Pourquoi un Parcours de Sortie de la Prostitution ?
Selon les chiffres officiels, on compte aujourd’hui en France au minimum 30 000 prostituées, dont 85 % de femmes, et parmi lesquelles 93 % sont de nationalité étrangère.
Or, depuis plusieurs dizaines d’années, la France s’est engagée dans une politique tendant à l’abolition de la prostitution.
L’avancée la plus spectaculaire consiste dans le fait que depuis la loi du 13 avril 2016, les prostituées ne sont plus considérées comme des délinquantes, mais comme des victimes. Le délit de racolage supprimé, c’est désormais le client qui est pénalisé et encourt une amende de 1500 euros.
Encore s’agissait-il d’offrir des garanties de protection aux personnes s’adonnant à la prostitution : suivant cette logique, la loi du 13 avril 2016 a créé le Parcours de Sortie de la Prostitution (PSP).
En quoi consiste le PSP ?
Le bénéficiaire du PSP peut bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour d’une durée de six mois, renouvelable durant deux années, qui ouvre droit à l’exercice de l‘activité professionnelle.
Elle peut se voir accorder une place en foyer et d’un accompagnement visant à l’accès aux soins, tant physiologiques que physiques (art R.121-12-11 CASF) et d’insertion sociale.
En outre, le PSP donne droit à l’attribution de l’Aide financière à l’insertion sociale et professionnelle, sous conditions détaillées par l’article R.121-12-13-1 du CASF, dont le montant mensuel pour une personne seule est de 330 euros.
Naturellement, le bénéficiaire du PSP doit respecter l’engagement de ne plus se livrer de près ou de loin à des activités de prostitution.
Qui est juridiquement compétent ?
Aux termes de l’article L.121-9 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF), la tâche de protection des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains incombe à l’Etat dans chaque Département, c’est-à-dire au Préfet de Département, lequel « leur fournit l’assistance dont elles ont besoin ».
Une Instance est créée dans chaque Département afin d’organiser et coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, présidée par le Préfet.
Le Préfet autorise -ou pas- l’engagement de la personne dans le dispositif du PSP après avis de l’instance départementale.
Le II de article L.121-9 du CASF indique que « un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle est proposé à toute personne victime de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle ». Cette formule un brin péremptoire est pourtant assez éloignée de la réalité car le nombre de PSP reste très faible depuis la mise en place du dispositif.
Pourquoi y a-t-il des refus de PSP ?
Le Préfet est donc l’organe compétent pour autoriser une personne à bénéficier du parcours de sortie de la prostitution. Mais il peut aussi refuser d’accorder le dispositif PSP à un demandeur, lequel sera aidé dans la constitution de son dossier par une association qui aura elle-même reçu un agrément.
Pour quels motifs le Préfet de Département refuserait d’autoriser un PSP ? Elles sont diverses : pièces pas suffisamment probantes, doutes sur l’arrêt des activités, dossier non-complet…
Et puis il y a probablement une autre raison : accorder une autorisation provisoire à des personnes de nationalité étrangère contredit les objectifs de limitation d’accueil de personnes étrangères.
La Préfecture peut ainsi se trouver dans une situation d’injonction paradoxale.
Au final, très peu de PSP ont été autorisés depuis 2016 : à peine 400 entre 2017 et avril 2020, par exemple, avec des situations fort disparates sur le territoire.
Est-il possible de contester un refus de PSP ?
Naturellement, s’agissant d’une décision faisant grief, il est possible de contester devant la justice administrative un refus de Parcours de sortie de la prostitution.
Mais le recours devant le Tribunal administratif est-il qualifié de recours pour excès de pouvoir ou de plein contentieux ?
Au-delà de la sémantique, la question est d’importance. Pour faire simple, si le contentieux est celui de l’excès de pouvoir, l’office du Juge consiste à annuler la décision. En revanche, en cas de plein contentieux, le Juge administratif peut ne pas se contenter d’annuler la décision de refus, il peut étudier lui-même le dossier et substituer sa décision à celle du Préfet.
La réponse a été donnée par un arrêt du Conseil d’Etat du 19 novembre 2021 (n°440802) :
« Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant l’autorisation d’engagement d’une personne dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, il appartient au Juge administratif eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner la situation de l’intéressé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction. Au vu de ces éléments, il lui appartient d’annuler, s’il y a lieu, cette décision, en accueillant lui-même la demande de l’intéressé s’il apparaît, à la date où il statue, qu’un défaut d’autorisation conduirait à une méconnaissance des dispositions » légales du CASF.
L’office du Juge administratif relève donc du plein contentieux. Le recours est donc facilité pour les requérants.
Mon cabinet se tient à votre disposition pour toute question ou action.
Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux