Mots clés : Curatelle – assurance-vie – clause bénéficiaire – avenant – assistance du curateur (oui) – nullité pour insanité d’esprit (oui)
1. Faits et procédure. Les faits sont classiques : une personne souscrit un contrat d’assurance-vie (le 12 février 2005), procède à un avenant (17 juin 2010) quelques mois avant d’être placé en curatelle renforcée (09 novembre 2010), puis signe un nouvel avenant concernant la clause bénéficiaire (15 septembre 2014), avant de décéder trois mois plus tard. Sa veuve assigne les bénéficiaires en nullité pour insanité d’esprit. Le Tribunal de Grande Instance prononce l’annulation du premier avenant mais non du second. La veuve fait appel : la cour d’appel de Besançon confirme le jugement. La veuve se pourvoit en cassation et obtient le 15 janvier 2020 une cassation avec renvoi devant la cour d’appel de Dijon qui devra apprécier l’existence d’une insanité d’esprit concernant le second avenant.
L’attendu de la Cour de cassation est limpide : « En statuant ainsi, alors que le respect des dispositions relatives à la régularité des actes accomplis par une personne placée sous le régime de curatelle ne fait pas obstacle à l’action en nullité pour insanité d’esprit, la cour d’appel (...) a violé les textes susvisés (art. 414-1 ; 414-2 3° et 466 du code civil) »
2. Motivation critiquable de la cour d'appel. La cour d’appel de Besançon avait retenu que la seconde demande de changement de clause bénéficiaire avait été faite par l’intermédiaire du curateur, et considère l’avenant valide dans la mesure où il appartenait au curateur de s’assurer de la volonté du majeur protégé et de l’adéquation de sa demande avec la protection de ses intérêts, et où il n’est justifié d’aucun manquement du curateur
3. Appréciation critique. Une telle motivation ne pouvait pas convaincre : la co-signature du curateur ne purge en aucun cas la nullité d’un acte signé par le curatélaire. Si la cosignature des deux – curateur et curatélaire – permet la validité de l’acte (l’accord du curateur venant sauver l’acte, puisque le seul engagement du curatélaire serait imparfait), c’est à la condition que l’engagement du majeur protégé ne procède pas en lui-même d’une insanité d’esprit qui vicierait son consentement.
En outre, le curateur n’est pas un médecin psychiatre ni un juge : s’il cherche à comprendre la volonté d’un majeur, et à le raisonner lorsqu’il estime que la demande exprimée n’est pas conforme à l’intérêt supérieur du majeur vulnérable, le curateur peut ne pas toujours percevoir la défaillance particulière du majeur (sur un acte déterminé) ni les manoeuvres de tiers abusant de l’influençabilité du protégé. Le curateur n’est pas l’ombre du curatélaire, mais un protecteur guidé par sa conscience professionnelle, aussi disponible pour le majeur que les contraintes de son métier le lui permettent, cherchant à accompagner le majeur dans sa vie civile.
La curatelle est une mesure de protection judiciaire qui permet à la personne protégée, dont l’altération psychique vicie le consentement, de parfaire son consentement par l’adjonction de celui du curateur. En d’autres termes, le consentement du curatélaire joint au consentement de son curateur fait présumer la validité de l’acte.
Mais il ne s’agit que d’une présomption simple. Encore faut-il que le consentement du majeur en curatelle n’ait pas été donné, le jour de la signature, sous l’empire d’un trouble ayant interdit toute compréhension libre et éclairée de l’acte.
En effet, toute altération psychique ne se confond pas avec l’insanité d’esprit au sens de l’article 414-1 du Code civil : il existe une palette immense de troubles de l’esprit, dont les effets peuvent s'accentuer au fil du temps, ou par moments, alors même que le majeur reste en curatelle (la maladie psychique progressant sans qu'une procédure d'aggravation de la mesure de protection ne soit toutefois enclenchée en temps réel).
En l’espèce, il appartiendra à la cour de renvoi de juger si le majeur protégé était apte à signer le second avenant, malgré la cosignature du curateur, et si son état de santé s’était dégradé depuis le jugement de curatelle renforcée, voire, depuis la date du certificat médical présenté au juge des tutelles. Tout dépendra des éléments de preuve présentés.
Ce que nous rappelle cet arrêt du 15 janvier 2020 de la Cour de cassation, c’est que ce débat probatoire peut avoir lieu. La cosignature du curateur n'empêche pas une action future fondée sur l'insanité d'esprit du curatélaire.
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