C’était une tendance à l’époque, inspirée du patient hospitalisé co-décisionnaire : le résident en EHPAD devenait seul décisionnaire de sa prise en charge, notamment au moment de la conclusion du contrat de séjour puis tout au long de son séjour en EHPAD.
Les garanties d’équilibre et de respect des droits étaient alors censés être assurés par les outils de la Loi 2002-2 de rénovation de l’action sociale et médico-sociale : le contrat de séjour, donc, mais aussi la charte des droits et libertés, le règlement de fonctionnement, le livret d’accueil, et le Conseil de Vie sociale.
C’est dans cette dernière instance que les familles trouvaient leur place : car pour le reste, elles étaient largement exclues de la conclusion du contrat de séjour et de son exécution.
L’usager devenait un consommateur presque comme les autres, et la relation avec l’EHPAD se voulait avant tout d’égal à égal, de consommateur à professionnel.
Une telle situation n’avait strictement aucun sens et il faut savoir gré au Législateur d’avoir corrigé le tir à l’occasion de la Loi Bien Vieillir d’Avril 2024.
La famille retrouve donc sa place dans la relation résident /EHPAD.
Tout d’abord, l’article L.311 -3 du Code de l’action sociale et des familles cite noir sur blanc le droit à la vie familiale parmi les droits les plus élémentaires de l’usager. Auparavant, ce droit-là n’était pas mentionné : seule la vie privée, qui englobe une réalité plus large, était sanctuarisée.
De même, le principe est désormais que la personne de confiance participe aux entretiens préalables à l’admission. La personne de confiance peut parfaitement être un parent. Le futur résident peut s’opposer à présence de cette personne de confiance. Avant la Loi Bien Vieillir, le principe était inversé : le résident participait seul à ces entretiens, la personne de confiance intervenant uniquement à sa demande.
Enfin, la Loi Bien Vieillir a institué un droit opposable à l’établissement concernant la visite des proches.
Désormais, le résident dispose d’un droit gravé dans la Loi de recevoir chaque jour tout visiteur de leur choix (art. L.311-5-2 du CASF).
La direction ne peut pas s’y opposer, sous réserve du paragraphe suivant, ni subordonner une visite à l’information préalable de l’établissement.
Toutefois, cette même disposition précise un certain nombre d’exceptions.
Tout d’abord, si le résident lui-même en exprime le souhait, une visite peut être soumise à l’information préalable de l’EHPAD.
En outre, la direction de l’EHPAD peut s’opposer à une visite si elle constitue une menace pour l’ordre public à l’intérieur ou aux abords de l’établissement. De même, le médecin coordonnateur ou à défaut, tout autre professionnel de santé consulté par le Directeur, peut s’opposer à une visite si elle estime qu’elle constitue une menace pour la santé du résident, pour celles des autres résidents, ou pour les salariés. La Direction doit alors notifier sans délai sa décision au résident et à la personne qui sollicite la visite.
Cette décision faisant grief, elle peut être contestée devant les Tribunaux administratifs ou judiciaires selon la nature de l’EHPAD en question.
Le régime juridique du contrat de séjour intègre donc la famille tout en indiquant la marche à suivre aux directeurs en terme de police de l’établissement.
Ce régime issu de la Loi Bien Vieillir clarifie donc les rôles de chacun et constitue une avancée notable pour chacun des acteurs de l’exécution du contrat de séjour.
Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux
bouchonavocat@gmail.com