Le droit du travail instaure au bénéfice de la salariée enceinte une protection contre le licenciement. Cette protection, affirmée par l'article 1225-4 du Code du travail, a été renforcée par un arrêt du 30 avril 2014 de la chambre sociale de la Cour de cassation.
L'article 1225-4 du Code du travail prévoit des restrictions à la possibilité pour l'employeur de licencier une salariée en état de grossesse médicalement constaté. En effet, l'employeur n'est pas en droit de rompre le contrat de travail d'une telle salariée pendant la totalité des périodes de suspension du contrat de travail (congé de maternité) ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. Cette règle joue que la salariée use ou non de ce droit (qu'elle prenne effectivement ou non ses congés).
Une exception est cependant instaurée au second alinéa de l'article 1225-4 du Code du travail. L'employeur peut rompre le contrat de travail en cas de faute grave de la salariée qui ne serait pas en lien avec l'état de grossesse. Il peut également rompre le contrat en cas d'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou l'accouchement. Cependant, même dans cette hypothèse, la loi pose une limite car la rupture du contrat de travail ne peut jamais être notifiée ni prendre effet pendant les périodes de suspension dudit contrat.
Ainsi, par principe, la rupture d'un contrat de travail ne peut intervenir moins de quatre semaines suivant l'expiration des congés maternité. La question s'est posée de savoir si cette période de protection de quatre semaines était ou non suspendue lorsque la salariée cumulait des congés payés à l'expiration des congés maternité. En effet, il semble que l'article 1225-4 du Code du travail ne prévoit une protection contre la rupture du contrat de travail que dans l'hypothèse de congés maternités. La loi n'aborde pas la question de la suspension du délai de protection dans l'hypothèse d'une articulation des congés maternité et des congés payés. C'est donc la chambre sociale de la Cour de cassation qui a, dans un arrêt en date du 30 avril 2014, fournit une réponse à cette question.
Il convient tout d'abord de rappeler brièvement les principes et les conséquences qui régissent la rupture du contrat de travail d'une salariée en état de grossesse. Ensuite, nous aborderons la solution jurisprudentielle nouvelle; qui affirme la suspension du délai de protection de quatre semaine pendant toute la période des congés payés, ce qui a pour effet de reporter le point de départ de cette protection.
I/ Les principes et les effets de la période de protection d'une salariée en état de grossesse
Aux termes de l'article L. 1225-17 du Code du travail, toute salariée enceinte a le droit de bénéficier d'un congé de maternité d'une durée de 16 semaines, qui débute six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se termine 10 semaines après l'accouchement. Le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail et à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.
Le corollaire de ce droit est une protection contre la rupture du contrat de travail par l'employeur. La loi prévoit un encadrement strict de la rupture du contrat de travail par l'employeur pendant cette période de congé de maternité, et étend cette protection à quatre semaines à l'expiration du congé de maternité. L'intensité de la protection contre la rupture du contrat de travail varie selon qu'on se place pendant la période de congé de maternité ou à l'expiration de cette période.
◊ La protection pendant la période de congé de maternité
A compter de la connaissance par l'employeur de l'état de grossesse d'une salariée, il lui est fait interdiction d'effectuer son licenciement. Ce principe découle de l'article 1225-4 du Code du travail et joue de manière absolue lorsqu'un licenciement est effectué pendant que la salariée est en congé de maternité.
S'il entame une telle procédure avant l'accouchement, elle sera annulée dès lors que la salariée fournit un certificat médical justifiant son état de grossesse et indiquant la date présumée de l'accouchement.Le certificat doit être envoyé par lettre recommandée avec avis de réception à l'employeur, dans les 15 jours à compter de la notification du licenciement. La réintégration de la salariée enceinte dans l'entreprise doit avoir lieu au plus vite, après réception par l'employeur du certificat.
Pendant toute la durée du congé de maternité, la protection contre le licenciement joue de manière absolue, que la salariée use ou non de son droit, que la salariée ait ou non commis une faute grave, ou qu'une cause extérieure justifie son licenciement. De plus, cette protection joue même si licenciement a été notifié à la salarié avant le début de son congé.
En revanche, à l'expiration du congé de maternité, cette protection joue à géométrie variable.
◊ La protection contre la rupture du contrat de travail à l'expiration du congé de maternité
L'article 1225-4 alinéa 1 du Code du travail dispose que pendant les quatre semaines suivant l'expiration du congé de maternité, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse. Ainsi, la protection contre la rupture du contrat de travail est étendue à 20 semaines. Mais ce principe n'est toutefois pas absolu.
En effet, le second alinéa de cet article instaure deux tempéraments à la rupture du contrat de travail concernant une salariée en état de grossesse. L'employeur peut rompre le contrat de travail soit en cas de faute grave de la salariée, à condition qu'elle ne soit pas liée à sa grossesse, soit en cas d'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement (par exemple, un licenciement pour motif économique qui justifierait la suppression du poste).
Ces deux exceptions ne concernent pas l'interdiction de rupture du contrat de travail pendant la période du congé de maternité. Cet alinéa prévoit seulement l'annulation de la période de protection de quatre semaines prévue par le premier alinéa. Un employeur peut donc notifier et faire prendre effet un licenciement à l'expiration du congé de maternité si l'on est dans le cadre de l'une des deux exceptions limitativement prévues.
Parmi les causes de suspension du contrat de travail se trouvent donc le congé de maternité que nous venons d'évoquer, mais également les congés payés. Comment articuler le délai de protection contre la rupture du contrat de travail dans le cadre du congé de maternité et les congés payés ?
II/ L'articulation de la protection à l'expiration du congé de maternité avec les congés payés : report du point de départ du délai de protection de quatre semaines
L'article L.1225-4 du Code de travail offre une protection renforcée contre la rupture du contrat de travail car il étend à quatre semaines supplémentaires cette interdiction de rupture par l'employeur (hors cas de faute grave et licenciement pour motif étranger à l'état de grossesse).
Lorsque, à l'expiration du congé de maternité, la salariée prend des congés payés; qu'advient-il de ce délai de protection de quatre semaines ? Est-il confondu dans les congés payés ou au contraire, est-il cumulable aux congés payés ? L'enjeu est crucial car la validité du licenciement est ici en cause.
La question est de savoir si l'employeur peut notifier un licenciement après l'expiration du délai de quatre semaines, quand bien même la salariée aurait pris des congés payés pendant ce délai. Ainsi, il est question de savoir si les congés payés suspendent le point de départ de ce délai de protection. La jurisprudence a répondu par l'affirmative dans un arrêt de la chambre sociale du 30 avril 2014 (n° 13-12.321). En l'espèce, une salariée exerçant les fonctions de directrice juridique développement dans une entreprise bénéficie d'un congé de maternité. Ce congé expire le 7 septembre 2004, puis elle prend des congés payés jusqu'au 20 octobre 2004. Elle retourne travailler puis se voit notifiée son licenciement pour motif personnel le 16 novembre 2004.
Elle saisit alors le conseil des prud'hommes d'une demande tendant à la nullité du licenciement. La cour d'appel de Paris fait droit à sa demande et condamne l'employeur à verser lui verser des dommages et intérêts.
Selon les juges d'appel, la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité est suspendue pendant la durée des absences régulières ou des périodes de suspension du contrat de travail. Ainsi, les congés payés sont assimilés aux périodes de suspension du contrat de travail, ce qui a pour effet de suspendre le délai de protection de quatre semaines et de reporter son point de départ au terme des congés payés.
Dans cette affaire, l'employeur affirme que la période de protection de quatre semaines court à compter de l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail au titre du congé de maternité, et non à compter de la reprise effective du travail par la salariée. La chambre sociale de la Cour de cassation rejette l'argument. Elle affirme que la prise des congés payés immédiatement à l'expiration du congé de maternité a pour effet de conduire à un report du point de départ de la période de protection : "la période de protection (…) étant suspendue par la prise des congés payés, son point de départ était reporté à la date de la reprise du travail par la salariée".
Par ailleurs, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle dans cet arrêt la solution posée par le second alinéa de l'article L. 1225-4 du Code du travail, selon lequel la période de protection contre la rupture du contrat de travail ne joue pas lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave ou motif étranger à l'état de grossesse.
En conclusion, la protection d'une salariée en état de grossesse est accrue par cette nouvelle solution et les principes régissant la protection d'une salariée en congé de maternité sont transposables au salarié en congé d'adoption. Par conséquent, cette solution devrait pouvoir être étendue au salarié en congé d'adoption.
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Joan DRAY
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