Délai et conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière abrégée de 10 ans

Publié le Modifié le 11/02/2022 Vu 214 154 fois 151
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Le délai de la prescription acquisitive immobilière peut être abrégé dans certaines conditions et ramené à 10 ans au lieu de 30 ans.

Le délai de la prescription acquisitive immobilière peut être abrégé dans certaines conditions et ramené

Délai et conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière abrégée de 10 ans

La prescription acquisitive constitue une règle originale du droit de propriété.

 

En effet, alors que le droit de propriété a été érigé en droit absolu, le législateur et les juges ont permis qu’il y soit porté atteinte en permettant à des possesseurs d’acquérir des biens immobiliers appartenant à autrui par l’effet de la prescription.

 

La prescription acquisitive ou usucapion est le fait pour le possesseur d’un bien immobilier (appartement, maison, terrain, immeuble, etc ...) d'acquérir juridiquement un droit réel (droit de propriété) sur ce bien, après l'écoulement d'un certain délai durant lequel il s’est comporté comme le propriétaire, sans en avoir le titre.

 

A cet égard, l’article 2272 du Code civil dispose que :

 

« Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »

Il ressort donc de cet article qu’il existe deux régimes de prescription en matière immobilière :

 

- la prescription acquisitive immobilière de 30 ans (trentenaire) ;

 

- la prescription immobilière abrégée de 10 ans (décennale).

Le possesseur d’un bien immobilier peut bénéficier de la prescription immobilière abrégée de 10 ans s’il est en mesure de prouver :

- « un juste titre » (1)

- et d’être de « bonne foi ». (2)

1. Le possesseur doit disposer d’un « juste titre » :

 

La prescription abrégée intervient dans le cas où un transfert de propriété a été consenti par une personne qui s’est comportée comme le véritable propriétaire mais qui ne l’est pas en réalité.

 

La prescription abrégée est ainsi fondée sur :

 

- un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire (Cass. Civ. III, 30 octobre 1972)

 

- l’existence d’un acte juridique qui aurait transféré à l’acquéreur la propriété de l’immeuble comme s’il avait émané du véritable propriétaire. (Cass. Civ. III, 29 février 1968)

 

Le possesseur du bien immobilier doit donc avoir traité avec une personne non titulaire du droit de propriété.

 

Cependant, il a été jugé que ne constituait pas un juste titre permettant une usucapion abrégée :

 

- Un règlement de copropriété définissant un lot conférant à son titulaire un droit d’usage et de jouissance sur une partie délimitée d’un mur séparatif (emplacement pour affichage) (Cass. Civ. III, 5 octobre 1994) ;

 

- Un état descriptif de division d’un immeuble en copropriété (Cass. Civ. III, 30 avril 2002) ;

 

- Un acte revêtu d’une fausse signature (Cass. Civ. III, 30 novembre 1982).ans cette hypothèse, la jurisprudence fait comme si il y avait eu une véritable transmission du droit de propriété sur le bien immobilier en question.

 

Ainsi, la Cour de cassation a jugé que pour servir de fondement à l’usucapion abrégée, le juste titre doit être translatif de droit réel immobilier, régulier et définitif (Cass. Civ III., 6 novembre 1969), nonobstant la réelle qualité du propriétaire.

 

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que l’acte de vente, bien que n’ayant pas fait l’objet de publicité foncière, pourra néanmoins servir de fondement à la prescription abrégée (Cass. Civ I., 19 mai 1958).

 

2. Le possesseur doit être de « bonne foi » :

 

Le fait pour le possesseur de posséder le juste titre par lequel le bien lui a été transmis ne suffit pas à lui seul pour qu’il puisse prescrire dans le délai abrégé de dix ans.

 

Encore faut-il qu’au moment de la transmission du bien immobilier il ait eu la conviction sincère de conclure avec le véritable propriétaire.

 

En effet, pour pouvoir bénéficier de la prescription immobilière abrégée de 10 ans, l’acquéreur devenu possesseur devra être de bonne foi.

 

Pour la jurisprudence par exemple, « la bonne foi [...] consiste en la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire ». (Cass. Civ.III, 15 juin 2005, n° 03-17.478)

 

A contrario, l’acquéreur de mauvaise foi ne pourra bénéficier que de la prescription trentenaire (30 ans).

 

Le possesseur est considéré comme étant de mauvaise foi dès lors qu’il occupe les lieux en sachant qu’il n’est pas le titulaire du droit qu’il exerce.

 

Ainsi, la bonne foi permet de gagner du temps sur le délai de la prescription acquisitive du bien immobilier en permettant au possesseur de n’attendre qu’un délai de 10 ans au lieu de 30 ans pour acquérir ledit bien.

 

Enfin, à propos de la preuve de la bonne foi, la situation du possesseur du bien immobilier est facilitée puisqu’il bénéficie d’une véritable protection.

 

En effet, conformément à l’article 2274 du Code civil, la bonne foi est présumée.

 

Par conséquent, la charge de la preuve quant à l’éventuelle mauvaise foi du possesseur pèse sur son adversaire, laquelle preuve pourra être faite par tous moyens conformément aux règles de droit commun.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris

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1 Publié par Maitre Anthony Bem
12/06/2018 13:20

Bonjour karina,

Je vous confirme que des personnes qui n'ont jamais occupé un terrain, de manière continue, ne peuvent pas valablement se prévaloir de la prescription acquisitive trentenaire.

Encore moins si elle ne disposent pas de preuve d’une occupation répondant aux critères cités dans mon article ci-dessus durant un délai de 30 ans au moins.

Cordialement.

2 Publié par Visiteur
13/06/2018 15:16

Bonjour Maître,
Nous allons acquérir dans les jours à venir le logement que nous occupons depuis bientôt 15 ans. Depuis que nous y vivons, nous utilisons le jardin mitoyen comme en étant les propriétaires. Ce jardin, cadastré avec une vieille maison de vendangeurs inhabitée était à l'abandon et nous avons avec l'accord de notre propriétaire (qui était également le propriétaire de ce bien) aménagé ce terrain avec des plantations, un potager, une piscine hors sol, des terrasses, un barbecue en pierre). Ce bien a été vendu et le propriétaire actuel a également donné son accord verbal pour que nous puissions continuer à jouir de ce jardin. Nous lui avons demandé de nous vendre celui-ci (sans lequel la maison perd tout son attrait) mais il ne semble pas décidé. Nous est-il possible de de faire valoir la prescription acquisitive décennale ? Merci d'avance pour votre réponse.
Cordialement.

3 Publié par Maitre Anthony Bem
13/06/2018 20:53

Bonjour Lilith,

Le délai légal vous permettant d’acquérir la propriété du jardin mitoyen par le jeu de la prescription acquisitive est de 30 ans et non 10 ans.

Cordialement.

4 Publié par Visiteur
28/08/2018 19:44

Bonjour Maître,

Je viens de me porter acquéreur d’un appartement au troisième et dernier étage d une copropriété.
Nous avions un conduit de 1.50m sur 2m que nous considérions comme un conduit de cheminée.
Il s’avère après investigation qu’il ne s’agit pas d’un conduit de cheminé mais d’une sorte de terrasse donnant sur une fenêtre d’un appartement de l’immeuble voisin censé s arrêter à la mitoyenneté.
La dale de cette terrasse est en demi niveau et porte sur des plancards de mon appartement. Aussi je me demande si cette terrasse et légale et si je peux la détruire et emmurer l’accès ?
Merci par avance de votre réponse.

Cordialement

5 Publié par Visiteur
03/10/2018 11:46

Bonjour,

Apres un achat immobilier - ma nouvelle voisine et moi meme, nous nous rendons compte d'un oublie de calcul d'une piece de la copro - 4 proprio - batiment ancien - cette piece n'appartient a personne legalement mais se degrade avec travaux à prévoir.
Peut-on demander des dommages et intérêts au géomètre ayant fait les mesures ? Au notaire pour n'avoir pas vu cela lors des ventes en lots de la copro ? Quelle est le délai de prescription pour ce type d'action ?

Merci

6 Publié par Maitre Anthony Bem
12/10/2018 20:22

Bonjour Cris 301818,

Je pense que votre mère peut parfaitement faire valoir l'usucapion à l’encontre de sa belle sœur.

Cordialement.

7 Publié par Visiteur
06/11/2018 11:30

Bonjour maître,
Mon frère a fait signer un papier à ma mère mentionnant qu'elle l'héberge lui et sa femme depuis le 1er janvier 2008 .
Peut il demander une usucapion
De 10 ans d'occupation de la maison?
Car le connaissant il n'a pas fait ce papier par hasard.
Merci
Cordialement
Jenni.

8 Publié par Maitre Anthony Bem
06/11/2018 13:40

Bonjour Jenni,

Votre frère ne pourra valablement revendiquer une usucapion sur la maison de votre mère qu'au bout d'un délai de 30 ans d'une occupation de ladite maison, en tant que propriétaire.

Ce qui ne sera pas le cas tant que votre mère se comportera comme le véritable propriétaire du bien.

Cordialement.

9 Publié par Visiteur
08/11/2018 19:44

Bonjour,
Ma compagne est propriétaire depuis 1987, avec son mari de l'époque et seule depuis 2003, d'une maison dont le terrain est clos sur l'arrière. En voulant la vendre aujourd'hui, elle découvre que les 100 m2 du fond du terrain, qu'elle a toujours cultivés comme jardin, constituent un autre lot cadastral dont elle ne serait pas la propriétaire (cession, en 1974, du deuxième lot au premier propriétaire de la maison non enregistrée, apparemment)... Les deux lots étant rattachés à la même adresse, il est probable qu'elle paie la Taxe Foncière sur les deux. L'usucapion s'applique-t-elle bien dans ce cas ?

10 Publié par Visiteur
16/11/2018 22:33

bonjour, mon papa avait un lot où n'ayant pas le temps, il a envoyé son oncle et celui si à mis le nom de son fils plutôt que celui de mon papa. 20 ans après, mon papa à engager des travaux et construit un immeuble sans avoir au préalable changer de nom. Il fut décédé en 2014 avant d'avoir fini les travaux. Nous les enfants du défunt voulons changer de noms avant de continuer les travaux mais somme heurter à notre oncle qui reconnaît que sa ne lui appartient pas, mais refuse de muter le nom. Pouvons nous faire une prescription acquisitive pour être les propriétaires légaux et rentrer en possession de notre immeuble ?

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