SAAD : le chamboulement, c’est maintenant

Publié le Modifié le 17/06/2019 Vu 8 790 fois 0
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Les services d’aide à domicile subissent des bouleversements conséquents suite à la mise en œuvre de la Loi ASV du 28 décembre 2015. Le secteur risque un profond remodelage.

Les services d’aide à domicile subissent des bouleversements conséquents suite à la mise en œuvre de la

SAAD : le chamboulement, c’est maintenant

Quel sera le paysage des services d’aide à domicile intervenant au domicile des personnes âgées et handicapées dans cinq ans ? Répondre à cette question relève de la gageure tant le secteur des SAAD en mode prestataire se trouve à la croisée des chemins.

L’enjeu n’est pas négligeable. Tous les opérateurs du secteur médico-social ont bien conscience que les SAAD représentent une solution d’avenir. En effet, garantir le maintien à domicile le plus longtemps possible, notamment pour les personnes âgées, représente un enjeu majeur en terme de bientraitance aussi bien qu’au regard de considérations économiques.

 

 

  1. Un régime uniforme d’autorisation

 

L’apport majeur de la loi ASV en ce qui concerne les SAAD réside dans la fin du système d’option entre autorisation et agrément. Désormais, seul subsiste le régime de l’autorisation. Les ex agréés sont désormais autorisés par l’effet automatique de la Loi Vieillissement et intègrent le champ du droit médico-social. Toutefois, les anciens agréés ne sont pas habilités à l’aide sociale et ne bénéficient pas d’une tarification administrée. Ainsi, au système binaire « autorisation / agrément » s’est substitué un nouveau système binaire « habilité – tarification administrée / non habilité – tarification libre ».

Dès lors, tout SAAD, par définition autorisé, a l’obligation d’accueillir, dans la limite de sa spécialité et de sa zone d’intervention, tout bénéficiaire de l’APA et de la PCH qui s’adresse à lui, dans des conditions, le cas échéant, précisées par un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens. En revanche, un SAAD ex agréé ne peut pas -en l’état- accueillir de bénéficiaire de l’aide sociale.

Les SAAD ont l’obligation de respecter un cahier des charges national adopté par décret n° 2016-502 du 22 avril 2016 et codifié à l’article D.312-10-01 du CASF renvoyant à l’annexe 3-0 du même Code.

Les ex-agréés doivent en outre faire procéder à l’évaluation externe de leurs activités et de la qualité de leurs prestations à la date à laquelle leur agrément aurait pris fin. Toutefois, un moratoire est prévu pour l’application de cette disposition. L’échéance de l’obligation ne peut intervenir avant le 29 décembre 2017, soit deux ans après l’entrée en vigueur de la loi ASV.

 

 

  1. SAAD et intercommunalité

 

Jusqu’ici, la situation est somme toute assez simple. Nettement plus complexe est la question de l’articulation du régime des SAAD avec la réforme de l’intercommunalité. En effet, la loi NOTRe du 7 août 2015 présentée comme l’acte III de la décentralisation, a chamboulé l’intercommunalité. De nombreux SAAD sont gérés par un CCAS ou un CIAS, quand ce n’est pas directement par un Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI). Les récents Schémas Départementaux de Coopération Intercommunale (SDCI) pris par les préfets peuvent bouleverser les contours de certains EPCI. De cette situation naît une incertitude généralisée : Quid de l’autorisation initiale ? Un changement de périmètre entraîne-t-il une modification de l’autorisation médico-sociale ? Une transformation? Une extension ? L’EPCI qui absorbe un ou plusieurs SAAD est-il soumis à la procédure d’appel à projets ? Un CIAS doit-il regrouper les anciens SAAD et ceux qu’il récupère ? Un EPCI nouvellement créé qui se retrouve avec des SAAD privés dans son périmètre doit-il les intégrer ou la frontière public/privé est-elle étanche ? A la rigueur, la redéfinition de l’intercommunalité ne peut-elle pas occasionner la restructuration d’un secteur plombé par les difficultés financières ? Autant de questions qui doivent être analysées précisément au cas par cas tant les réponses diffèrent selon la situation.

 

 

  1. Une procédure dérogatoire d’autorisation

 

Illustration parfaite de la réduction du champ d’application de la procédure d’appel à projets, le régime d’autorisation des SAAD est dérogatoire au droit commun applicable au secteur médico-social.

En effet, jusqu’au 31 décembre 2022, toute autorisation, extension, transformation est exonérée de la procédure d’appel à projets. Un régime d’autorisation « simple » est institué. L’initiative appartient donc au SAAD lui-même. Il est tenu de déposer une demande auprès du Conseil Départemental, lequel peut refuser l’autorisation.

Ce refus, toutefois, ne peut être discrétionnaire. Il doit être fondé juridiquement et motivé précisément -ne serait-ce qu’en considération du risque de contentieux.

De plus, il convient de noter que la Loi ASV a introduit l’obligation pour le Président du Conseil Départemental de communiquer chaque année un document relatif au bilan, selon la nature juridique du gestionnaire, des demandes d’autorisation ainsi qu’aux suites qui leur sont données.

Toutefois, rien ne semble interdire à un Département d’organiser une procédure d’appel à projets avant le 1er janvier 2023 s’il y va de son intérêt.

 

 

  1. Vers une reprise en main du secteur ?

 

On le sait, les SAAD connaissent d’une manière générale une situation financière délicate.

Dès lors est-il légitime de se poser la question suivante : les modifications apportées par la Loi ASV ne constitueraient-elles au final qu’un artifice pour conférer à l’administration les moyens de restructurer un secteur en déficit budgétaire chronique ?

Sans aller jusqu’à affirmer de manière péremptoire un tel principe, ni rentrer dans les méandres des mécanismes de tarification, il est impossible de ne pas discerner dans le grand chamboulement des SAAD la faculté accordée aux Départements de reprendre en main le secteur.

Avec un peu de recul, il est possible que le chamboulement majeur réside en réalité dans la primauté donnée à la régulation de l’offre médico-sociale au regard des objectifs du schéma.

A cet égard, il est important de noter que les objectifs et besoins fixés par le SRS et le SOSMS constituent désormais des motifs de retrait d’habilitation. Certes, les conditions procédurales sont drastiques, et l’objectif est plutôt de concourir à la conclusion d’un CPOM, mais il en va du CPOM comme du mariage, un échange de consentements est indispensable…

Or, le retrait d’habilitation est loin d’être neutre dans les effets qu’induit sa qualification juridique au sens de la loi ASV, et offre in fine au Département un dispositif pour remodeler le paysage des SAAD via le mécanisme de l’autorisation…

Inutile de préciser que toute décision en ce sens doit faire l’objet d’une motivation particulièrement précise.

 

Au-delà du cas des SAAD, on peut d’ailleurs émettre l’hypothèse selon laquelle la régulation de l’offre constitue le nouveau credo du pouvoir règlementaire, à l’instar de ce qu’a connu il y a quelques années le secteur sanitaire (voir en ce sens notamment le décret n° 2016-1299 du 30 septembre 2016).

 

Mon cabinet de tient à votre disposition pour toute information sur le sujet.

Maître Sylvain BOUCHON

Avocat droit médico-social

bouchonavocat@gmail.com

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