LE BAIL DANS LE CADRE DE L’USUFRUIT

Publié le 15/01/2015 Vu 76 747 fois 0
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Le bail constitue l’exemple classique de l’acte d’administration que l’usufruitier peut passer seul. Toutefois, les baux indéfiniment renouvelables tels que le bail commercial ou rural nécessite l’accord du nu-propriétaire afin que la location n’empiète pas excessivement sur les droits de ce dernier.

Le bail constitue l’exemple classique de l’acte d’administration que l’usufruitier peut passer seul.

LE BAIL DANS LE CADRE DE L’USUFRUIT

Le bail constitue l’exemple classique de l’acte d’administration que l’usufruitier peut passer seul.

Toutefois, les baux indéfiniment renouvelables tels que le bail commercial ou rural nécessite l’accord du nu-propriétaire afin que la location n’empiète pas excessivement sur les droits de ce dernier.

Qu’il soit d’origine légale ou conventionnelle, l’usufruit opère en démembrement de la chose entre nu-propriétaire et usufruitier.

Le premier conserve la nue-propriété du bien ce qui lui confère les pouvoirs de disposition. Le second bénéficie de l’usufruit, il peut effectuer des actes d’administration et de jouissance sur le bien.

Dès lors, l'usufruitier, investi d'un droit d'usage et de jouissance d’un bien peut concéder l'usage de ce bien à un tiers. Ce droit fait donc exception à l’identité classique entre propriétaire et bailleur.

Si l’usufruitier peut, en principe, conclure seul les baux (I), il doit obtenir l’accord du nu-propriétaire dans le cas des baux spéciaux (II).

Il peut cependant passer outre un refus du nu-propriétaire en sollicitant une autorisation judiciaire (III)

I – Les baux pouvant être conclus par l’usufruitier seul 

L’article 595 du code civil dispose que : « L'usufruitier peut jouir par lui-même, ou donner à bail […] son droit ».

Ainsi l’usufruitier peut consentir un bail d'habitation ou un bail professionnel non commercial (CA Nîmes, 2e ch. civ., 13 déc. 2007).

En principe, pendant la durée de l'usufruit, l'usufruitier peut consentir seul des baux sans limitation de durée, car cela que sa propre jouissance du bien.

Néanmoins, les baux de longue durée peuvent poser problème, notamment quand ils ont été consentis en fin de vie de l’usufruitier, car ils peuvent gêner les droits du nu-propriétaire.

Dès lors, à l’extinction de l’usufruit l’opposabilité des baux passés par l’usufruitier est limitée, afin de ménager à la fois les intérêts du nu-propriétaire et ceux du locataire.

Les baux de neuf ans ou de moins de neuf ans en cours au moment de la cessation de l'usufruit sont opposables. Le nu-propriétaire doit les respecter pour le temps qui reste à courir (Cass. soc., 16 janv. 1958 : Bull. civ. 1958, IV, n° 98).

Afin de protéger le nu-propriétaire, l’article 595 alinéa 3 interdit à l'usufruitier de renouveler ou de passer un nouveau bail portant sur une maison plus de deux années avant la fin de l'usufruit.

Les baux supérieurs à neuf ans ne sont opposables que de façon limitée au nu-propriétaire. Leur durée doit être fractionnée par tranches de neuf ans à compter de leur conclusion. Le preneur ne pourra achever que la période de neuf ans dans laquelle il se trouve lors de la cessation de l’usufruit.

Le locataire aura seulement le droit de terminer la jouissance de la période de neuf ans en cours (CA Versailles, 16 oct. 1998 : D. 1999, somm. p. 136).

Toutefois, le bail, même s’il est conforme à l’article 595, pourra être annulé s’il a été passé en fraude des droits du nu-propriétaire (Cass. soc., 24 janv. 1963 : Bull. civ. 1963, IV, n° 100).

Il en va ainsi lorsqu'un usufruitier, âgé de quatre-vingt-neuf ans, conclut un bail devant prendre effet au moment de son décès (Cass. 3e civ., 4 oct. 1972).

II - Les baux devant être conclus avec le concours du nu-propriétaire

Certains baux infiniment renouvelables s’accordent mal avec le caractère temporaire de l’usufruit.

Ainsi, les baux commerciaux et les baux ruraux sont-ils considérés par l’article 595 alinéa 4 comme des actes de disposition. Ils ne peuvent pas être passés par l’usufruitier seul.

L’usufruitier devra donc obtenir l’accord du nu-propriétaire pour conclure ce type de baux, cet accord pouvant être exprès mais également tacite (CA Nîmes, 1er févr. 1990).

Le bail commercial conclu par l’usufruitier sera frappé, non d’inopposabilité, mais de nullité, l’action étant réservée au seul nu-propriétaire (Cass. civ. 3e, 14 novembre 2007, n° 06-17412).

Par ailleurs, le renouvellement est assimilé par la jurisprudence à la conclusion du bail, ainsi l'offre de renouvellement délivrée au nom de l'usufruitier en l'absence d'accord des nus-propriétaires est nulle (Cass. 3e civ., 25 avr. 1990).

En revanche, sont exclus du domaine d'application de l’article 595 alinéa 4. Il s’agit notamment du congé délivrer par le bailleur qui relève de la seule faculté de l’usufruitier (Cass. 3e civ., 29 janv. 1974 : Bull. civ. 1974, III, n° 48), ou encore de l’action en résiliation du bail (Cass. 3e civ., 4 mai 1976).

III – L’autorisation judiciaire de conclure le bail

L’article 595 du code civil prévoit que « l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul » un acte nécessitant, en principe, le concours du nu-propriétaire.

Pour accorder l’autorisation le juge est tenu d’apprécier les intérêts respectifs de l'usufruitier et du nu-propriétaire. Ce dernier ne peut se contenter de soutenir que la conclusion d'un bail rural est en soi préjudiciable (CA Rouen, 1re ch., 27 mai 1998).

Ainsi, l’autorisation sera accordée malgré le désaccord du nu-propriétaire, dans la mesure où l'usufruitier trop âgé ne peut exploiter personnellement les parcelles litigieuses et qu'il est de l'intérêt pour tous que ces parcelles soient exploitées (CA Bordeaux, 1re ch., sect. A, 2 juin 1998).

Par ailleurs, la Cour de cassation a adopté le critère de bonne gestion du bien (Cass. 3e civ. 2 fevr. 2005). L’autorisation a été accordée, en dépit du refus a priori légitime du nu-propriétaire, en raison de la nécessité du bail pour l’adaptation de l’activité économique et de l’engagement du preneur en fin de bail à remettre les lieux dans leur état d'origine.

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Joan DRAY
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