Les décisions de justice ne sont pas toutes exécutoires dès qu'elles sont rendues par les juges.
Le recours en appel suspend en principe les effets de la décision attaquée.
Cependant, le principe de "l'exécution provisoire" est une exception à l’effet suspensif du recours en appel.
Par conséquent, pour que les décisions de justice soient exécutoires malgré le recours en appel, il est nécessaire que le juge indique expressément à la fin de sa décision que celle-ci est exécutoire en ordonnant "l'exécution provisoire".
Cette formule apparait non seulement dans le corps de la décision et dans le "par ces motifs" qui est la conclusion du juge.
A cet égard, pour mémoire, l’article 514 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que :
« L'exécution provisoire ne peut pas être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit. »
De plus, l'exécution provisoire est automatique, dite de droit, pour certaines décisions de justice limitativement énumérées par la loi.
L’article 514 du code de procédure civile alinéa 2 prévoit ainsi que :
« Sont notamment exécutoires de droit à titre provisoire les ordonnances de référé, les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l'instance, celles qui ordonnent des mesures conservatoires ainsi que les ordonnances du juge de la mise en état qui accordent une provision au créancier. »
Les décisions de justice exécutoires de plein droit à titre provisoire sont notamment :
- les ordonnances rendues en référés, c'est à dire en urgence ou sous le coup de l'évidence ;
- les ordonnances de non conciliation en matière de divorce ;
- les ordonnances du juge de la mise en état octroyant une provision en cours de procédure et avant la fin du procès ;
- les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire.
Toutes les autres décisions de justice doivent expressément comporter la formule selon laquelle le juge "ordonne l'exécution provisoire".
Ainsi, l’article 515 du même code prévoit les modalités de "l'exécution provisoire" en ce qu'il dispose que :
« Hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation ».
Par ailleurs, il est important de savoir que l'exécution des décisions de premières instances conditionne la recevabilité de la procédure d'appel.
Autrement dit, en présence de "l'exécution provisoire", la partie qui a fait appel doit exécuter sa condamnation de première instance si elle veut que son appel soit recevable.
A défaut, la partie adverse pourra saisir le conseiller de la cour d'appel de cette difficulté et le recours sera annulé sans possibilité pour la partie évincée de revenir dans le passé.
Néanmoins, en cas d'appel il est possible de solliciter la suspension des effets des décisions de justice bénéficiant de "l'exécution provisoire" auprès du premier président de la cour d'appel saisie du recours, dans les cas suivants :
- si elle est interdite par la loi ;
- en cas de violation du principe du contradictoire des droits de la défense (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 février 1983).
- ou de l’article 12 du code de procédure civile qui impose au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables,
- en cas d’excès de pouvoir (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Bordeaux, 5 juin 1987) ;
- en cas d’irrégularité formelle (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Rennes, 13 février 1990 ; Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 12 juin 1990)
- en cas d’absence de fondement juridique de la décision critiquée (14. Montpellier, 29 octobre 1997)
- si la décision attaquée risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives pour la partie condamnée.
Sur ce dernier fondement, à titre d'exemple, il a été ordonné la suspension de l'exécution provisoire compte tenu des conséquences manifestement excessives subséquentes eu égard :
- au risque de non restitution des fonds par le créancier qui a commencé à exécuter le jugement (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Paris, Pôle 1, chambre 5, 20 Mars 2014, RG N° 14/00972, SAS CANNES PALACE c./ SARL LA COMPAGNIE ART & PLACEMENT).
- à la démolition d'un bien immobilier (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Paris, 20 mai 1985) ;
- à l'arrêt d'une activité (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Paris, 19 mai 1982, 12 sept. 1989, 6 février 1992) ;
- à la nécessité d'avoir à réintégrer un salarié licencié (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Nîmes, 25 mars 1983) ;
- à la remise d'un enfant à ses parents naturels (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Paris, 21 février 1983) ;
- au placement en liquidation judiciaire du bénéficiaire (Ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Rennes, 19 mai 1991).
Bien que l’appréciation par les premiers présidents du caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire soit souveraine, selon la Cour de cassation, c’est sous la condition qu’ils ne prennent en compte que les facultés de paiement de la partie condamnée ou les facultés de remboursement de son adversaire (Cour de cassation, Assemblée, Plénière, 2 novembre 1990).
Pour conclure, la demande de suspension de "l'exécution provisoire" auprès du premier président de la cour d'appel suppose concrètement que la partie appelante présente une requête, par voie d'avocat.
Une date d'audience est en générale rapidement fixée afin que le premier président de la cour d'appel procède à l'appréciation des motifs de la suspension de "l'exécution provisoire", en vertu de son appréciation souveraine des faits.
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Anthony Bem
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