Le retrait des contenus illicites des sites internet conditionné par l'envoi d'une demande formelle

Publié le 23/06/2012 Vu 5 024 fois 0
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Le 10 mai 2012, la cour d’appel de Bordeaux aurait pu condamné l’hébergeur d’un site internet qui n’avait pas suspendu « promptement » la diffusion de contenus illicites sur le réseau si la mise en demeure valant notification de retrait de ces contenus avait respecté les conditions légales en la matière (Cour d’appel de Bordeaux 1ère chambre, section B, 10 mai 2012).

Le 10 mai 2012, la cour d’appel de Bordeaux aurait pu condamné l’hébergeur d’un site internet qui n’

Le retrait des contenus illicites des sites internet conditionné par l'envoi d'une demande formelle

Aux termes de l'article 6.I.5 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (dénommée LCEN), le législateur a institué un formalisme particulier pour l'envoi des mises en demeure en matière de retrait de contenus illicites sur internet.

En effet, si la loi précitée pose en son article 6-1-1 le principe de l'irresponsabilité de l'hébergeur quant au contenu des sites internet hébergés, il en va différemment lorsque, averti du contenu illicite d'un site, il n'en suspend pas promptement la diffusion.

Ainsi, les mises en demeure de retrait de contenus illicites sur internet doivent préciser notamment la profession, l'adresse du domicile, la nationalité et les date et lieu de naissance, de la personne physique victime de la diffusion litigieuse sur internet, afin de permettre d'engager la responsabilité juridique de l'hébergeur de contenus.

L’article 6-1-5 de la loi numéro 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dispose, dans sa rédaction antérieure au 9 juillet 2010 applicable en la cause, que :

« La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il est notifié les éléments suivants :

  • la date de la notification,
  • si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement,
  • les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social,
  • la description des faits litigieux et leur localisation précise,
  • les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits,
  • la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’autour ou l’éditeur n’a pu être contactés »

En l'espèce, à l'occasion de l'enquête judiciaire qui a fait suite aux événements du 21 septembre 2001, Monsieur K. a été mis sur écoute en sa qualité de correspondant de presse.

Le contenu de ses conversations téléphoniques a été diffusé sur le site internet www.arme-collection.com édité par Monsieur G. et hébergé par la société Agence des Médias Numériques (société "Amen").

M. K. a assigné la société Amen en référé en vue de la voir solidairement condamnée avec M. G. à supprimer sous astreinte le contenu du site internet www.arme-collection.com et au paiement d'une provision en réparation du préjudice moral subi pour violation du droit au respect de la vie privée.

Cependant, il a été relevé que la notification comportait comme mention d’identification du mandant personne physique "je suis le conseil de Monsieur K.” ;

Pour les juges, le mandant, M. K., n’est donc identifié ni par sa profession, ni par son domicile, ni par sa nationalité, ni par ses date et lieu de naissance.

Dans ce contexte, il a été jugé que « la présomption de connaissance des faits litigieux définie à l’article 6 de la loi précitée, ne peut donc s’appliquer à la société Amen, son obligation de faire cesser la diffusion est susceptible d’une contestation sérieuse qui exclut l’allocation d’une provision ouverte par l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile ».

Le défaut de validité des demandes de retrait de contenus illicites par les victimes ou les ayant-droits sont donc autant de moyens de défense au profit des hébergeurs de contenus sur internet qui sont assignés en justice afin de voir mettre en jeu leur responsabilité.

Surtout, les demandes de retrait de contenus illicites sur internet, devenant de plus en plus techniques et formalisées, doivent être faites par un avocat au risque de rester lettre morte ou d'invalider la procédure judiciaire intentée en cas d'inaction de la part du site internet concerné.

Pour finir, il convient de rappeler que les contenus illicites dont le retrait doit être réalisé, peuvent être constitués, de manière cumulative, par :

- des propos, avis, commentaires, critiques diffusées par des tiers à caractère diffamatoire, injurieux ou dénigrant. Ces contenus peuvent être ceux de proches, de collègues, de concurrents, de clients ou de consommateurs.

- des photographies ou des vidéos personnelles (nues ou habillées, en public ou privé) dont la diffusion sur internet n'a pas été préalablement été acceptée par écrit dans le cadre d'une cession de droit à l'image valable et opposable. À cet égard, il est intéressant de relever que les contenus à caractère érotique ou pornographique donnent lieu à un nombre relativement important de demande de retrait ;

- des atteintes au droit au respect de la vie privée en violation des dispositions de l'article 9 du code civil. L'affaire précitée juge pour la première fois que la diffusion sur internet d'enregistrement d'écoutes téléphoniques qui notamment donnent tous éléments d'identification d'une personne : nom, adresse, situation maritale et familiale, nationalité constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée ;

- des usurpations d'identité sur des réseaux sociaux tels que vidéo, Facebook, Twiter, Linkedin, etc ...

- des contrefaçons de marque, de produits ou de droits d'auteur. Il en ira ainsi des imitations de produits, des usages de marque non autorisés ou des œuvres d'artistes exploitées sans leur autorisation préalable et exprès. Par ailleurs, la jurisprudence sanctionne le fait de réserver un mot-clef de référencement payant sur internet via le service publicitaire AdWords de Google sur le fondement de la contrefaçon de marque et/ou de la concurrence déloyale ;

- tous contenus constitutifs d'une atteinte à la liberté d'expression tels que l'appel ou la provocation au racisme, à la discrimination, à l'antisémitisme, à la rébellion, au terrorisme, à la violence, etc ...

En tout état de cause, l'affaire précitée démontre que les droits de l'internet et de l'E-réputation deviennent des domaines juridiques qui se réglementent positivement et de plus en plus.

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Anthony Bem
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