La mise en réserve des bénéfices : est ce un abus de majorité ?

Publié le 11/12/2023 Vu 363 fois 0
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Il arrive souvent que sur le fondement de l’abus de majorité, un actionnaire minoritaire d’une société sollicite l’annulation d’une décision de mise en réserve de bénéfices pour cause d’abus de majorité

Il arrive souvent que sur le fondement de l’abus de majorité, un actionnaire minoritaire d’une société

La mise en réserve des bénéfices : est ce un  abus de majorité ?

Il arrive souvent que sur le fondement de l’abus de majorité, un actionnaire minoritaire d’une société sollicite l’annulation d’une décision de mise en réserve de bénéfices pour cause d’abus de majorité

La mise en réserve conduisant à une augmentation de la valeur des droits sociaux, l’opération bénéficie à tous les associés proportionnellement à leur participation au capital de la société.

 Il existe néanmoins des hypothèses pour lesquelles l’abus pourra être retenu.

C’est souvent le cas lorsque l’associé majoritaire bénéficie d’une rémunération importante au sein de la société, en sa qualité de dirigeant social, la mise en réserve n’ayant aucun aucun impact sur l’associé majoritaire contrairement à l’associé minoritaire.

La jurisprudence est constante sur la notion d’abus de majorité en matière d’affectation des bénéfices de l’exercice clos.


Lorsque la société réalise un bénéfice, les associés peuvent, soit décider de se le distribuer en tout ou partie à titre de dividendes, soit décider de le mettre en réserve.

Lorsque L’Assemblée Générale décide de l’affectation de réserves, celle-ci doit être conforme à l’intérêt général de la société.

Pour éviter que des associés minoritaires invoquent un abus de majorité , la société doit pouvoir justifier des motifs légitimes justifiant les mises en réserves répétées des bénéfices, et ainsi la conformité à l’intérêt social.

D’une part, l’affectation doit être conforme à l’intérêt général de la société et la mise en réserve répétée des bénéfices ne doit pas être contraire aux intérêts des associés minoritaires, autrement dit, décidée dans l’unique dessein de favoriser l’associé majoritaire.

I/ la mise en réserve systématique de bénéfices n’est abusive que si elle est décidée dans l’unique but de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires

 

La Cour de Cassation vient de juger que « la mise en réserve de bénéfices, même systématique, ne constitue pas un abus de majorité sauf à démontrer que contraire à l’intérêt social, ou à tout le moins non justifiée par lui, la décision est prise dans l'unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires, ce qu’illustrent de nombreux arrêts. »

Cass. com., 30 août 2023, n° 22-10.108, FD : JurisData n° 2023-014776

 Dans cette affaire, un actionnaire minoritaire avait sollicité l’annulation d’une décision de mise en réserve de 550 346 € de bénéfices pour cause d’abus de majorité.

Il a invoqué , pour justifier la nullité, une rupture d'égalité dès lors que les associés majoritaires bénéficiaient , par leurs fonctions de direction au sein de la société, de rémunérations ou d'avantages en nature, dont lui-même ne bénéficiait pas au moment du vote de la résolution litigieuse.

 L’arrêt est cassé par la chambre commerciale de la Cour de cassation : « En se déterminant ainsi, sans constater que le montant des rémunérations versées aux actionnaires majoritaires et les avantages en nature dont ils bénéficiaient n'étaient pas justifiés au regard des fonctions de direction qu'ils exerçaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel d’appréciation stricte des conditions de l’abus de majorité.

Une mise en réserve systématique de bénéfices ne constitue pas une rupture d'égalité au seul motif que les actionnaires majoritaires bénéficient, par leurs fonctions de direction au sein de la société, de rémunérations ou d'avantages dont l'associé minoritaire est privé. 

Dans une autre affaire, l’assemblée générale d’une SARL  avait décidé de mettre en réserve les bénéfices pendant sept exercices consécutifs.

L’associé minoritaire a introduit une action en nullité contre cette décision. L’affaire parvient en cassation.

La cour de cassation a rejeté le pourvoi du minoritaire et écarté l’abus de majorité.

 Elle a estimé que cette décision n’était pas contraire à l’intérêt social. En effet, la mise en réserve des bénéfices était nécessaire.

 En effet, elle permettait à la société de présenter des garanties suffisantes à la banque pour obtenir un prêt immobilier. La Cour de cassation a donc estimé que la mise en réserve était un acte de gestion prudente. Elle assure à la société une capacité de remboursement sûre et durable.

La jurisprudence est stricte et considère que l’abus de majorité n’est pas constitué lorsque la mise en réserve a pour objectif de reconstituer la trésorerie ou pour envisager des investissements.

Il n’y a également pas d’abus de majorité en cas de mise en réserve systématique des bénéfices pour reconstituer la trésorerie de la société (CA Versailles 29 avril 2004, n° 02-803) ou pour réaliser d’importants investissements (Cass. com., 3 juin 2003, n° 00-14.386).

Il appartient donc à l’associé minoritaire de prouver l’abus de majorité .

§  L’abus de majorité est parfois retenu

Deux critères cumulatifs se retrouvent ainsi dans la notion d’abus de majorité : le défaut d’intérêt social et l’intérêt des majoritaires, la décision étant imposée par la volonté de certains actionnaires de se procurer, contrairement à l’intérêt social, un avantage personnel au détriment des autres.

Autrement dit , il doit prouver que la résolution litigieuse n’est pas prise contrairement à l’intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires.

 La Cour de cassation rappelle que la décision de mise en réserve constitue un abus de majorité lorsqu’elle est décidée « contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessin de favoriser l’associée majoritaire au détriment des associés minoritaires »Cass. 3e civ., 6 avr. 2022, n° 21-13.287

L’abus de majorité peut enfin résulter de ce que la décision d'affectation systématique en réserve a pour seul objet d'affecter la totalité de la trésorerie de la société à des avances au bénéfice des sociétés de l'associé majoritaire, au détriment de l'associé minoritaire (Cass. 3e civ., 8 juill. 2015, ).

 

A titre d’exemple , il a été jugé comme constitutif d’abus de majorité « le fait pour SCI pour refuser la distribution n'étaient pas légitimes et, d’autre part, qu'il « n'était pas dans l'intérêt de la SCI de conserver des réserves à hauteur de huit fois le bénéfice annuel et de vingt-quatre fois le capital social » et qu’elle n’avait ni dettes actuelles ou prévisibles, ni projet ».

 

L’action en abus de majorité peut être intentée contre les associés sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code civil, dans la perspective de demander des dommages et intérêts, et contre la société au visa des dispositions de l’article 1844-10 du Code civil pour solliciter l’annulation de la délibération « abusive ».

 

Un actionnaire minoritaire peut solliciter une expertise s’il existe des indices suffisants pour prouver un éventuel abus de majorité , ce qui peut être le cas lorsque  les bénéfices sociaux ont été portés systématiquement en réserves pendant de nombreuses années, 

 

L’associé minoritaire qui envisage de demande la nullité de la résolution qui décide d’une mise en réserve , devra s’assurer que les deux conditions cumulatives de l’abus de majorité sont établies.

 

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Maître JOAN DRAY

Avocat

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