La fermeture des débits de boisson par l’administration obéit à des règles précises tant sur le fond que sur la forme.
Quels sont les motifs de fermeture ?
Il existe trois motifs de fermeture d’un établissement. A chaque motif correspond un maximum de durée de fermeture. Ces règles sont décrites dans le Code de la Santé Publique.
- ð Le premier motif de retrait intervient à la suite d’infractions aux lois et aux règlements relatives à ces établissements. Dans ce cas-là, des infractions à la règlementation professionnelle ont été constatées. La durée maximale de la fermeture administrative est alors de six mois.
Cette sanction doit toutefois être précédée d’un avertissement, voire peut être remplacée par un simple avertissement lorsque les faits résultent d’une défaillance exceptionnelle de l’exploitant, ou qu’il lui est facile d’y remédier.
- ð Le deuxième motif concerne le cas d’atteinte à l’ordre public, la santé, la moralité ou la tranquillité publique. Dans ce cas, la durée maximale de la fermeture est de deux mois. L’administration peut réduire la durée lorsque l’exploitant s’engage à suivre une formation donnant lieu à la délivrance du permis d’exploitation.
- ð Le troisième motif concerne le cas où des crimes ou délits sont constatés. Dans ce cas, la durée maximale de la fermeture est de six mois.
Qui prend la décision de fermeture ?
En principe, l’autorité compétente pour fermer un débit de boisson est le Préfet du Département.
La Maire, qui dispose d’une compétence générale relative à l’ordre public, la santé, la moralité et la tranquillité publique, n’a en principe pas le pouvoir spécial de fermer un débit de boisson. Néanmoins, au titre de la police municipale, il est compétent pour faire cesser les troubles à la tranquillité publique, la sûreté et l’ordre public. Au titre de ses pouvoirs de police, il peut donc modifier les horaires d’ouverture des débits de boisson et en contrôler le respect.
A noter que le Préfet peut déléguer au Maire l’exercice du pouvoir de fermeture correspondant au deuxième motif au vu de circonstances locales : dans ce cas, c’est le Maire qui a compétence pour fermer les débits de boisson. Il peut lui-même prononcer la fermeture, au nom et pour le compte de l’Etat, ou se contenter de mettre en demeure le débit de boisson, charge au Préfet de prononcer lui-même la fermeture.
Enfin, en ce qui concerne les motifs de fermeture 1 et 3, c’est-à-dire en cas d’infractions à la règlementation professionnelle ou en cas de commissions de crime ou de délit, le Ministre de l’Intérieur peut lui-même prendre la décision de fermeture à la place du Préfet, ou alourdir cette dernière, jusqu’à une durée d’un an.
La fermeture est-elle uniquement provisoire ou peut-elle être définitive ?
En principe et dans l’immense majorité des cas, la fermeture est provisoire, comme il a été vu jusqu’ici.
Mais il convient de tempérer cette affirmation.
En effet, une fermeture de plusieurs semaines voire plusieurs mois représente une telle perte de chiffre d’affaires qu’elle peut quasiment condamner un établissement.
En outre, dans le troisième motif de retrait, la fermeture entraîne l’annulation du permis d’exploitation.
Enfin, à côté de ces dispositions administratives, le juge judiciaire peut prononcer une peine de fermeture temporaire ou définitive de l’établissement (article L.3355-4) du Code de la Santé Publique. Le cas de figure se présente lorsqu’un gérant doit répondre de ses actes devant un Tribunal Correctionnel.
Les propriétaires doivent-ils être en faute personnellement ?
Si jusqu’ici, la règlementation est relativement claire, reste un point qui soulève une interrogation.
Comme il a été vu, la commission de crime ou de délit peut entraîner une fermeture administrative (motif n°3).
Le problème est que la formulation de la Loi est peu explicite.
Le point 3. de l’article L.3332-15 du Code de la Santé publique se contente d’énoncer que
« Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévues par les dispositions pénales en vigueur », la fermeture peut être prononcée pour une durée de 6 mois maximum, durée qui peut être portée à un an par le Ministre de l’Intérieur, et entraîner l’annulation du permis d’exploitation. Il s’agit donc quasiment d’une mise à mort de l’établissement. D’où la nécessité de prendre cette question au sérieux. Mais que veut donc dire l’expression « fermeture motivée par des actes criminels ou délictueux » ?? Est-ce que cela signifie que les actes criminels ou délictueux doivent être commis à l’intérieur de l’établissement ou au moins sur le parking, par exemple ? Est-ce que les gérants peuvent être exonérés de responsabilité s’ils ont limité les dégâts (on pense aux videurs de boîte de nuit par exemple) ? Faut-il que les gérants soient eux-mêmes en tort ? Ou alors est-ce qu’il suffit d’un rapport même lointain entre le débit de boisson et les faits délictueux ?
La Loi précise, si on peut dire, que « les crimes ou les délits ou les atteintes à l’ordre public pouvant justifier les fermetures […] doivent être en relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation ».
Précision qui n’est pas franchement éclairante.
C’est donc au Juge administratif qu’est revenu la tâche de déterminer en quoi les crimes et délits sont en relation ou non avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation.
Dans le cas où les exploitants ou le personnel lui-même s’est rendu coupable de violences, il est bien évident que le juge a retenu la relation entre les faits et les conditions d’exploitation (Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 18 juillet 2023, n°21BX04710).
Mais quand le personnel est étranger au fait, tout est question de casuistique.
La Cour Administrative d’Appel de Lyon a ainsi jugé que des tirs effectués depuis un véhicule circulant sur la voie publique ayant atteint la façade du bar alors que rien ne montre que les auteurs fréquentaient l’établissement ne permet pas de retenir une relation entre les faits et le débit de boisson.
En revanche, les multiples signalements de stationnement gênant et les nuisances sonores liées aux attroupements devant l’établissement sont bien en relation avec les troubles à l’ordre public, et justifiaient donc la fermeture (Cour Administrative d’Appel de Lyon, 6 juillet 2023, n°21LYO2118)
De même, la relation entre le trouble à l’ordre public et le débit de boisson est retenu dans une affaire ou un majeur et un mineur avaient été mis en examen pour une tentative d’homicide volontaire, faits commis à l’extérieur du débit de boisson, mais après que les auteurs aient consommé dans le bar deux bouteilles d’alcool (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 5 juin 2023, n°21MA03275).
Est-il possible de contester une fermeture administrative ?
Une fermeture administrative constituant un acte faisant grief, il est possible de contester l’arrêté de fermeture soit de manière gracieuse, soit devant le tribunal administratif.
La contestation peut porter sur le principe même de la fermeture, ou sur la question de la durée de la fermeture, que l’exploitant peut juger disproportionnée.
Les délais de jugement des recours pour excès de pouvoir étant généralement assez long, il convient d’assortir ce recours au fond d’un recours en référé-suspension, nettement plus rapide, mais subordonné à un recours préalable en excès de pouvoir, pour suspendre l’exécution de la décision. Les conditions de recevabilité d’un tel recours sont toutefois complexes, car il convient de démontrer le doute manifeste sur la légalité de la décision ainsi que l’urgence à statuer.
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Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux
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