Parties communes et parties spéciales et ses conséquences :
Le propre de la copropriété est d'être dissociée en parties privatives destinées à l'usage exclusif d'un copropriétaire, et en parties communes, destinées, quant à elles, à l'ensemble de la collectivité.
L'hétérogénéité de certaines copropriétés pose parfois des problèmes, car les copropriétaires qui n'ont jamais accès à certains éléments se montrent à juste titre réticents à les entretenir.
Il est alors possible de répartir, par stipulation expresse du règlement de copropriété, les parties communes :
- en parties communes générales, propriété de tous
- en parties communes spéciales, affectées à certains copropriétaires
Cet article a pour objet de rappeler la distinction entre parties communes et parties spéciales et de voir les conséquences de cette distinction sur les travaux et les charges afférentes aux parties communes spéciales.
1/ Distinction parties communes et parties spéciales :
La loi du 10 juillet 1965 fixe une présomption de communauté de divers éléments: gros œuvre, équipements communs, voies d'accès, jardins… (art 3 al 2).
Cette énumération ne vaut qu'en cas d'absence ou de contradiction des titres
c'est-à-dire par exemple si le règlement de copropriété ne se prononce pas sur la distinction entre les parties privatives et les parties communes.
Par ailleurs, il est tout à fait possible qu'un règlement de copropriété classe comme partie privative un élément considéré par la loi comme commun, et inversement.
Cette distinction une fois établie, il n'est plus possible de revenir dessus, sauf par un vote en assemblée générale à l'unanimité des copropriétaires formant le syndicat.
Il existe deux types de parties communes: les parties générales et les parties spéciales.
Cette distinction relève de l'article 4 de la loi de 1965 selon lequel les parties communes sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires ou certains d'entre eux seulement.
Ainsi, dans une copropriété comportant plusieurs bâtiments, il pourra y avoir des parties communes spécifiques à ce seul bâtiment (local à vélos…). La principale conséquence d'une telle distinction est la création de tantièmes généraux et de tantièmes spéciaux pour les copropriétaires qui bénéficient de ces parties spéciales.
A cet égard, la Cour de cassation dans un arrêt du 3 juin 2009, est venue éclairer un aspect souvent délicat de cette distinction entre parties communes générales, propriété individus de tous les copropriétaires et parties communes spéciales, propriété indivise de tous les copropriétaires : celui de l’ambigüité ou de l’obscurité fréquentes de la rédaction des règlements de copropriété quant à la définition des unes et des autres (Cass 3ème civ 3 juin 2009 n°08-16379).
En l’espèce, la Cour de cassation approuve la Cour d'appel de Versailles, estimant qu’elle était en droit « par une interprétation souveraine que l'ambiguïté de ses stipulations rendait nécessaire », de considérer qu’un article du règlement qui classe dans les « parties communes affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires de chacun des bâtiments les murs et éléments constituant l'ossature de chaque bâtiment » définit des parties communes spéciales, l’expression « de chacun des bâtiments » primant sur celle de « tous les copropriétaires ».
2/ Les travaux sur les parties communes spéciales :
Comme il a été précisé, les parties communes spéciales sont celles qui sont affectées à l’usage de certains propriétaires.
Dès lors se pose la question de savoir si les travaux sur les parties communes spéciales doivent être décidés dans tous les cas par les seuls copropriétaires à qui elles appartiennent ou seulement quand le règlement de copropriété le stipule expressément comme le laisserait penser la rédaction elle-même ambiguë de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 ? ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 juin 2009, lève toute ambigüité et confirme que le fait qu’il s’agisse de parties communes spéciales - en l’occurrence des parties communes de chaque bâtiment - a pour conséquence que seuls les copropriétaires qui sont propriétaires de lots dans un bâtiment peuvent décider des travaux sur ces dernières (Cass 3ème civ 3 juin 2009 n°08-16379).
Ainsi, le général s'efface devant le spécial. L'assemblée générale n'a pas la faculté de prendre des décisions regardant les parties communes spéciales ; une telle résolution serait nulle (CA Paris 20 sept. 1988, D. 1988, IR 287).
Ce principe trouve une exception, dans le cas d'une disposition contraire d'un règlement de copropriété.
Ainsi, il a été jugé que si un règlement érige les bâtiments en parties communes spéciales mais précise que l'assemblée a compétence pour décider de l'aspect extérieur des parties communes, alors l'assemblée a compétence pour autoriser un ravalement dans son ensemble, les budgets particuliers étant à discuter bâtiment par bâtiment (CA Paris, 23e C. B, 29 juin 2000).
3/ Les charges spéciales :
Une copropriété pouvant être divisée en parties communes générales et en parties communes spéciales, la question s'est aussi posée de savoir si les charges afférentes aux parties communes spéciales ne devaient pas être elles-mêmes spécialisées, puisque les redevables sont les copropriétaires des lots inclus dans ces parties communes.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 juin 2011, est venus confirmer, sur ce point, une précédente jurisprudence en indiquant que toute création de parties communes spéciales devait avoir pour conséquence la création de charges communes spéciales avec des tantièmes spécifiques prévus par le règlement de copropriété(Cass.3e civ., 8 juin 2011, n°10-15551, loyers et copr. Sept.2011, comm.255 -Cass.3e civ., 03 juin 2009, admin.oct.2009, p.56).
Dans le cas d’espèce, le règlement de copropriété qualifiait la toiture-terrasse d’un bâtiment situé dans une copropriété composée de plusieurs immeubles de partie commune spéciale. Or, la décision d’assemblée générale portant sur la réalisation de travaux d’étanchéité de cette terrasse n’avait pas expressément fait mention de la répartition des dépenses y afférents en fonction de tantièmes spéciaux. Les juges ont considéré que malgré le manque de précision, il était nécessaire de répartir les frais liés à la réfection de l’étanchéité du bâtiment concerné seulement entre les copropriétaires possédant un lot dans ce dernier.
Enfin, on peut noter que dans certains cas exceptionnels, il pourrait y avoir une spécialisation de charges sans parties communes spéciales.
Par exemple lorsqu’un lot serait suffisamment indépendant des autres bâtiments de la copropriété pour justifier « une répartition spéciale des charges relatives à l’entretien et à l’administration des parties communes de ces bâtiments et l’exonération du montant des travaux réalisés dans les autres » (Cass.3e civ., 1 février 2006 loyers et copr. Avril 2006, comm. n°85 p.20).
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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