Si un majeur protégé n’a pas plus de droits en garde à vue qu’un majeur non protégé, encore convient-il d’être plus vigilant sur sa faculté à mettre en œuvre ses droits. Voilà en substance l’esprit de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2018-730 et des nouveaux articles 706-112-1, D 47-14 et D. 15-5-7 du Code de Procédure pénale.
La garde à vue dans les locaux de la police ou de la Gendarmerie, mesure privative de liberté au stade de l’enquête, constitue en pratique une étape cruciale d’une procédure pénale.
Les droits de la défense du gardé à vue sont limités. Principalement, le gardé à vue, suspecté d’avoir commis une infraction punie d’emprisonnement, a le droit à l’assistance d’un avocat et à un examen médical.
Pour exercer ces droits, encore faut-il être en mesure de les comprendre.
C’est la raison pour laquelle, par exemple, la notification des droits peut être différée pour des personnes qui ne sont pas en état d’en saisir la substance (notamment en raison de l’alcoolisation).
Le législateur est donc intervenu pour s’assurer de l’effectivité des droits des majeurs protégés placés en garde à vue (loi n°2019-222 du 23 mars 2019, complétée par le décret n°2019-507 du 24 mai 2019).
Le gardé à vue sous protection présente une certaine vulnérabilité qui ne confère pas davantage de droits, mais des garanties accrues.
Désormais, l’article D.15-5-7 du Code de Procédure Pénale énonce l’obligation pour les enquêteurs de demander au gardé à vue s’il fait l’objet d’une mesure de protection juridique. Il semble à l’auteur de ces lignes, habitué des commissariats, gendarmeries et des dossiers de procédure que ce texte consacre une pratique ancienne et systématique de la part des OPJ.
L’article 706-112-1 du même Code énonce désormais que les enquêteurs doivent aviser le curateur ou le tuteur si les éléments recueillis au cours de la garde à vue font apparaître que la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique. Si la personne est placée sous une mesure de sauvegarde de justice, les enquêteurs avisent le mandataire spécial désigné par le Juge des tutelles.
Si le majeur protégé n’a pas exercé ses droits à l’assistance d’un avocat ni à l’examen médical, le curateur, tuteur, ou mandataire spécial peut-lui-même désigner un avocat ou demander un avocat désigné par le Bâtonnier, et demander que la personne soit examinée par un médecin. C’est en cela que la loi renforce l’effectivité des droits du majeur protégé placé en garde à vue: le curateur, tuteur ou mandataire spécial peut déclencher l’exercice des droits en lieu et place du majeur protégé.
Les diligences incombant aux enquêteurs doivent être exercées dans les six heures suivant le moment ou apparait l’existence de la mesure juridique, sauf circonstance insurmontable mentionnée au procès-verbal.
La seule justification à l’absence de ces diligences concerne la situation dans lesquels le curateur, tuteur ou mandataire spécial est lui-même suspecté à quelque titre que ce soit dans la commission de l’infraction.
Différentes questions restent néanmoins en suspens.
Ainsi, si le curateur/tuteur/mandataire ne répond pas, ce qui est très fréquent en pratique, quelle est l’intensité de l’obligation pesant sur les enquêteurs ? Doivent-ils tout faire pour l’aviser ou un premier contact matérialisé par un message sur répondeur ou un mail est-il suffisant ?
En outre, quid du non-respect de ces obligations en terme de vice de procédure ?
La circulaire du 27 mai 2019 du Garde des Sceaux n° CRIM/2019-12/H2/27.05.2019 évoque un non-respect « susceptible de constituer une cause de nullité de procédure ».
Il n’est pas illogique de penser que le défaut de respect des diligences nouvelles puisse constituer une nullité substantielle au sens de l’article 171 du Code de procédure pénale dans la mesure où l’irrespect des formalités porte atteinte aux droits de la défense.
A noter qu’en cas d’audition libre, les mêmes diligences s’imposent aux enquêteurs et le curateur ou le tuteur peut déclencher le droit à l’assistance de l’avocat. Si le tuteur ou le curateur n’a pas été assisté par un avocat, l’article 706-112-2 précise que les déclarations de la personne ne peuvent servir de seul fondement à sa déclaration.
Me Sylvain Bouchon
Avocat au barreau de Bordeaux
bouchonavocat@gmail.com