Contester un refus d’agrément pour adoption du Département

Publié le 22/06/2024 Vu 146 fois 0
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Quelles sont les voies de recours pour contester le refus d’un Département d’accorder l’agrément nécessaire à l’adoption d’un pupille de l’Etat ou d’une adoption internationale ?

Quelles sont les voies de recours pour contester le refus d’un Département d’accorder l’agrément néce

Contester un refus d’agrément pour adoption du Département

Adopter un enfant pupille de l’Etat ou dans le cadre d’une adoption internationale nécessite de nombreuses démarches.

 

I-                    Rappel succinct du cadre juridique

 

Si la justice judiciaire a la compétence pour prononcer l’adoption au terme du long processus, les premières étapes de la procédure sont de nature administratives. En particulier, il convient d’obtenir un agrément délivré par le Conseil Départemental du lieu de résidence de l’adoptant. Le Département, en effet, est le chef de file du secteur de l’enfance. Il est donc logique que cette compétence lui échoie.

Le Code de l’action sociale et des familles dispose que l’agrément a pour finalité l’intérêt des enfants susceptibles d’être adoptés. Il est délivré à la personne candidate à l’adoption si celle-ci est en capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs.

Un agrément est accordé pour un délai de cinq ans, et un refus d’agrément empêche le candidat de formuler une demande d’agrément pendant un délai de trente mois.

Afin de s’assurer des conditions d’accueil, le département fait procéder à  de multiples investigations.

Puis le Département prend sa décision après consultation d’une commission d’agrément.

Il peut donc parfaitement prendre une décision de refus.

 

II-                  Les garanties offertes aux personnes candidates

 

Quel est le statut du candidat à l’adoption durant cette procédure ?

Naturellement, il doit se plier à l’enquête du Département, qui ne fait qu’appliquer les dispositions légales et règlementaires.

Sans aller jusqu’à parler de partenariat avec le Département au cours de la procédure, il dispose tout de même de certaines garanties procédurales non négligeables.

Tout d’abord, si le candidat est l’assistant familial qui accueille l’enfant dans le cadre de l’ASE, il est considéré comme le candidat naturel à l’adoption, à condition toutefois que l’intérêt de l’enfant le justifie.

Ensuite, concernant tous les candidats, la Loi mentionne expressément que la personne peut être accompagnée de la personne de son choix dans ses démarches avec les services du Département, que cette personne soit membre d’une association ou non.

Ensuite, il dispose d’un point souvent sous-estimé mais pourtant capital : il peut prendre connaissance des documents établis à l’issue des investigations réalisées par le Département. S’il constate des erreurs matérielles, ces documents sont rectifiés de droit à sa demande écrite. Il peut également faire connaître par écrit ses observations sur le document et préciser son projet d’adoption. Ces précisions et corrections sont portées à la connaissance de la commission des agréments.

Cette garantie du contradictoire, classique dans les procédures administratives, permet de mieux comprendre ce qui peut coincer et de s’en expliquer avant la commission.

En outre, non seulement le candidat a le droit de consulter son dossier, mais le Département doit l’informer de ce droit au moins quinze jours avant la tenue de la commission.

Enfin, en ce qui concerne la commission, en principe le candidat n’est pas présent, mais le demandeur est informé qu’il peut demander à être entendu par la commission et d’être accompagné par la personne de son choix.

Il peut être entendu par la commission à la demande d’au moins deux de ses membres.

Enfin, en cas de refus, celui-ci doit être motivé, c’est-à-dire s’appuyer sur des considérations de fait et de droit. Un refus ne peut donc être arbitraire.

 

III-                Les recours contre une décision de refus d’agrément

 

Une décision de refus d’agrément peut d’abord faire l’objet d’un recours gracieux.

Il s’agit de demander au Département de revoir sa position.

Ce recours doit être motivé en fait et en droit. Il doit être réalisé dans un délai de deux mois à partir de la notification du refus.

Ce recours gracieux est une possibilité : il n’a rien d’obligatoire. Le demandeur débouté peut parfaitement saisir directement le tribunal administratif compétent. La saisine du Tribunal administratif compétent doit se faire dans le même délai de deux mois à compter de la notification. L’avocat n’est pas obligatoire – à moins de demander des dommages et intérêts-  mais très fortement conseillé.

En cas de rejet du recours gracieux, un nouveau délai de deux mois pour saisir le tribunal court à compter de la notification du rejet du recours gracieux.

Si le Département ne répond pas au recours gracieux, au bout de deux mois l’absence de réponse vaut rejet tacite du recours. Un nouveau délai de deux mois part à compter de la date du rejet de recours pour saisir le Tribunal.

Parallèlement au recours principal, visant à l’annulation du rejet d’agrément, il est possible de saisir le même tribunal en référé, qui est une procédure nettement plus rapide.

En effet, au vu des délais d’audiencement, le temps que le tribunal rende son jugement, le candidat ne sera pas loin des trente mois depuis le refus et pourrait déposer un nouveau dossier. Le référé offre la possibilité d’obtenir un premier jugement en quelques semaines. Les conditions sont néanmoins drastiques : il s’agit de prouver à la fois que la situation fait naître une situation d’urgence et que la décision est entachée d’un doute sérieux quant à sa légalité.

 

IV-                Que dit la jurisprudence ?

 

Les décisions de justice sur des contestations de rejet d’agrément sont assez nombreuses.

L’étude des décisions démontre que le tribunal administratif exerce un véritable deuxième regard sur le dossier. Le Tribunal ne va pas enquêter lui-même, il se fonde sur les investigations du Département, mais il peut avoir une interprétation différente du contenu des rapports d’investigation.

Ainsi, dans un jugement du 13 avril 2023, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé une décision de refus d’agrément d’un Département qui s’était fondé sur deux rapports d’assistantes sociales et de psychologues, lesquels émettaient des réserves et constataient une absence d’approfondissement de la réflexion. Le Tribunal n’a pas eu la même interprétation du dossier, qui faisait également état de réelles qualités humaines et d’une expérience dans le secteur de l’enfance.

La Cour administrative d’appel de Paris a également annulé un refus d’agrément motivé par le fait que la communication avec les enquêteurs s’était révélé conflictuelle et trahissait une méconnaissance du secteur de l’enfance, alors que le demandeur s’appuyait sur plusieurs éléments objectifs, et notamment le test de Rorschach (CAA Paris, 10 décembre 2007).

Il peut aussi arriver que le Département se trompe dans son raisonnement : la Cour administrative d’appel de Nancy a ainsi annulé une décision de refus d’agrément au motif que le Département s’était fondé sur une méconnaissance par le candidat de la réalité dans le pays d’origine de l’enfant, alors que ce critère ne figure pas au nombre des critères légaux français (CAA Nancy, 17 janvier 2013).

En ce qui concerne le référé, les tribunaux administratifs retiennent rarement l’urgence : ainsi, le fait de ne pas pouvoir attendre trente mois pour déposer un dossier en raison d’une limite d’âge n’a pas été jugé caractériser l’urgence (TA Lyon, 18 avril 2024), pas plus que le fait que l’âge de la demande était le plus favorable (TA Toulouse, 16 avril 2024).

Le Tribunal administratif, et la cour administrative en appel, ne considèrent pas que le fond du dossier : ils peuvent aussi annuler une décision si celle-ci a été prise après une procédure ne respectant pas les garanties du contradictoire ( information du droit à consulter le dossier, de demander à être entendu par la commission, décision de refus insuffisamment motivée par exemple).  

Concernant les vices de procédure liées aux garanties de consultation du dossier, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé un refus d’agrément alors que les demandeurs n’avaient pas été informés du droit de se faire assister d’une personne de leur choix ni de prendre connaissance du dossier d’investigation (TA Poitiers, 4 juin 2008).

En revanche un simple manquement sur les délais dans lesquels ces informations doivent être communiqués peut ne pas suffire à faire annuler la procédure (TA Clermont-Ferrand, 16 mai 2024).

Enfin, le Département qui se serait rendu fautif dans la procédure conduisant au refus d'agrément peut engager sa responsabilité et être condamné à indemniser le demandeur. Le Conseil d'Etat a également précisé que le Département fautif pouvait être condamné, dans certaines circonstances, à indemniser le préjudice subi par l'enfant lui-même en raison de la faute du Département (Conseil d'Etat, 28 octobre 2009, n°317010). 

 

 

Mon cabinet se tient à votre disposition pour chaque étape de la procédure et pour tout recours.

Il intervient dans toute la France et devant toutes les juridictions administratives.

 

Me Sylvain BOUCHON

Avocat au Barreau de Bordeaux

bouchonavocat@gmail.com

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