Dans ce jugement du conseil de prud’hommes de Saint Germain en Laye du 8 avril 2024 (RG 23/00015), ce dernier condamne la société Cargill Corporate France à payer au responsable financier la somme de 136 000 euros d’heures supplémentaires suite à l’invalidation de son forfait jours.
La salariée est déboutée de sa demande de rappel d'indemnité de congé de reclassement.
1) EXPOSE DES FAITS
La société Cargill Corporate France SAS fait partie du groupe Cargill qui produit et négocie des produits agroalimentaires, elle assure le support administratif du groupe en France et applique la convention collective de la Chimie.
Elle a embauché Madame X sous contrat à durée indéterminée à compter du 22 août 2016 à temps plein avec convention de forfait jours en qualité de responsable financier. Sa rémunération mensuelle brute moyenne est de 11 735,90 €.
La collaboration s'effectuera normalement pendant les 4 années qui suivront.
Afin de sauvegarder sa compétitivité, le groupe Cargill procédait à la réorganisation des différentes fonctions Finances en juillet 2020 via un licenciement économique collectif accompagné d'un PSE.
Au sein de Cargill Corporate, un seul poste est supprimé, celui occupé par Madame X qui se voyait proposer une solution de reclassement interne au poste de "spécialiste comptabilité senior responsable CRP".
Courant 2020, après avoir accepté ces modifications contractuelles et de périmètre de poste, Madame X demandait que le titre de son bulletin de salaire soit " contrôleur financier central France" ce qui était accepté et elle prendra son nouveau poste.
Les rapports avec sa responsable hiérarchique nouvellement embauchée seront difficiles et prenant acte des difficultés qu'elle rencontrait désormais dans l'exercice de ses fonctions, du fait de la réorganisation, Madame X demandait à bénéficier du PSE du groupe le 7 décembre 2020.
Les recherches de reclassements internes seront vaines, aussi une procédure de licenciement économique était-elle engagée.
Après l'entretien préalable à un licenciement économique en mars 2021 Madame X se verra notifier son licenciement le 28 avril 2021, un préavis de 3 mois s'appliquant.
Le 5 mai elle adhérait au congé de reclassement d'une durée de 14 mois préavis compris.
La fin théorique de ce congé de reclassement est le 29 juin 2022.
Le 10 mai, Madame X informait Cargill qu'elle avait déjà trouvé un emploi en CDI, le congé de reclassement était suspendu.
Son embauche étant devenue définitive, le 1er février 2022 Madame X sortait des effectifs de Cargill et du congé de reclassement.
Le PSE prévoyant le paiement d'une indemnité de congé de reclassement anticipé, Madame X en bénéficiera.
Estimant que la société n'appliquait pas les règles de calcul du reliquat de congé de reclassement qu'elle-même avait édictées, Madame X contestera le montant de l'indemnité de reclassement anticipé qu'elle a perçue et saisira le Conseil de Prud'hommes en décembre 2022.
Dans sa requête prud'homale, elle mettra en cause la validité du forfait jours et demandera le paiement d'heures supplémentaires sur plusieurs années ainsi que des dommages et intérêts pour travail dissimulé et harcèlement moral du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Madame X n'a jamais bénéficié pendant plus de 4 ans de collaboration du moindre entretien sur sa charge de travail.
Du fait du caractère " administratif" de son poste elle était toujours présente dans les bureaux et n'avait pas de déplacements extérieurs.
Ses heures d'entrées et de sorties étaient mentionnées sur le suivi de la badgeuse mise en place dans les locaux et retracent les nombreuses heures supplémentaires qu'elle a effectuées.
Elle demande que soit reconnue la nullité du forfait jours, le paiement des heures supplémentaires qui en découlent et la condamnation de la société Cargill.
2) Motivation du jugement
Le Bureau de Jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint Germain en Laye, section Encadrement, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
reconnait l'existence d'heures supplémentaires et la nullité du forfait jours.
condamne la société cargill corporate france a verser a madame x les sommes brutes suivantes :
- 79 235 € a titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 7 923,50 € au titre des conges payes afférents,
- 34 990 € au titre des repos compensateurs,
- 3 499 € au titre des conges payes afférents,
- 10 000 € a titre de dommages et intérêts pour dépassement des heures (dont 5 000 € de dépassement de la durée quotidienne et 5 000 € pour dépassement de la durée hebdomadaire).
- 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
condamne la société cargill corporate france a payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire a compter du 6 février 2023 date de réception par le défendeur de la convocation a l'audience du bureau de conciliation, et a compter du prononce pour le surplus.
rappelle que par application de l'article r 1454-28 du code du travail, l'exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées a l'article r 1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixe pour ce faire la moyenne des salaires a la somme de 11 735,89 euros bruts.
ordonne à la société cargill corporate france de remettre a madame x les bulletins de salaire et l'attestation pole emploi rectifies et conformes.
déboute madame x du surplus de ses demandes.
fait droit a la demande reconventionnelle de la societe cargill de remboursement par madame x des jours de repos octroyes en application du forfait jours
condamne madame x à verser à la société cargill corporate france la somme de 9 068,65 € a titre de remboursement des jours de repos octroyés en application du forfait jours.
rappelle qu'en vertu de l'article 1231-7 du code civil les intérêts légaux sont dus a compter du jour du prononce du jugement.
condamne les parties aux éventuels dépens comprenant les frais d'exécution du présent jugement, chacune pour ce qui la concerne.
2.1) Sur la contestation du montant de l'indemnité de congé de reclassement anticipé versée
En droit,
L'article 1103 du code civil dispose que " les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ".
Une note d'information relative aux mesures sociales destinée aux salariés est établie afin d'en détailler les modalités d'application.
Les mesures de reclassement contenues dans un PSE sont des engagements unilatéraux de l'employeur et ont force obligatoire.
Le reliquat se définit comme ce qui reste dû.
La jurisprudence est venue préciser qu'en cas de rupture anticipée du congé de reclassement le salarié a droit à l'indemnité de congé de reclassement anticipé pour les mois et jours restants à courir avant la fin théorique du congé initialement fixé.
En l'espèce,
Les règles applicables sont visées dans la note d'information relative aux mesures sociales d'accompagnement et des réunions avec les salariés pour expliquer les modalités ont été organisées.
La note d'information relative aux mesures sociales d'accompagnement précise les conditions d'application et de calculs de l'indemnité de reclassement anticipé :
" 70% du montant du reliquat de congé de reclassement sera versé pour les salariés de moins de 50 ans en cas de retour à l'emploi au plus tard dans les 8 mois qui suivent l'entrée dans le congé de reclassement " Le retour à l'emploi s'entend par une offre de contrat de travail à durée indéterminée. Cette indemnité sera versée après la validation de la période d'essai sur le nouvel emploi.
Madame X a très rapidement trouvé un nouvel emploi, elle peut donc bénéficier du versement de cette indemnité de reclassement anticipé ce qui n'est pas contesté, mais le montant versé est l'objet de calculs divergents.
Madame X conteste le montant de l'indemnité de reclassement qui lui a été versée avec son solde de tout compte. Elle considère qu'il s'agit d'un paiement partiel, elle n'a pas perçu la totalité des sommes qui étaient dues. Pour elle le reliquat de l'indemnité de reclassement anticipé doit couvrir la période débutant à compter de l'embauche en CDI jusqu'à la fin du congé de reclassement et non de l'expiration de la période d'essai.
Elle considère que l'entreprise aurait dû lui calculer le reliquat à compter du 10 mai 2021 date de son retour à l'emploi et jusqu'au terme de son congé de reclassement soit jusqu'au 2 juillet 2022, sans tenir compte de la validation de la période d'essai.
Elle demande le paiement des 11 mois prévus soit 66 867 €. Elle n'a perçu que 30 827 €, d'après elle la société doit être condamnée à lui verser les 36 040 € manquants.
La société Cargill rejette cette interprétation et conteste n'avoir pas respecté les engagements du PSE.
Selon elle Madame X ne comprend pas que le mot reliquat signifie ce qui reste dû. Elle base ses calculs sur la totalité du congé de reclassement alors que le texte précise bien" 70% du montant du reliquat de congé de reclassement sera versé ". Madame X était informée des règles applicables, elle a d'ailleurs participé à une réunion d'information relative aux mesures sociales d'accompagnement du PSE le 10 décembre 2020.
Madame X a bénéficié de l'indemnité de reclassement anticipé pour la période restant à courir à compter de la fin du congé de reclassement le 1er février 2022 date de son embauche définitive à l'issue de la période d'essai et le 2 juillet 2022 date de la fin des 11 mois de congé de reclassement.
Le reliquat est ce qui reste dû, l'indemnité de reclassement anticipé se calcule de la fin du congé de reclassement soit le jour de l'embauche définitive jusqu'à son terme théorique.
En conséquence,
Attendu que la note d'information relative aux mesures sociales destinée aux salariés a détaillé les modalités d'application,
Attendu que les mesures de reclassement contenues dans le PSE prévoyaient que 70% du montant du reliquat de congé de reclassement soit versé pour les salariés de moins de 50 ans en cas de retour à l'emploi au plus tard dans les 8 mois qui suivent l'entrée dans le congé de reclassement,
Attendu que le reliquat se définit comme ce qui reste dû,
Attendu que le congé de reclassement a débuté le 5 mai 2021 pour une durée de 14 mois maximum préavis compris soit 11 mois + 3 mois de préavis,
Attendu que le congé de reclassement théorique se terminait le 29 juin 2022,
Attendu que le 1er février 2022, date de l'embauche définitive, correspond à la fin du congé de reclassement,
Attendu que le reliquat correspond à la partie restante du congé soit du 1er février au 29 juin,
Attendu que le montant du reliquat de l'indemnité de reclassement anticipé a été calculé du 1er février au 29 juin,
Attendu que les calculs faits sont conformes aux conditions du PSE,
Le Conseil constate que les textes et les modalités de calculs ont été respectés,
Le Conseil déboute Madame X de sa demande de rappel d'indemnité de congé de reclassement.
2.2) Sur la demande d'invalidation de la convention forfait jours et la demande d'heures supplémentaires
2.2.1/ Sur la validité de la convention forfait jours
En droit,
L'article L. 3121-39 du code du travail dispose que la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par une convention ou un accord de branche.
Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptible de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours vise à préciser les conditions d'exécution et de contrôle, il doit déterminer les clauses en matière de suivi de la charge de travail les modalités d'exercice du droit à la déconnexion
L'article L 3121- 65 précise les modalités du suivi individuel. Il prévoit un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié, l'équilibre vie professionnelle, vie personnelle et son articulation, ainsi que sur la rémunération.
Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions de l'accord collectif permettant de contrôler la charge de travail et dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au forfait, la convention de forfait jours est privée d'effet et le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires. A défaut la convention de forfait jours est nulle.
Le recours au forfait annuel jours est prévu par la convention collective de la Chimie. La validité de ce forfait a été contestée ultérieurement et la cour de cassation dans son arrêt du 31 janvier 2012 a jugé que l'accord cadre du 8 février 1999 ne remplissait pas les conditions requises par les textes, toute convention conclue en application de l'accord est nulle.
L'accord d'entreprise de la société Cargill date du 11 mars 2021.
En l'espèce,
Madame X bénéficiait d'un forfait de 216 jours travaillés par an tel que mentionné dans son contrat de travail signé en 2016, donc soumis à l'accord de 1999 désormais invalidé.
Elle considère que les conditions de validité de son forfait sont invalides pour plusieurs raisons: Toute convention de forfait jours conclue en application de l'accord de branche de 1999 est nulle. De plus sa convention forfait jours était invalide car l'entreprise ne pouvait ignorer ses dépassements horaires seule à ce poste, la société n'a jamais pris la mesure de sa charge de travail Enfin l'entreprise n'avait pas mis en place d'accord d'entreprise apportant des garanties suffisantes pour assurer la protection de la sécurité et la santé des salariés.
Sa convention forfait jours se trouvant annulée, elle demande le paiement d'heures supplémentaires pour la période du 30 avril 2018 au 12 juillet 2020 soit avant l'entrée en vigueur du nouvel accord d'entreprise.
Elle prétend à l'application des règles du droit commun de décompte et de rémunération de ses heures de travail et formule une demande d'heures supplémentaires développée plus bas.
La société s'étonne de la remise en cause d'un forfait jours dont Madame X en tant que cadre autonome bénéficiait et dont elle semblait satisfaite n'ayant jamais fait de remarques ou demandes.
La société s'étonne de la contestation du forfait jours au cours d'un litige sur un calcul de prime dans le cadre d'un licenciement économique.
Jamais Madame X n'avait fait état de difficultés dans l'application du forfait jours durant l'exécution de son contrat de travail, ni évoqué de dépassement du temps de travail habituel.
Le contrat de travail de Madame X mentionne " compte tenu de l'autonomie dans l'exécution et la planification de vos missions, vous êtes informée de l'existence d'une procédure spécifique vous invitant à saisir votre manager de toute difficulté dans la réalisation de vos missions dans le respect des durées maximales de travail et des repos y afférents à charge pour l'entreprise de prendre les mesures qui s'imposeront le cas échéant ".
Madame X occupait un poste important dans la structure et était totalement autonome dans son organisation.
Jamais elle n'a fait état d'une quelconque insatisfaction, ni demandé que sa charge de travail soit évaluée comme le prévoyait son contrat de travail.
Madame X a, chaque année, bénéficié des jours de réduction du temps de travail en exécution de la convention forfait jours.
La société est surprise de découvrir avec ce contentieux sur un calcul de prime, une demande de nullité du forfait jours. La société considère qu'il s'agit d'une demande par opportunisme qui doit être rejetée.
L'annulation de la convention de forfait annuel jours ne conduit pas nécessairement à la réalisation d'heures supplémentaires.
A titre reconventionnel, la société demande à ce que si la convention de forfait jours était reconnue comme inopposable à Madame X, cette dernière soit condamnée à rembourser à la société Cargill les jours de réduction de travail accordés en application de la convention sur ses trois dernières années soit la somme de 9 068,65 €.
En conséquence,
Attendu que le contrat de travail prévoit un forfait jours de 216 jours par an,
Attendu que la société n'a pas apporté la preuve des modalités de suivi de la charge de travail mises en place,
Attendu que même si Madame X n'avait jamais évoqué avant l'instance de dépassement du temps de travail il appartenait à l'entreprise de s'assurer du suivi de la charge de travail de Madame X chaque année,
Attendu que la convention de forfait jours de Madame X se trouve privée d'effet du fait de l'absence d'un suivi régulier de la charge de travail,
Attendu que Madame X a bénéficié de jours de réduction du temps de travail en application d'un forfait contesté,
Attendu que ces jours doivent être remboursés,
Le Conseil reconnait la nullité du forfait jours,
Le Conseil fait droit à la demande d'invalidation du forfait jours formulée par Madame X,
Le Conseil fait droit à la demande reconventionnelle de la société,
Le Conseil dit qu'il y a lieu à remboursement des jours de réduction de travail qui étaient de facto inapplicables,
Le Conseil condamne Madame X au remboursement des jours de repos octroyés soit
9 068,65 €.
2.2.2/ Sur la demande d'heures supplémentaires
En droit,
Les heures supplémentaires doivent être effectuées à la demande et pour le compte de l'employeur. Le salarié doit fournir des éléments probants de nature à étayer sa demande.
L'article L 3171-4 du code du travail précise qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction.
En l'espèce,
Madame X a formulé des demandes de paiements d'heures supplémentaires à l'appui de sa contestation du forfait jours.
La nullité d'un forfait jours impose que les relevés de temps de travail puissent permettre de visualiser les éventuelles heures supplémentaires en découlant.
Madame X produit des tableaux de relevés d'heures, précisant les heures d'entrées et de sorties, les temps de déjeuner, ils correspondent à sa présence dans les bureaux car son poste n'impose pas de déplacements extérieurs. Ses documents sont précis. Elle réclame le paiement de 79 235 € et 7 923,50 € au titre des congés payés.
Pour la société, Madame X n'a jamais fait d'heures supplémentaires. Madame X travaillait normalement. La société ne lui a ni demandé d'effectuer des heures supplémentaires ni donné son accord pour réaliser ces prétendues heures supplémentaires.
Elle rejette le bien fondé et la valeur probante des documents établis unilatéralement par la salariée. Pour elle ces éléments sont insuffisants pour démontrer le nombre d'heures supplémentaires réclamées soit 79 235 €. Surtout, au cours des années de collaboration jamais ce sujet n'a été abordé, c'est par opportunisme que cette demande apparait dans un litige sur une prime. Madame X collaborait de façon satisfaisante et n'avait jamais exprimé la moindre insatisfaction sur son temps de travail.
Elle n'a jamais évoqué la réalisation d'éventuelles heures supplémentaires dont elle aurait pu demander le paiement, aucun mail tardif ou autres preuves n'a été apporté, ses demandes doivent être rejetées. Rien ne vient corroborer ses affirmations, ni ne prouve que ces tableaux ont été établis au jour le jour. La société juge infondée la demande de paiement de 79 235 € d'heures supplémentaires.
En conséquence,
Attendu que Madame X a été précise dans les documents apportés à l'appui de sa demande de reconnaissance d'heures supplémentaires,
Attendu que la société s'est contentée de contester les documents établis sans apporter la preuve des suivis du temps de travail qu'elle aurait pu mettre en place,
Attendu que la société n'a apporté aucun élément à l'appui de sa position de rejet des heures supplémentaires demandées,
Attendu qu'aucun élément n'a été apporté pour contester les montants réclamés,
Attendu qu'il appartient au juge de forger sa conviction au vu des éléments fournis par les parties,
Le Conseil reconnait l'existence d'heures supplémentaires et la nullité du forfait jours,
Le Conseil condamne la société au paiement de 79 235 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et 7 923,50 € au titre des congés payés afférents.
2.2.3/ Sur la demande de repos compensateurs, reconnaissance de travail dissimulé et non-respect du repos quotidien
En droit,
Pour les salariés soumis à la durée légale du travail la durée quotidienne ne peut excéder 10 heures sauf dérogation.
Au cours d'une même semaine la durée ne peut dépasser 48 heures.
La preuve du respect des seuils de repos incombe à l'employeur.
Tout dépassement cause nécessairement un préjudice ouvrant droit à réparation pour le salarié.
La convention collective de la chimie prévoit un contingent annuel d'heures supplémentaires de 130 heures par an.
Pour chaque heure au-delà du contingent s'ajoute une heure de repos compensateur.
Des heures supplémentaires estimées découlent les demandes de paiement :
- 34 990 € au titre des repos compensateurs
- 3 499 € au titre des congés payés afférents
- 10 000 € au titre des dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes de travail
- 10 000 € au titre des dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales hebdomadaires de travail
- 70 415 € pour travail dissimulé en application de l'article L 8223.1 du code du travail
- 5 000 € pour harcèlement moral, subsidiairement pour exécution déloyale du contrat de travail
- 4 000 € au titre de l'article 700
a : Demande de repos compensateur
En droit,
Des heures supplémentaires peuvent accomplies dans la limite d'un contingent annuel. La convention collective de la chimie prévoit un contingent de 130 h. Une contrepartie obligatoire en repos est due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent.
En l'espèce,
Madame X dit avoir travaillé régulièrement plus de 10 heures par jour, elle fournit des relevés de temps de présence. Les sommes réclamées sont calculées à partir des tableaux de ses relevés d'heures.
- 242 H au-delà du contingent de 130 heures supplémentaires pour l'année 2018, soit 15 161,30 €
- 316 H au-delà du contingent de 130 heures supplémentaires pour l'année 2019 soit 19 828,72 €
Au total elle réclame au titre du repos compensateur légal 34 990 € et 3 499 € au titre des congés payés afférents.
La société considère que le contingent d'heures supplémentaires dans la chimie étant de 130 heures par an
Madame X n'apporte pas la preuve qu'elle aurait dépassé ce plafond.
Aucune heure supplémentaire n'a été demandée par la société. Madame X ne peut pas avoir effectué plus de 242 heures supplémentaires en 2018 et 316 heures en 2019.
Elle considère la demande 34 990 € de Madame X comme infondée. Le plafond annuel est de 130 heures, elle n'a pas effectué ces heures et ne peut donc prétendre au dépassement de plafond qu'elle réclame.
En tout état de cause la société affirme qu'un droit au repos ne peut engendrer des congés payés, la demande de 10% au titre des congés est sans objet. Pour elle Madame X doit être déboutée de ses demandes qui sont infondées.
En conséquence,
Attendu que la société procède par affirmation sans apporter de relevés de temps,
Attendu que la société n'apporte pas d'éléments permettant de considérer les demandes comme infondées,
Attendu que la société, procédant par affirmation, n'a pas apporté la preuve que le plafond des 130 heures n'a pas été dépassé,
Attendu que Madame X a étayé ses demandes,
Attendu que le juge forge sa conviction au vu des éléments fournis par les parties,
Attendu que la reconnaissance d'heures supplémentaires effectuées entraine un repos si le plafond est dépassé,
Le Conseil constate qu'au vu des documents, il y a eu dépassement du contingent d'heures supplémentaires,
Le Conseil fait droit à la demande de paiement du repos compensateur,
Le Conseil condamne la société au paiement de 34 990 € au titre du repos compensateur et 3 499 € au titre des congés payés afférents.
b: Non-respect des durées maximales de travail
Madame X réclame des dommages et intérêts pour dépassement des durées quotidiennes et hebdomadaires du travail ainsi qu'en attestent les états établis.
En application de l'article L 3121-62 du code du travail, la société demande que Madame X soit déboutée de ses demandes, les dispositions relatives au temps de travail ne s'appliquant pas au forfait jours.
Elle considère de plus que les demandes ont le même objet qu'elles soient quotidiennes ou hebdomadaires, il s'agit d'heures de travail qui ont déjà été payées au titre du forfait jours.
Enfin, Madame X ne démontre pas en quoi en travaillant aux horaires qui lui convenaient elle aurait subi un préjudice justifiant l'octroi de dommages et intérêts.
En conséquence :
Attendu que Madame X a apporté la preuve d'un dépassement de son temps de travail avec des documents précis,
Attendu qu'aucun autre document ou note de la société n'est venu contredire les mentions du tableau produit,
Attendu que la nullité du forfait jours a été prononcée,
Le Conseil reconnait la validité de la demande de reconnaissance du dépassement du temps de travail et l'existence d'un préjudice.
Le Conseil condamne la société au paiement de 5 000 € au titre du dépassement de la durée des heures quotidiennes.
Le Conseil condamne la société au paiement de 5 000 € au titre du dépassement des heures hebdomadaires.
c : Sur le travail dissimulé
En droit,
L'article L 8221-5 du code du travail définit le travail dissimulé. Il s'agit de la soustraction intentionnelle à des formalités obligatoires, de mentions sur les bulletins de salaire de durées de travail erronées ou de la soustraction à des déclarations de cotisations sociales. Si ces faits sont avérés, l'indemnité due est de 6 mois de salaires.
En l'espèce,
Madame X considère que l'élément intentionnel est avéré. La société Cargill n'a pas mis en place de modalités de suivi de la convention forfait jours, ses dépassements d'heures ne figurent pas sur ses bulletins de paie. L'absence de suivi est intentionnelle et la volonté de dissimulation d'emploi est caractérisée.
Elle demande 70 415 € nets au titre de l'article L 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé.
En conséquence,
Au vu des éléments fournis,
Attendu que le forfait jours n'a jamais été contesté,
Attendu que pendant toute sa collaboration Madame X n'a jamais demandé de régularisation de son temps de travail,
Attendu que jamais Madame X n'a contesté le contenu de ses bulletins de salaires ni fait état d'erreurs sur le temps de travail,
Attendu que le caractère intentionnel n'est pas matérialisé la société appliquant le forfait jours,
Attendu que les conditions de l'article 8221-5 ne sont pas réunies,
Le Conseil ne reconnait pas d'élément intentionnel dans le suivi administratif de la société,
Le Conseil dit qu'il n'y a pas eu de travail dissimulé,
Le Conseil déboute Madame X de sa demande de reconnaissance de travail dissimulé.
2.3) : Sur la demande de reconnaissance d'un harcèlement moral et d'exécution déloyale du contrat de travail
En droit,
Le harcèlement moral est défini à l'article L 1152-1 du code du travail comme " Des actes répétés entrainant une dégradation des conditions de travail ... altérant la santé physique ou moral ...
En l'espèce,
Madame X considère qu'au cours des derniers mois elle a eu des difficultés à se positionner et n'a pas été aidée. Les rapports qu'elle a eus avec sa nouvelle hiérarchie étaient compliqués. Elle a senti de l'agressivité dans un mail de sa hiérarchie. Elle sentait une défiance à son égard. Elle se plaint d'avoir perdu le bénéfice d'un bureau individuel avec son nouveau positionnement hiérarchique. Ces comportements sont injustifiés et caractérisent un harcèlement moral.
La société conteste qu'un seul mail dont le contenu n'a pas été compris puisse laisser supposer un harcèlement moral. Tout a été fait pour que Madame X travaille de la même façon qu'avant les changements au sein du groupe. Evoluer n'est pas harceler. Partager un bureau n'est pas déchoir. Aucun élément ne vient étayer les affirmations de Madame X. Madame X n'établit pas la réalité d'un comportement outrageant ou agressif.
En conséquence,
Attendu que les faits reprochés ne sont pas caractérisés,
Attendu que la perte d'un bureau individuel et un mail de demande de précisions ne répondent pas à la définition de comportement répétés,
Attendu que les conditions d'exécution du contrat de travail n'ont jamais fait l'objet de la moindre critique tout au long de la collaboration,
Attendu que ces demandes apparaissent avec un litige sur un calcul de prime postérieur à la collaboration,
Le Conseil constate que la demande n'est pas étayée.
Le Conseil dit qu'il n'y a pas eu de harcèlement moral.
Le Conseil déboute Madame X de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Le Conseil déboute Madame X de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
2.4) Sur l'exécution provisoire
Attendu que le Madame X réclame la mesure forcée, prévue à l'article 515 de Code de procédure civile, qui permettrait l'exécution provisoire de la présente décision malgré l'effet suspensif de l'exercice des voies de recours,
Attendu qu'il n'existe aucune urgence justifiant d'écarter l'application des voies de recours,
En l'espèce et en conséquence, le Conseil dit qu'il n'y a pas lieu à ordonner l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du Code de Procédure Civile et que l'exécution provisoire de droit est suffisante pour le présent litige.
2.5) Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Madame X ayant exposé des frais irrépétibles à l'occasion de la présente instance, qu'il serait inéquitable de laisser à sa seule charge, la société Cargill sera condamnée à lui verser la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CARGILL sera à l'inverse déboutée de sa demande au titre de l'article 700.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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