LE SORT DU BAIL DANS LES PROCEDURES DE REDRESSEMENT ET LIQUIDATION JUDICIAIRE
L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du locataire fait naître des interrogations multiples et des contentieux considérables.
Parmi les multiples questions qui se posent, la principale est celle du sort du bail dont est titulaire le preneur débiteur, en d’autres termes qu’advient t-il du bail ? Peut-on le résilier? Quelle est la personne habilitée à le faire ? Le bailleur peut il se voir imposé le maintien de la relation contractuelle ? Ce sont autant des questions auxquelles nous allons répondre dans les différentes procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.
Cette question est réglée par le régime général des contrats en cours prévu par l’art L622-13 et également du régime spécial du bail d’immeuble prévu par les nouveaux art l622-14 à L622-16.
En effet, l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du preneur produit des conséquences sur le contrat de bail en cours.
Qu’entendre par un contrat en cours :c’est un contrat conclu antérieurement au jugement d’ouverture et qui n’a pas encore produit ses effets principaux .
Donc, il s’agit d’un contrat qui n’a pas été résilié antérieurement au jugement d’ouverture et il est source d’obligation pour les parties .
I/LA SUSPENSION DES POURSUITES DU BAILLEUR ET L’INTERDICTION DU PAIEMENT DES LOYERS ANTERIEURS L 622-21 DU CODE DE COMMERCE.
L’art L622-22 précise que le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit tout action en en justice de la part des créanciers.
Ce principe concerne tous les créanciers y compris le bailleur sauf ceux de l’article L622-17(créanciers postérieurs),le bailleur se voit donc interdit d’introduire ou de poursuivre toute action en recouvrement du loyer ou charges ou encore toute action en résiliation du bail pour défaut de paiement (CA DE PARIS 24 AVRIL 1998DALLOZ 1998) .
Il est à préciser que cette interdiction de poursuite profite également aux personnes physiques garantes quelle que soit la nature de leur engagement y compris ceux qui ont consenti un cautionnement réel.
Toutefois le législateur admet la compensation des dettes connexes, les dettes connexes sont des dettes issues d’un même lien contractuel .cette exception a été introduite par le législateur en 1994 d’ailleurs il n’a fait que valider la jurisprudence qui l’admettait déjà cass com 19 mars 1991 BULL CIV 1991.
En la matière cette compensation s’opère le plus souvent entre les loyers impayés et le dépôt de garantie, en effet la plus part des baux commerciaux prévoient un dépôt de garantie pour assurer la bonne exécution du bail et le paiement des loyers .Ainsi la jurisprudence admet que cette compensation et à ce sujet plusieurs illustrations COUR D’APPEL DE VERSAILLES 24 FEV 1995 RJDA 1995N°889.COUR D’APPEL DE PARIS 26 JANV 2006 AJDI 2006.
II/INEFFICACITE DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE POUR NON PAIEMENT DES LOYERS ET CHARGES ANTERIEURES
La clause résolutoire est paralysée en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, en effet la loi répute non écrite toute clause prévoyant la résiliation du bail en cas d’ouverture d’une procédure collective.
Si le bailleur n’a pas déclenché le mécanisme de la clause résolutoire avant l’ouverture de la procédure collective, il ne peut plus le faire car L622-17 l’en empêche, toutefois si le bailleur a eu le temps de le faire avant l’ouverture de la procédure collective il lui faudrait respecter le statut des baux commerciaux en effet L145-41 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le contrat prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement infructueux.
Il en est de même en cas de liquidation judiciaire en la matière un arrêt de la 3ème chambre civile de la cour de cassation du 9 janvier 2008 dispose que « les effets du commandement de payer visant la clause résolutoire sont suspendues par l’effet du jugement ouvrant la liquidation judiciaire du locataire dès lors qu’aucune décision passée en force de chose jugée constatant l’acquisition de cette clause résolutoire n’est intervenue avant ce jugement d’ouverture ».
Ainsi le bailleur n’aura plus qu’à déclarer sa créance d’arriérés de loyer et des charges au passif du locataire.
III/L’EXERCICE DU DROIT D’OPTION POUR LA CONTINUATION DU BAIL DANS LE REDRESSEMENT JUDICIAIRE.
Ce droit d’option pour la continuation des contrats en cours appartient au seul administrateur (L622-13) ou en cas d’absence de celui-ci au débiteur .
Cette option relative aux contrats en cours permet à l’administrateur de ne continuer que les contrats nécessaires et utiles à l’entreprise et donc ici au locataire, le contrat de bail étant très vital il n’échappe pas au régime des contrats en cours.
Si l’administrateur décide de continuer le bail il se poursuit dans les conditions en vigueur au moment de la conclusion du contrat selon les prévisions contractuelles.
Cependant si l’administrateur ne se prononce pas sur le sort du bail, le bailleur soucieux de ce qu’il adviendra de son contrat et ne souhaitant pas demeurer dans l’incertitude peut opérer une mise en demeure soit par acte extra judiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’administrateur (L621-28 alinéa 1) de se prononcer sur le sort du bail en cours, l’absence de réponse entraine la résiliation de plein droit depuis la loi de 1994.
Cette résiliation est prononcée par le juge commissaire ,en effet le silence de l’administrateur à la mise en demeure du bailleur valait décision implicite de résiliation du bail et ce même s’il avait manifesté son intention de le continuer en poursuivant le paiement des loyers (ca de paris 26 sept 2001 :JURISDATA N° 2001-161452).
A ce sujet la cour de cassation a précisée la portée de la résiliation de plein droit visé par les alinéas 1et 3 de l’art L621-28 « celle-ci doit s’appliquer qu’après une mise en demeure de l’administrateur par le cocontractant cass com8mars 2003 DALLOZ 2003 page 972.
Toutefois tel n’est plus le cas de la jurisprudence actuelle car désormais la mise en demeure ne joue plus aucun rôle dans la résiliation. L’administrateur a le libre choix et il décide ainsi de continuer ou non le bail sans subir aucun moyen de pression de la part du bailleur.
Cependant la résiliation peut intervenir après que le contrat de bail ait été continué soit à l’initiative de l’administrateur soit à l’initiative du bailleur.
LA RESILIATION DU CONTRAT DE BAIL CONTINUE
La loi autorise l’administrateur à résilier unilatéralement le bail dont il avait exigé la continuation s’il s’aperçoit qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour honorer ses engagements à l’échéance convenue. Les indemnités résultant de la décision de l’administrateur de mettre fin au contrat de bail auquel il avait dans un premier temps exigé la continuation sont assimilés à des créances antérieures soumises à la déclaration au passif. CASS COM 15 OCT 2002 BULL CIV 2002 ils sont donc exclus du régime des créances postérieures (L622-17).
De son coté le bailleur peut également demander la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges postérieures mais il ne peut agir que trois mois après le jugement d’ouverture.
IV/L’EXERCICE DU DROIT D’OPTION DANS LA LIQUIDATION JUDICIAIRE
Le liquidateur dispose des mêmes prérogatives que l’administrateur quant à l’option de la continuation du bail .En effet il appartient au liquidateur de décider de continuer le contrat ou de le résilier article L 641-12.La continuation du bail doit être nécessaire à la poursuite temporaire de l’activité. Avant d’opter il appartient au liquidateur de bien s’assurer qu’il sera en mesure de payer les loyers et charges postérieures. D’ailleurs après l’option s’il lui apparait qu’il n’est pas en mesure d’honorer ses engagements il peut y mettre fin.une fois le contrat poursuivi le liquidateur doit payer le bailleur aux échéances convenues et le contrat se poursuit aux conditions en vigueur au moment de la conclusion du contrat et avec toutes les obligations qui s’y attachent.
-LA CESSION DE BAIL
En cas de cession du droit au bail d’un immeuble affecté à l’activité de l’entreprise dont un débiteur en liquidation judiciaire est titulaire, dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur, le liquidateur doit obtenir l’autorisation du juge-commissaire suivant les modalités prévues à l’article L 622-18 précité.
Le liquidateur doit outre obtenir l'autorisation du juge-commisaire mais ceder le droit au bal dans les conditions prévuées avec le bailleur.
-LA RESILIATION DU BAIL
D’après l’article L622-12 alinéa 4 « le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement d’ouverture de liquidation judiciaire » « à ce sujet les causes antérieures ne peuvent concerner que les obligation autres que le paiement d’une somme d’argent » .Ne sont permises alors que les actions fondées sur l’inexécution des obligations de faire ou de ne pas faire.
Le bailleur peut intenter une action en résiliation pour le défaut de paiement des loyers et charges postérieures au jugement d’ouverture .En effet les loyers et charges doivent être payées à l’échéance pendant la période ou le bail est continué, ainsi s’il ya défaut de paiement le bailleur peut demander au juge commissaire de prononcer la résiliation du contrat de bail et il doit agir dans un délai de trois mois après l’ouverture du jugement de liquidation.
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements complémentaires.
Maître Joan DRAY
joanadray@gmail.com