Le 13 novembre 2014, la Cour de cassation a jugé que « l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités ne fait pas courir le délai de recours » (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 13 novembre 2014, N° de pourvoi: 13-24547).
Autrement dit, un acte de signification de décision de justice d'un huissier peut ne pas être valable.
Par voie de conséquence, les mesures d'exécution des décisions de justice peuvent être viciées en cas d'irrégularités de l'acte de notification ou signification.
La signification est un synonyme de notification, cette dernière est le terme générique.
En pratique, les décisions de justice doivent être signifiées, par voie d'huissier, pour faire partir les délais de recours ou être exécutées et données lieu à des mesures de saisies sur la personne condamnée.
Concrètement, cela consiste à faire remettre un acte en mains propres à cette dernière.
Il importe peu que la personne ait été "touchée" c'est à dire que l'acte lui ait été réellement remis, en cas d'absence ou de déménagement.
Cependant, l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte vicie celui-ci.
Lorsque l'information de la voie de recours ouverte, son délai et ses modalités ne sont pas correctement indiqués, le délai de recours ne court pas et un appel est toujours possible.
Autrement dit, la décision n'est pas définitive et les saisies qui seraient éventuellement pratiquées peuvent donner lieu à contestations.
En effet, l'article 528 du code de procédure civile dispose que :
« Le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.
Le délai court même à l'encontre de celui qui notifie. »
De plus, l'article 680 du code de procédure civile dispose que :
« L'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie. »
En l'espèce, la société Banque Rhône-Alpes a engagé une procédure de saisie immobilière contre des époux débiteur d'une dette.
Le juge de l'exécution a annulé la saisie pratiquée sur ces débiteurs, par décision du 8 août 2012 (la date a son importance pour ce qui suit).
En effet, la banque disposait, de par la loi, d'un délai de 15 jours pour faire appel de cette décision.
Chaque jour compte ...
Or, la banque a interjeté appel du jugement le 14 décembre 2012, soit plus 100 jours après le délai légal.
Il s'est donc posé aux juges la question de savoir si l'appel de la banque était tardif ou non.
En effet, l'acte de signification du jugement indiquait que le recours devait être formé devant la cour d'appel de Grenoble au lieu de la cour d'appel de Dijon.
Cette erreur a-t-elle empêchée un recours et de faire courir le délai d'appel ?
Pour les juges d'appel, l'appel était irrecevable compte tenu que la banque, qui avait saisi la cour d'appel de Dijon, n'avait pas été trompée par les erreurs matérielles contenues dans la signification.
La cour d'appel avait donc jugé que le recours formé après l'expiration du délai de quinze jours à compter de la signification du jugement était tardif.
Cependant, la cour de cassation a casse et annule l'arrêt d'appel.
En effet, l'indication erronée d'une voie de recours entache de nullité la signification de la décision litigieuse.
Il résulte de cette décision que l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement sur la voie de recours ouverte ou ses modalités empêche de faire courir le délai d'appel.
Ainsi, l'acte de signification d'un jugement affecté d'irrégularités rend valable l'appel tardif, malgré qu'il soit postérieur à l'expiration du délai légal imparti après la signification du jugement.
En outre, il convient de souligner que la nullité de la notification pour vice de forme peut être invoquée même sans avoir à rapporter la preuve de l'existence d'un quelconque grief.
Il n'est donc pas nécessaire de prouver que le défaut de la mention ait pu faire grief à celui qui l'invoque.
La seule erreur est autosuffisante pour vicier la signification.
Ainsi, lorsque l'acte de signification d'un jugement est affecté d'irrégularités, telle la mention d'une juridiction erronée, la notification est nulle et le délai de recours ne court pas.
La portée de cet arrêt est importante pour les personnes faisant l'objet de mesures d'exécution, telles que des saisies bancaires, sur salaires, mobilières ou immobilières, dans la mesure où :
- le débiteur peut, le cas échéant, introduire un recours malgré le dépassement du délai d'appel et faire suspendre l'exécution des ;
- en l'absence de la partie concernée, cette dernière peut faire jouer le non-respect de l'obligation légale de signifier la décision de justice dans le délai de six mois afin d'empêcher toutes voies d'exécution en vertu de celle-ci.
Autrement dit, les parties peuvent valablement s'emparer d'une simple erreur matérielle pour prétendre à la recevabilité de leur appel et ainsi contester les saisies pratiquées.
Par conséquent, les parties doivent vérifier que le procès-verbal de notification de l'huissier comporte :
- les modalités de recours correctes ;
- la désignation de la bonne juridiction devant laquelle le recours doit être exercé ;
- le délai de recours.
Seule l'assistance d'un avocat forgé aux mesures d'exécution permet de s'assurer que ces mentions soient correctes et donc que l'acte soit valable pour, le cas échéant, le contester en justice.
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Anthony Bem
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