendeurs avaient connaissance d’une défectuosité potentielle de leur système d’assainissement.
En outre, les propos du vendeur, rapporté par le voisin, selon lequel il y avait des soucis concernant l’assainissement, ne prouvent pas plus un système de fonctionnement de la fosse, puisqu’ils peuvent se rapporter à l’obligation de raccordement au réseau public, qui avait été notifiée en son temps au vendeur. Dans ces conditions, les acheteurs ne rapportent pas la preuve que les vendeurs ont manqué à leur obligation de délivrance d’un bien conforme, pas plus qu’ils ne justifient que le bien qui leur a été remis était affecté au moment de la vente d’un vice caché dont les vendeurs avaient connaissance ».
La jurisprudence considère également que le non-raccordement d’un immeuble au réseau d’assainissement et les éventuels problèmes liés à l’utilisation d’une fosse septique ne suffisent pas à caractériser une atteinte à l’usage du bien, au sens de l’article 841 du Code Civil.
Il convient de citer Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 28/03/2007, N° 06-12.461 : « Attendu selon arrêt attaqué, que les époux P. ont vendu en 2001 un immeuble aux époux B., que celui-ci n’étant pas raccordé au réseau d’assainissement collectif mis en place en 1993 par la commune, les acquéreurs ont assigné les vendeurs en paiement de sommes correspondant à la moins-value de l’immeuble et à des dommages et intérêts.
Attendu que pour faire droit à la demande, sur le fondement de la garantie des vices cachés, l’arrêt retient qu’en raison de sa non-conformité au règlement d’urbanisme, la propriété était impropre à l’usage d’habitation auquel elle était destinée, qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une atteinte à l’usage du bien, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Il importe également de préciser, que dans ce genre de contentieux, il n’est pas rare également que les acheteurs évoquent le dol à l’encontre du vendeur, au motif que celui-ci se serait bien gardé de révéler le problème, alors même qu’il en avait parfaitement conscience. Toutefois, il convient de rappeler que c’est à l’acheteur de prouver que le vendeur aurait eu connaissance du vice incriminé au moment de la vente, comme le précise la jurisprudence (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 19/12/2001, N° 00-12.022). En outre, il convient de rappeler que le dol consiste en des manœuvres, tromperies, mensonges ou réticences, par lesquels une personne en trompe une autre pour la déterminer à contracter.
Ce qui impose à l’acheteur, qui évoque le dol, pour être indemnisé de son préjudice, d’effectuer cette démonstration, puisque le dol ne se présume pas et doit être prouvé. Concernant la question spécifique de la réticence dolosive, il convient de rappeler que le dol est constitué par le silence volontaire d’une partie, dissimulant un fait, qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter (cf. Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 19/05/1961, N° 58-10.090).
Il en ressort que le silence doit dissimuler un élément qui aurait, s’il avait été porté à la connaissance des acquéreurs, compromis la vente. La jurisprudence retient effectivement des cas très graves : « Le silence sur une servitude d’urbanisme, (cf. Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 24/01/1962, N° 58-10.090), la dissimulation d’une installation classée, (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 02/10/1974, N° 73-11.901), la dissimulation d’un projet de porcherie près de la maison, (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 07/05/1974, N° 73-20.045), l’absence d’information des clauses réelles du désordre de construction, (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 25/05/2004, N° 03-12.169), ou encore l’absence de déclaration d’une interdiction d’habiter, (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 16/09/2003, N° 02-13.234).
Sur la question spécifique du raccordement au réseau d’assainissement, la jurisprudence sanctionne quant à elle la réticence dolosive à l’encontre du vendeur, qui a dissimulé l’absence de raccordement, (cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 28/03/2007, N° ??- ??. ?? et Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 12/11/2009, N° 08-14.563).
Cependant, à aucun moment la jurisprudence ne sanctionne une réticence dolosive issue du mauvais fonctionnement d’une fosse septique, qu’il convient au préalable de démontrer.