Délai et conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière abrégée de 10 ans

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Le délai de la prescription acquisitive immobilière peut être abrégé dans certaines conditions et ramené à 10 ans au lieu de 30 ans.

Le délai de la prescription acquisitive immobilière peut être abrégé dans certaines conditions et ramené

Délai et conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière abrégée de 10 ans

La prescription acquisitive constitue une règle originale du droit de propriété.

 

En effet, alors que le droit de propriété a été érigé en droit absolu, le législateur et les juges ont permis qu’il y soit porté atteinte en permettant à des possesseurs d’acquérir des biens immobiliers appartenant à autrui par l’effet de la prescription.

 

La prescription acquisitive ou usucapion est le fait pour le possesseur d’un bien immobilier (appartement, maison, terrain, immeuble, etc ...) d'acquérir juridiquement un droit réel (droit de propriété) sur ce bien, après l'écoulement d'un certain délai durant lequel il s’est comporté comme le propriétaire, sans en avoir le titre.

 

A cet égard, l’article 2272 du Code civil dispose que :

 

« Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »

Il ressort donc de cet article qu’il existe deux régimes de prescription en matière immobilière :

 

- la prescription acquisitive immobilière de 30 ans (trentenaire) ;

 

- la prescription immobilière abrégée de 10 ans (décennale).

Le possesseur d’un bien immobilier peut bénéficier de la prescription immobilière abrégée de 10 ans s’il est en mesure de prouver :

- « un juste titre » (1)

- et d’être de « bonne foi ». (2)

1. Le possesseur doit disposer d’un « juste titre » :

 

La prescription abrégée intervient dans le cas où un transfert de propriété a été consenti par une personne qui s’est comportée comme le véritable propriétaire mais qui ne l’est pas en réalité.

 

La prescription abrégée est ainsi fondée sur :

 

- un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire (Cass. Civ. III, 30 octobre 1972)

 

- l’existence d’un acte juridique qui aurait transféré à l’acquéreur la propriété de l’immeuble comme s’il avait émané du véritable propriétaire. (Cass. Civ. III, 29 février 1968)

 

Le possesseur du bien immobilier doit donc avoir traité avec une personne non titulaire du droit de propriété.

 

Cependant, il a été jugé que ne constituait pas un juste titre permettant une usucapion abrégée :

 

- Un règlement de copropriété définissant un lot conférant à son titulaire un droit d’usage et de jouissance sur une partie délimitée d’un mur séparatif (emplacement pour affichage) (Cass. Civ. III, 5 octobre 1994) ;

 

- Un état descriptif de division d’un immeuble en copropriété (Cass. Civ. III, 30 avril 2002) ;

 

- Un acte revêtu d’une fausse signature (Cass. Civ. III, 30 novembre 1982).ans cette hypothèse, la jurisprudence fait comme si il y avait eu une véritable transmission du droit de propriété sur le bien immobilier en question.

 

Ainsi, la Cour de cassation a jugé que pour servir de fondement à l’usucapion abrégée, le juste titre doit être translatif de droit réel immobilier, régulier et définitif (Cass. Civ III., 6 novembre 1969), nonobstant la réelle qualité du propriétaire.

 

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que l’acte de vente, bien que n’ayant pas fait l’objet de publicité foncière, pourra néanmoins servir de fondement à la prescription abrégée (Cass. Civ I., 19 mai 1958).

 

2. Le possesseur doit être de « bonne foi » :

 

Le fait pour le possesseur de posséder le juste titre par lequel le bien lui a été transmis ne suffit pas à lui seul pour qu’il puisse prescrire dans le délai abrégé de dix ans.

 

Encore faut-il qu’au moment de la transmission du bien immobilier il ait eu la conviction sincère de conclure avec le véritable propriétaire.

 

En effet, pour pouvoir bénéficier de la prescription immobilière abrégée de 10 ans, l’acquéreur devenu possesseur devra être de bonne foi.

 

Pour la jurisprudence par exemple, « la bonne foi [...] consiste en la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire ». (Cass. Civ.III, 15 juin 2005, n° 03-17.478)

 

A contrario, l’acquéreur de mauvaise foi ne pourra bénéficier que de la prescription trentenaire (30 ans).

 

Le possesseur est considéré comme étant de mauvaise foi dès lors qu’il occupe les lieux en sachant qu’il n’est pas le titulaire du droit qu’il exerce.

 

Ainsi, la bonne foi permet de gagner du temps sur le délai de la prescription acquisitive du bien immobilier en permettant au possesseur de n’attendre qu’un délai de 10 ans au lieu de 30 ans pour acquérir ledit bien.

 

Enfin, à propos de la preuve de la bonne foi, la situation du possesseur du bien immobilier est facilitée puisqu’il bénéficie d’une véritable protection.

 

En effet, conformément à l’article 2274 du Code civil, la bonne foi est présumée.

 

Par conséquent, la charge de la preuve quant à l’éventuelle mauvaise foi du possesseur pèse sur son adversaire, laquelle preuve pourra être faite par tous moyens conformément aux règles de droit commun.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris

01 40 26 25 01
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1 Publié par marie6
18/12/2018 12:16

J'ai l'usufruit d'une petite maison de village de 45 m2 en Corse, depuis trente ans j'entretien et fait de gros travaux sur cette maison je paye l'impôt foncier taxe d'habitation et tout compteur d'eaux etc. Comment faire pour avoir la propriété de cette maison et profiter de la loi des trente ans Merci

2 Publié par sylvie26
10/04/2019 15:36

bonjour
je suis proprietaire d'une maison dont un lot comprend une terrasse, un passage devant l'entree des
voisins et le balcon du voisin. J'ai la pleine propriete du lot mais les voisins veulent que je leur donne ce lot
sous pretexte qu'ils veulent demenager et regulariser pour la succession. Quels recours peuvent ils avoir,
peuvent ils nous obliger a leur donner ce lot de la propriete , merci

3 Publié par mcn
24/04/2019 09:21

Bonjour,

ai-je le droit de louer à titre onéreux un bien immobilier abandonné après y avoir fait des travaux ? Bien entendu je déclare les revenus en découlant. Cela m'empêchera t-il de revendiquer l'usucapion?

Merci pour votre réponse.

4 Publié par christian7259
30/04/2019 16:08

Bonjour Maître,

Je suis propriétaire d'une maison depuis 2007. Sur le terrain, une parcelle a été mise à disposition par la mairie en 1986 à un ancien propriétaire. Voila donc plus de 30 ans que les propriétaire successifs jouissent de la parcelle qui a toujours été entretenue.

La mairie ne s'est pas manifestée pour ne reprendre possession, mais j'aimerai régulariser la situation et être reconnu officiellement propriétaire. Suis-je dans mon droit ? Cette situation peut se régler à l'amiable avec la mairie ?

5 Publié par croisette
02/09/2019 10:01

Bonjour Maître,

Mes parents ont acquis en 1963 un lot dans un lotissement et y ont construit une maison. Ils ont acheté au nom de ma tante (soeur de ma mère) le lot adjacent volontairement pour contourner la limitation de vente des lots à un 1 lot par propriétaire.
Aujourd'hui, l'âge avançant et ma tante n'ayant pas d'enfants ni d'héritiers, je souhaite que la situation soit régularisée par clarté et limitation des frais de succession ainsi que la mise en vente des deux lots non occupés maintenant.
Mes parents ont toujours payé les impôts et taxes sur cette parcelle et ma tante a rédigé un document dans lequel elle relate la non possession réelle du bien. N.B.: elles sont libres et saines de corps et d'esprit toutes deux.
Pouvez vous m'indiquer la procédure à suivre pour transférer les actes à ma mère qui a déjà opéré une donation à ma soeur et moi sur le reste des biens.
Faut il passer par un notaire ou un avocat et quel est le cheminement.
Merci d'avance.

6 Publié par Myosotis55
12/09/2019 13:08

Bonjour maître
Nous venons juste de perdre un frère qui était sous curatelle et à cette occasion, nous voulions tout régulariser pour la succession. La petite maison de nos parents morts depuis 40 ans est dans la succession qui n avait pas été entièrement réglée.et que pus voulions régulariser Nous découvrons avec stupeur qu un de nos frères veut s emparer d une maison dont nous sommes légalement 6 frères et sœurs et 3 nièces héritiers et pour laqulle nous étions prêts à signer auprès de notre notaire l attestation immobilière avant de la vendre à lui ou à autrui ..il refuse de signer l attestation et a entrepris’ il apparaît, une mesure d’usucapion récemment facilitée dans les DOM ). Comment le stopper et faire valoir les droits de tous les héritiers? Nous lui faisions confiance et comme ses revenus étaient faibles, nous lui avions permis d occuper la maison moyennant qu il paye les impôts. Nous avons été dupés et voudrions connaître nos droits et nos chances de pouvoir repartir équitablement cet héritage
Merçi de vos conseils

7 Publié par Breuillet
27/06/2020 18:00

Bonjour Maître, Merci pour ce site fort instructif.
Nous avons fait l'acquisition d'une résidence secondaire et la voisine soutient que le mur pignon de notre maison qui donne sur son jardin est mitoyen. Or j'ai lu qu'un mur pignon ne pouvait être mitoyen mais appartenait au propriétaire de la maison. Pouvez vous confirmer ou infirmer mes informations ?
D'avance merci
Bien cordialement,

8 Publié par anniee
14/11/2021 13:55

Un muret de retenue de ma terres est construit en empiétant de 47 cm chez le voisin (muret de 20 cm d'épaisseur et terrain résiduel appartenant à mon voisin, situé de mon côté sur 27 cm de largeur) sur une longueur totale de 20 m. Je ne sais pas qui l'a construit, j'ai acheté ce bien sans précisions sur ce muret. Mon voisin me demande le rachat du terrain ou la destruction/reconstruction du muret en respectant le bornage du terrain. Ce muret a été construit il y a 27 ans environ, aucun écrit ne mentionne par qui il a été construit. La prescription décennale est-elle applicable?

9 Publié par phaetonjordan
29/07/2022 21:15

Bonjour,

Mes parents résident depuis maintenant 12 ans en guadeloupe sur un terrain ayant appartenu à mon arrière grand père paternel décédé et qui en est toujours titulaire de droits.

la dévolution successoral a été amorcé lors du décès de mon arrière grand père mais n'a jamais aboutie.

pourriez vous m'indiquer quel moyen existe il pour pouvoir légitimer la présence de mes parents sur ce terrain ?

la prescription décennale est elle possible dans ce cas de figure ?

Cordialement

10 Publié par Gianni TRAINA
20/06/2023 19:46

Bonjour Maître ,


Nous avons acheté avec mon épouse en 2003 une maison déjà clôturée dans un lotissement.

Il n’y a pas eu de bornage … c’est précisé dans l’acte notarié.

Après toutes ces années, un dossier de déclaration préalable nous est refusé ces dernières semaines par la Mairie au motif que nous empiétons sur une zone naturelle.

Il s’avère en effet que l’ancien propriétaire ou son constructeur auraient pris du terrain sur la zone naturelle en question … laquelle appartient à la Commune.

Nous n’en savions rien …

Je dois encore avoir des échanges avec le service foncier de la Commune mais il semble qu’ils ne veuillent pas me céder le bout de terrain en question.

Ils me proposent de louer ad vitam le terrain sur lequel nous empiétons ou nous demandent de reculer.

La prescription acquisitive de 10 ans pour un propriétaire de bonne foi et l’inaction de son véritable propriétaire (La Mairie) est-elle applicable à notre situation ?

Vous remerciant pour votre éclairage.

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