Volonté de vivre plus longtemps à domicile, manque de place en EHPAD, désinstitutionalisation… Plus les années passent, plus le secteur de l’aide à domicile devient la pierre angulaire des politiques médico-sociales.
En toute logique, le secteur des services d’aide à domicile est donc le secteur juridiquement le plus dynamique de tout le monde médico-social.
La Loi Autonomie dont les décrets d’application ne vont pas tarder à être publiés va refonder le secteur en créant les services autonomie domicile, qui regrouperont les actuels SAAD, SSIAD et SPASAD
Certaines conventions collectives ont été réformées afin de tenter de rendre le secteur plus attractif, la Loi ASV du 31 décembre 2015 avait uniformisé les règlementations d’un secteur fragmenté, et, dernière en date, la jurisprudence administrative a posé un cadre règlementaire précis pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile.
Ces derniers, services médico-sociaux, doivent être autorisés par le Département pour pouvoir exercer en mode prestataire.
Le problème, c’est qu’il existe diverses procédures menant à l’autorisation, avec chacune un régime particulier.
Basiquement, il existe deux procédures d’autorisation, radicalement différentes.
Tout d’abord, l’autorisation peut être soumise à l’appel à projet : dans ce cas, le Département prend l’initiative de solliciter la création d’un Service d’aide à domicile, et les SAAD candidatent. Ils n’ont donc aucune initiative et doivent attendre les appels à candidater les bras croisés.
En second lieu, l’autorisation peut être accordée sur demande du SAAD, le Département étant libre d’accepter ou refuser selon les critères du Code de l’Action Sociale et des Familles. Dans ce cas de figure, c’est le SAAD qui a l’initiative. Cette procédure est donc considérablement plus favorable aux SAAD.
Le principe en droit médico-social est plutôt celui de l’appel à projet, très défavorable aux établissements et services médico-sociaux.
Or, la Loi ASV (Adaptation de la Société au Vieillissement du 31 décembre 2015) avait prévu une dérogation pour les SAAD : jusqu’au 31 décembre 2022, les SAAD étaient exonérés de la procédure d’appel à projet. Ils étaient donc soumis à la procédure d’autorisation « simple », à leur initiative.
Toutes les bonnes choses ayant une fin, depuis le 1er janvier 2023, les voilà de retour dans le giron des procédures d’appel à projet.
C’est du moins ce que l’on croyait car plusieurs décisions des juridictions administratives ont précisé le régime de l’autorisation des SAAD. Et c’est là que les choses se compliquent car il faut encore introduire un degré supplémentaire de distinction entre les SAAD.
Schématiquement, il existe deux catégories de SAAD : les SAAD habilités à l’aide sociale et les SAAD non-habilités à l’aide sociale.
Dans tous les SAAD, habilités ou non, les usagers rémunèrent le SAAD avec le montant de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) ou de la PCH (prestation de compensation du handicap).
Dans les SAAD habilités à l’aide sociale, le tarif horaire que pratique le SAAD n’est pas libre et est fixé au niveau des plans d’aide, même pour les usagers qui ne bénéficieraient pas de l’aide sociale à domicile.
Dans les SAAD non-habilités à l’aide sociale, le tarif horaire est libre et peut dépasser le niveau des plans d’aide, ce qui engendre un reste à charge.
Mais revenons à notre distinction appel à projets // autorisation simple.
Au regard du Code de l’Action Sociale et des familles, code à peu près aussi indigeste que la matière en elle-même, le critère de distinction entre procédure d’appel à projets et autorisation simple est le critère du financement public : si un établissement ou service médico-social perçoit des financements publics, il est soumis à la procédure d’appel à projets. S’il ne bénéficie pas de financements publics, il est soumis à la procédure d’autorisation simple.
Mais alors, qu’est-ce qu’on appelle un financement public ? Au sens du Code de l’action sociale et des familles, le terme de financement public englobe aussi bien un financement public direct qu’indirect.
Ainsi, l’APA ou la PCH, payée par le Département au bénéficiaire qui paye le SAAD, semblerait constituer un financement public indirect – surtout que parfois le Département paye directement l’APA ou la PCH au SAAD mais ne compliquons pas un sujet déjà un peu technique.
C’est justement ce point qu’a tranché la jurisprudence administrative.
La Cour d’Appel de Toulouse, dans un arrêt du 29 décembre 2022, confirmant sur ce point le jugement du Tribunal Administratif de Montpellier en première instance, jugeait que le simple fait d’intervenir auprès de bénéficiaires de l’APA et de la PCH ne permettait pas de considérer que le SAAD bénéficiait de financement public.
Dès lors, le SAAD était exonéré de la procédure d’appel à projet et soumis à la procédure d’autorisation simple. Une très bonne nouvelle pour le SAAD, donc.
Ce raisonnement était confirmé mot pour mot par un jugement du Tribunal Administratif de Pau du 22 février 2023 (4).
Un SAAD qui intervient auprès de bénéficiaires de l’APA et de la PCH n’est donc pas considéré comme percevant des financements publics de ce seul fait, quand bien même le Département finance ces prestations.
Dans chacune des espèces, les SAAD requérants étaient des SAAD non habilités à l’aide sociale.
Peut-être que la solution serait différente si les SAAD étaient habilités à l’aide sociale, car en ce cas, le Département verse une prestation sociale complémentaire. A moins de considérer que celle-ci ne constitue pas non plus un financement public.
Les décisions précitées ne précisent pas ce point, ce qui est tout à fait normal puisque la question ne leur était pas posée.
En revanche, elles précisent également les critères de l’autorisation simple.
Les critères de l’autorisation, ou, devrait-on plutôt écrire, les motifs de refus d’autorisation sur lesquels les Départements peuvent se fonder dans le cadre d’une autorisation simple.
Les critères de l’autorisation simple du CASF sont le respect du cahier national des charges et la prévision des démarches d’évaluation.
Par les décisions précitées, la Cour administrative d’appel de Toulouse et le Tribunal Administratif de Pau ajoutent un critère : le respect des règles d’organisation et de fonctionnement du Code de l’action sociale et des familles telles que des considérations financières prévues à l’article L.313-8 du CASF.
La jurisprudence administrative a donc crée un véritable régime de l’autorisation des SAAD – en tout cas des SAAD non-habilités.
Ce régime est favorable aux SAAD mais offre aux Départements des motifs de refus supplémentaires par rapport au régime légal de l’autorisation simple.
Le régime ainsi crée semble donc assez équilibré, en ce qu’il permet le développement des SAAD, indispensable au regard des enjeux et dynamiques de prise en charge des personnes âgées et handicapées, tout en laissant un champ de motifs de refus assez larges à l’administration.
Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux
bouchonavocat@gmail.com