La preuve est essentielle et compte énormément devant les juridictions, toute affirmation doit être prouvée par celui qui réclame l'application d'un droit.
Ainsi en droit civil, l'article 1315 du Code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
De même, l'article 9 du Code de procédure civile précise qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En droit commercial, la preuve est libre (Article L110-3 du Code commerce :A l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.).
Quant au droit du travail, la preuve est tantôt à la charge de l'employeur et tantôt à la charge du salarié. Ainsi l'employeur, lorsqu'il licencie un salarié pour faute grave, devra démontrer l'existence de cette faute. Si le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce sera à l'employeur de prouver la réalité des faits qu'il reproche au salarié ainsi que leur sérieux. Le salarié, quant à lui, devra apporter des preuves de l'inexistence et de l'absence de sérieux des motifs qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement.
S'agissant des heures supplémentaires, la preuve est partagée et l'on peut dire qu'il existe une véritable neutralisation de la preuve (1), pour ce qui est des moyens de preuves, ces derniers sont nombreux et variés soumis à l'appréciations des juges du fond (2).
1- Le régime de la preuve des heures supplémentaires.
L'article 212-1-1 du Code du travail ( article du Code du travail recodifié) dispose que la preuve des heures supplémentaires pèse sur les deux parties, c'est-à-dire que le salarié devra prouver les heures supplémentaires qu'il aurait effectuées et l'employeur devra démontrer que le salarié a travaillé conformément aux horaires de l'entreprise, sans jamais avoir travaillé plus (pour gagner plus...!).
En pratique, la jurisprudence de la Cour de cassation a statué très longtemps en faveur du salarié en estimant que le juge ne pouvait pas se fonder sur la seule insuffisance des preuves apportées par le salarié pour le débouter de sa demande de rappels de salaires ( Cass.soc. 5 juin 1996, Bull.civ.V n°224).
Cette jurisprudence pouvait laisser à penser que le salarié pouvait obtenir gain de cause sans même apporter des éléments précis sur ses horaires dès lors que l'employeur ne démontrait pas quels étaient les horaires effectivement réalisés.
Un arrêt de la Cour de cassation avait même considéré que l'obligation de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié n'était pas subordonnée à la production par celui-ci d'un décompte précis des heures supplémentaires. ( Cass.soc. 10 mai 2001, Bull.V n°160).
Finalement, la Cour de cassation a instauré un équilibre avec le fameux arrêt dit « des Clochetons » dans lequel elle précise que l'employeur doit certes fournir les éléments justifiant les horaires du salarié mais pour autant cela ne dispense pas le salarié de fournir au juge les éléments pouvant étayer sa demande. ( Cass.soc. 25 février 2004, Bull.V.n°62).
Toutefois, cet équilibre est bien souvent remis en cause puisqu'au mois de mai 2007, la Cour de cassation a indiqué que la preuve des heures supplémentaires n'incombe pas au seul salarié, le juge ne pouvant pas rejeter la demande de paiement d'heures supplémentaires du salarié au seul motif que les éléments produits par celui-ci ne prouvent pas leur bien-fondé. (Cass.soc. 10 mai 2007, n° 05-45.932).
2- Les moyens de preuve des heures supplémentaires.
La Cour de cassation a précisé le régime de la charge de la preuve des heures supplémentaires et les juges du fond c'est-à-dire les Conseils de Prud'hommes et les Cours d'appel apprécient les moyens de preuve produits par les salariés ou les employeurs.
a- Les moyens de preuve produits par le salarié.
La difficulté pour le salarié est de produire devant les juridictions des preuves sincères et convaincantes.
Il arrive souvent que les salariés ne pointent pas et ne demandent pas à leur employeur de signer leur fiche de temps de travail.
Aussi, ils produiront des preuves qu'ils auront constitués : relevés d'horaires établis unilatéralement par les salariés, agendas avec les heures de travail, tableaux récapitulatifs...
Sur ce point, la jurisprudence des juges du fond est partagée. Certaines juridictions admettent ce type de preuve, d'autres non.
Ainsi, la Cour d'appel de Chambéry a considéré que « rien ne permet de vérifier l'exactitude absolue des mentions portées sur les décomptes qui n'ont en effet pas été établis contradictoirement par avec l'employeur, notamment en ce qui concerne les heures de fin de travail. » ( Cour d'appel de Chambéry, 15 janvier 2002, SARL Sinlinguy distributions c/ Trovato).
La Cour d'appel de Grenoble, quant à elle, a considéré que les heures supplémentaires existaient et ceci sur la foi du décompte établi par le salarié. ( Cour d'appel de Grenoble, 27 février 2003, Sailly c/ SA Nouvelle Torrens).
b- Les moyens de preuve produits par l'employeur.
L'employeur pour démontrer que les heures supplémentaires n'ont pas été effectuées pourra produire les relevés de la machine de pointage s'il en existe une.
Dans le domaine des transports, les disques chrono tachygraphes pourront justifier les heures de travail du salarié qui réclame le paiement d' heures supplémentaires.
Il est à noter que l'employeur doit garder ces disques durant 5 ans et que la carence de l'employeur pourra être prise en compte par les juges du fond pour retenir les éléments de preuve apportés par le salarié. (Cour d'appel de Metz, 6 février 2002, SA Transline Express c/Severino).
Les attestations de salariés de l'entreprise peuvent être produites, ces attestations pourront indiquer que les salariés n'effectuent jamais d'heures supplémentaires dans l'entreprise. Toutefois, il convient d'être prudent avec les attestations, elles peuvent être écartées si elles sont peu crédibles, notamment si les salariés qui attestent ne travaillent pas aux mêmes heures que le salarié sollicitant le règlement d'heures supplémentaires (Cour d'appel de Nancy, 22 septembre 2003, Ganaye c/ Vallence) ou lorsqu'elles sont contredites par d'autres témoignages ou documents. (Cour d'appel de Metz, 6 novembre 2002, Mecibah c/ SA Brasserie GR)
En conclusion, le contentieux des heures supplémentaires est complexe et particulièrement évolutif. Il est nécessaire pour un salarié ou un employeur d'être accompagné et conseillé par un professionnel du droit tel qu'un avocat.