1. Les faits, la procédure. Un parent décède, laissant deux enfants majeurs d'un premier lit et un enfant majeur d'un second lit. Le défunt était notamment propriétaire indivis d'un bien avec sa première épouse. Le troisième enfant assigne les personnes précitées, en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre le défunt et sa seconde épouse, et de la succession.
Le dossier arrive en appel. L'audience de plaidoiries devant la cour d'appel de Caen intervient début 2022. Postérieurement, la seconde épouse est placée en tutelle le 17 février 2022 : ses deux enfants sont ses tuteurs (aux biens pour l'un, à la personne pour l'autre). L'arrêt de la cour d'appel de Caen est rendu le 08 mars 2022.
Un pourvoi est formé par les deux enfants en leur qualité personnelle et en tant que tuteurs. Ils demandent l'annulation de l'arrêt d'appel en application des articles 440 et 475 du code civil - en d'autres termes, en raison du placement en tutelle de leur mère et du fait qu'en tutelle, le tuteur représente en justice la personne protégée.
2. Motivation de la Cour de cassation. Par arrêt du 23 mai 2024 (22-16.784), la Cour de cassation estime que ce moyen (cette argumentation) n'est pas fondé, pour deux raisons :
- d'une part, la personne concernée était représentée par un avocat, lequel n'a pas informé la cour d'appel du jugement de tutelle ni sollicité une réouverture des débats ;
- d'autre part, "Dès lors qu'elle (la personne concernée) disposait de sa pleine capacité juridique à la date des derniers actes de procédure, la représentation du tuteur n'était pas requise."
La Cour de cassation accueillera cependant un autre moyen de cassation : l'assignation en liquidation partage ne mentionnait pas les diligences amiables entreprises en vue de parvenir à un partage amiable (cassation au visa de l'art. 1360 cpc).
3. Enseignements. a/ Tout d'abord, si l'avocat de la personne protégée après l'audience de plaidoiries avait sollicité une réouverture des débats, il l'aurait obtenue.
Si l'avocat de l'intéressée ne l'a pas fait, cela signifie qu'il ignorait l'existence de cette décision, ou quque, l'ayant apprise, il avait estimé inutile de solliciter une réouverture des débats. Dans les deux cas, la cour d'appel n'ayant pas été informée du prononcé d'une tutelle en la personne de l'une des Parties, son arrêt est inattaquable.
b/ Pour la Cour de cassation, tant qu'une personne vulnérable n'est pas protégée, elle conserve sa pleine capacité juridique : cela est imparable en droit.
En pratique, il est certain que la personne était vulnérable depuis un moment, et hors d'état de participer à sa défense, puisqu'un jugement de tutelle intervient plusieurs mois après l'établissement d'un certificat médical circonstancié établi par un médecin habilité.
En outre, les deux enfants de l'intéressée ayant été désignés comme ses tuteurs, ces derniers avaient nécessairement été auditionnés par le Juge des tutelles, et étaient probablement à l'origine de la procédure de protection. Ils n'ignoraient pas le déclin cognitif de leur ascendante, et avaient la possibilité d'en aviser l'avocat de leur mère. Dans ces conditions, retenir leur argumentation serait revenu à accorder une prime à leur silence.
MONTOURCY AVOCATS
https://montourcy-avocats.fr
Droit des majeurs vulnérables (tutelles, curatelles, habilitations)
Pour prendre rendez-vous : secretariat@montourcy-avocats.fr ou 01 45 72 02 52
2 square de l'avenue du Bois - 75116 Paris
Le Cabinet conseille ses Clients, et les défend devant l'ensemble des Juges des tutelles et Chambres des tutelles des cours d'appel, partout en France.