Obligation du bailleur d'installer un système de traitement d'air, des odeurs et fumées du local

Publié le Modifié le 21/12/2017 Vu 202 904 fois 205
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le bailleur engage-t-il sa responsabilité en l'absence d'installation de système de traitement et d'extraction des fumées et odeurs d'un local de restauration ?

Le bailleur engage-t-il sa responsabilité en l'absence d'installation de système de traitement et d'extracti

Obligation du bailleur d'installer un système de traitement d'air, des odeurs et fumées du local

Les restaurants et locaux loués avec pour destination une activité de restauration doivent être pourvus de « système d'extraction de l'air pollué ».

Autrement dit, les cuisines de locaux de restauration doivent obligatoirement bénéficier d'une installation permettant d'extraire l'air pollué à savoir : les fumées, les odeurs ou les résidus d'odeurs.

À cet égard, il existe une réglementation précise relative aux conditions de ventilation des cuisines et d'extraction en façade des locaux ou sur le toit des immeubles.

L'article 63-1 du Règlement Sanitaire Départemental dispose que les prises d'air neuf et ouvrants doivent être placés en principe à au moins 8 m de toutes sources éventuelles de pollution et que l'air extrait des locaux doit être rejeté à au moins 8 m de toutes fenêtres ou de toutes prises d'air neuf sauf aménagement.

Cependant, un certain nombre de locaux de restauration ne comprennent pas de système d'extraction de l'air pollué et, pire, ne permettent pas non plus l'installation d'un tel système.

Or, en pratique, il est fréquent que les bailleurs invoque l'absence de système d'extraction de l'air pollué pour tenter de rompre le bail ou mettre à la charge de leur locataire le coût des travaux d'installation nécessaires, notamment lorsque la copropriété se plaint de nuisances olfactives.

La jurisprudence a ainsi instauré de nouvelles obligations à la charge des bailleurs.

A cet égard, la Cour de cassation a jugé, le 13 juillet 2010, que le bailleur viole son obligation de délivrance d'un local conforme en ne faisant pas procéder à l'installation d'un système d'extraction de l'air pollué dans le local de restauration loué et que le locataire pouvait valablement invoquer cette exception d'inexécution pour ne pas payer son loyer. (Cass. Civ. III, 13 juillet 2010, N° de pourvoi: 09-15409).

L'exception d'inexécution est le droit dont chaque partie à un contrat de refuser d'exécuter totalement ou partiellement l'obligation à laquelle elle est tenue tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due de la part de son cocontractant.

En l'espèce, des locaux ont été donnés bail et le contrat de bail commercial stipulait expressément que ceux-ci étaient destinés « à l'usage exclusif de restauration-brasserie à l'exclusion de toute autre activité ».

Le locataire n'a été informé de ce que les locaux donnés à bail ne comportaient aucune gaine d'extraction de l'air pollué de la cuisine qu'après la signature du bail, lorsque le maître d'oeuvre des travaux et la société qui devait concevoir et réaliser les travaux aérauliques d'extraction cuisine, l'a informé qu'en l'absence d'exutoire en toiture, l'installation ne serait pas satisfaisante.

Ainsi, le restaurant donné à bail ne comportait aucune gaine d'extraction de l'air pollué de la cuisine exigée par les prescriptions sanitaires.

Dans ce contexte, le locataire considérait que ces locaux étaient impropres, pour partie, à leur destination prévue au bail et que le bailleur manquait à son obligation principale de délivrance de la chose louée à l'usage auquel elle était contractuellement destinée.

Le locataire a donc informé son bailleur de l'absence de conduit existant à l'intérieure des locaux, de son impossibilité en conséquence de procéder au raccordement de l'évacuation de l'air pollué de la cuisine et de l'urgence de remédier à cette situation.

Malgré les demandes insistantes et renouvelées ainsi que les différentes propositions de solutions propres à y remédier émanant du locataire, cette situation a perduré pendant plusieurs mois et a entraîné pour ce dernier des perturbations réitérées et des troubles certains dans l'exploitation de son fonds, une baisse de son activité commerciale ainsi que de graves difficultés financières l'ayant contraint à ne plus payer son loyer.

A défaut d'avoir fait cesser les désordres subis par le locataire, le bailleur lui a fait délivrer un commandement d'avoir à payer le loyer aux termes convenus et visant la clause résolutoire, c'est à dire la résiliation du bail.

Un expert judiciaire est intervenu dans la procédure et a constaté :

- différents manquements imputables au bailleur, s'agissant du non-respect initial de son obligation de délivrance de la chose louée à l'usage auquel elle était contractuellement destinée ;

- la carence du bailleur à prendre, dans l'urgence puis – à défaut – dans « des délais raisonnables », les mesures nécessaires pour remédier aux désordres;

- que le bailleur a pris, sans l'accord du locataire, la décision de confier des travaux sur site aux techniciens du chantier, commandé des travaux sans concertation avec le locataire sur le matériel à mettre en place, pris trop tardivement la décision de mettre en place une installation de traitement d'air.

Pour conclure, l'expert judiciaire a considéré que le locataire n'avait pas disposé d'un système de traitement de l'air vicié de la cuisine conforme aux règles de l'art lui permettant d'exercer son activité de restauration.

Dans ce contexte, à titre reconventionnel, le locataire a sollicité des juges qu'ils déclarent nul et de nul effet le commandement de payer, visant la clause résolutoire insérée au bail, délivré à son encontre par le bailleur et le déclare redevable d'aucun loyer puis d'un loyer réduit de 30% en application du principe de l'exception d'inexécution.

Les juges de première instance, d'appel et de cassation ont unanimement :

- constaté qu'il n'était établi ni que le contrat de bail ait transféré au preneur la charge de réaliser le dispositif d'extraction des fumées, nécessaire, aux termes de la réglementation, à l'exploitation des locaux conformément à leur destination, ni que le preneur ait été informé des difficultés techniques qui devaient s'attacher à la conduite de tels travaux dans les lieux loués .

- déclaré nul et de nul effet le commandement de payer, visant la clause résolutoire.

Par conséquent, la Cour de cassation a jugé que :

« la cour d'appel a pu en déduire que la bailleresse avait manqué à son obligation de délivrance et que la société O'Restauration pouvait valablement invoquer l'exception d'inexécution » et que la perte d'exploitation subie par cette dernière société pendant la période litigieuse représentait une somme de plus de 750.000 euros

Cette affaire est riche d'enseignement sur la charge financière du coût de l'installation d'un système d'extraction des odeurs dans locaux de restauration donnés à bail.

En effet, il ressort de cet arrêt que le propriétaire d'un local de restauration est tenu au respect d'une obligation particulière de délivrance de la chose louée envers son locataire restaurateur : à savoir installer un système de traitement de l'air pollué et d'extraction des odeurs dans les cuisines.

Concrètement, le bailleur est tenu de créer un conduit à l'intérieur des locaux permettant de procéder au raccordement de l'évacuation de l'air pollué de la cuisine.

Le cas échéant, le preneur à bail dispose d'une arme très efficace puisqu'il peut opposer à son bailleur l'exception d'inexécution au paiement des loyers et charges lorsque le bailleur a manqué à son obligation de délivrer la chose louée.

Cet arrêt permet donc au locataire de cesser de payer son loyer si son bailleur manque à son obligation de délivrance conforme du local pris à bail.

De plus, il résulte de cette décision que le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré par le bailleur est nul et de nul effet.

Pour échapper à la mise en jeu de sa responsabilité, le bailleur doit expressément stipuler dans le bail que :

- le coût de l'installation d'une gaine d'extraction est à la charge du locataire ;

- le coût de l'installation d'une gaine d'extraction correspond à la contrepartie de la franchise de loyers le cas échéant.

Enfin, il convient de garder en mémoire que :

- le bailleur ne peut pas valablement invoquer le fait qu'il n'a été informé de l'absence de tout conduit à l'intérieur des locaux qu'après la signature du bail.

- en l'absence de tout conduit auquel peut être raccordé l'évacuation de l'air pollué de la cuisine et d'exécutoire en toiture, l'installation ne pourra jamais être satisfaisante.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel :
01 40 26 25 01

Email : abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1435 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
04/06/2015 11:10

Bonjour maître. Est ce qu un conduit en fibre ciment (amiante), peut servire d ecacuation de cuisine en petite restauration? Il n est pas gainé et le ramonage y est interdit. Merci.

2 Publié par Visiteur
15/06/2015 08:32

Bonjour maître,

Nous venons de mettre en location un local commercial destiné à la restauration rapide (Pizza) en rez de chaussé d'un immeuble de logements.
Il n'est aucunement fait mention dans le bail que le local est destiné à une activité de restauration.
mais nous avons signé une attestation de mise à disposition du local dans laquelle l'objet social fait mention de Bar, Brasserie, Restaurant, Restauration rapide, Plats à emporter et Glacier.

Le bail a été signé et la question de la gaine d'extraction est apparue ensuite.
Après renseignement, il nous fallait l'accord du syndic et de la co-pro pour faire cela (prochaine AG prévue en janvier, nous avons demandé de mettre cette question à l'ordre du jour lors de cette occasion).

Les locataires souhaitaient quand même garder le local et mettre "à la place" une hotte à charbon pour filtrer les odeurs et les graisses.

Mes questions sont la suivante :
-dans le cas de cette activité, la hotte est-elle suffisante ?
-en cas de problème d'odeurs, qui sera responsable, eux ou nous ? et que devront nous faire sachant que l'AG peut dire oui ou non pour la gaine ?
-ils viennent de commencer leur travaux, nous ne pouvons pas leur demander de partir maintenant même si cette situation m'inquiète, comment la clarifier
-en cas de problème plus grave (incendie...) qui sera responsable ?


Nous vous remercions pour vos réponses

3 Publié par Visiteur
17/06/2015 17:27

Bonjour maitre et merci pour votre blog et le temps consacré,
J'ai racheté un fonds de commerce (boulangerie, pain, viennoiserie, patisserie) dans lequel la personne faisait de la restauration rapide (en activité annexe qui s'est transformé en activité principale). Cette activité n'a fait l'objet d'aucune modification de bail ni de contestation du propriétaire des murs.
Mon activité principale étant la restauration rapide (le mot burger apparait dans le nom de ma société et de l'enseigne), tout s'est bien passé jusqu'à ce que je m'aperçoive que le conduit d'extraction n'était pas aux normes (conduit souple et boisseau en brique).
Dans un premier temps le propriétaire a accepté que je remplace cette installation par des conduits métalliques et une tourelle d'extraction (solution 1) mais après s'être rapproché des services de mairie on l'a découragé de me donner cette autorisation l'immeuble étant situé dans une zone classé patrimoine historique ... il m'a donc suggéré d'installer une hotte à condensation sans extraction (solution 2). Je me suis personnellement rapproché des architectes des bâtiments de France qui m'ont indiqué, après visite sur place, que la solution 1 était faisable. Sachant que la solution 2 est couteuse à l'achat, énergivore (eau + électricité) et pas aussi efficace que la première.
J'essaie d’être conciliant et éviter tout conflit mais j'avais déjà acheté la tourelle et les conduits d'évacuation avant qu'il me notifie qu'il ne souhaitait pas la mettre en place au vu de l'avis défavorable de la mairie.
Cela fait un mois que je suis arrêté à cause de cela entre autres.
Est-ce que les travaux doivent être à sa charge ?
L'extraction n'a jamais été aux normes et de fait le conduit en boisseaux n'a sans doute jamais été soumis à une quelconque autorisation. Qui est responsable ?

Merci

4 Publié par Visiteur
23/07/2015 07:56

Bonjour Maitre,
Je suis entrain d'acquérir un local commercial qui comporte un extracteur de fumée. Cependant lors de l'AG de Mars 2015, les copropriétaires se sont plaints d'odeurs remontant dans l'escalier et provenant de la brasserie et de chaleur provenant de la cave en raison du groupe froid. Que me conseillez vous?

Bien cordialement

5 Publié par Maitre Anthony Bem
23/07/2015 08:08

Bonjour Mohamed,

Je crains qu'à défaut de mention expresse de l'activité de restauration de votre bail commercial aucune activité de cette nature ne puissent être valablement exercée surtout que le bailleur n'a pas d'obligation d'y installer un système d'extraction.

Il me faudrait vérifier sur ce point l'acte de cession de fonds de commerce pour vous le confirmer.

Cordialement.

6 Publié par Maitre Anthony Bem
23/07/2015 08:15

Bonjour Farhat,

Vous avez raison d'être vigilante sur le litige en cours.

La copropriété peut exercer des recours contre vous en cas de troubles de voisinage.

Il faudrait vous rapprocher d'un avocat afin d'analyser la légalité de la situation et l'opportunité de l'acquisition éventuelle.

Cordialement.

7 Publié par Visiteur
02/08/2015 02:55

Bonjour maitre,
Je suis proprietaire de murs situes en RDC dans une copro ou
Je fait de la restauration Vegan ( vegetalienne ) donc sans aucune viande et ou souce animale qui ne necessite pratiquement aucune cuisson ( sauf riz- pate etc) et ne génère pas d odeur. Je possede une hotte a charbon avec une sortie d air dans une dans un puis de jour entre 2 copro.
Ai je une obligation de me mettre aux normes identiques a celles des autres restaurants si oui quelles sont elle? Quel sont mes risques et comment les eviter?
Un grand merci pour votre aide

8 Publié par Maitre Anthony Bem
02/08/2015 07:38

Bonjour Steven,

La restauration vegetalienne ne me semble pas pouvoir être une source de pollution olfactive dont les voisins sont susceptibles de pouvoir valablement se plaindre et nécessitant de mettre aux normes identiques à celles des autres restaurants le système d'extraction de l'air polué ou vicié.

A prirori, je ne vois donc pas de risques juridiques susceptibles de se réaliser sur ce point lors du développement de votre activité.

Cordialement.

9 Publié par Visiteur
11/08/2015 11:22

Bonjour maître j'ai signer un bail petite restauration sans extraction sachant que l'agence immobilière savez que je fait la pizza après ouverture le syndic ma envoyer service hygiène et préfecture de police pour odeur qui mon donner un délai de 2 mois pour faire un extraction dans ma situation es que le bail doit changer et l'extraction c'est qui doit l'installer moi ou le bailleur merci cordialement

10 Publié par Maitre Anthony Bem
11/08/2015 22:38

Bonjour Five,

Tout dépend comment votre contrat de bail commercial est rédigé.

Si l'extraction est expressément exclu, vous ne pouvez prétendre du bailleur qu'il installe un système d'extraction dans son local donné à bail.

Cordialement.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1435 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles