Caducité d’une vente par le décès de l'offrant : la distinction entre offre avec ou sans délai.
La question est de savoir si une offre de vente reste valide si le vendeur décède avant sa conclusion. L’acheteur peut-il valablement soutenir que cet événement n’emporte par la caducité de cette promesse ?
L’offre de vente, ou pollicitation, est la proposition de contracter. Elle peut d’une part, être adressée à une personne déterminée ou à tout intéressé et d’autre part, être à durée déterminée ou à durée indéterminée.
Dans notre cas de figure, c’est en se fondant sur la question des délais que la Cour de cassation va motiver sa décision.
Brièvement rappelons qu’une offre de vente, pour être constituée, doit être précise, c'est-à-dire contenir les éléments essentiels du contrat projeté ; ferme, autrement dit, que le pollicitant n’a pas l’intention de revenir dessus et enfin qu’elle soit portée à la connaissance d’autrui.
Celle-ci peut être assortie de délais ou non par le pollicitant. Dans les rapports de professionnel à consommateur, la loi prévoit dans certains cas un délai légal, qui peut être prorogé si les parties sont d’accord.
Mais en dehors de toute obligation légale, l’offrant peut lui-même fixer un délai, qui une fois écoulé, rend l’offre caduque, c'est-à-dire que l'offre disparaît, comme si elle n'avait jamais existé, et une acceptation après la fin du délai ne pourra pas former le contrat. En cas de décès du pollicitant, l’offre est transmise dans sa succession à ses héritiers, qui doivent respecter le délai dont elle est assortie.
Dans le cas ou aucun délai n’a été fixé, la Cour de cassation décide que l’offre devient caduque au-delà d’un « délai raisonnable » (voir, à cet effet, l’arrêt Cass. 3e civ, 25 mai 2005)
L’offre de contracter en vue de la vente, est constituée dès la rencontre des consentements entre le pollicitant et de son destinataire.
Après ce rappel succinct, revenons à la question qui anime notre article d’aujourd’hui, à savoir si le destinataire de l’offre peut s’en prévaloir, en cas de décès du pollicitant.
Même si cette situation n’est pas fréquente, elle est d’une grande portée pratique.
La 1ère chambre de la Cour de cassation y répond d’une manière qui ne peut souffrir d’aucune interprétation, en se fondant sur les critères du délai, dans son arrêt du 25 juin 2014 (n°13-16.259)
En l’espèce, deux frères sont propriétaires par indivis d'immeubles dont ils ont hérité de leur père. En juillet 2005, l'un des deux, offre de vendre à l'autre sa moitié indivise.
Cinq mois après cette offre, le pollicitant décède.
Le destinataire de l'offre entend bien s'en prévaloir, et l'accepter après ce décès : il prétend ainsi être devenu seul propriétaire des immeubles en question. Au contraire, les enfants de l'offrant soutiennent que l'offre de vente est devenue caduque au décès de leur père, de telle sorte que les biens qui en étaient l'objet sont restés dans sa succession.
Le destinataire de l'offre tente d'éviter cette caducité, en avançant qu'une offre ne peut être considérée comme caduque du seul fait du décès de l'offrant, et qu'en tout cas, elle ne l'est pas lorsque l'offrant était engagé dans des pourparlers avec le bénéficiaire, après l'émission de l'offre, comme c'était le cas ici, alors que le bénéficiaire avait cherché le financement de l'acquisition et que des pièces nécessaires à l'établissement de l'acte notarié de vente lui avaient déjà été demandées.
Mais la Cour de cassation énonce dans une formule très claire que « l'offre qui n'est pas assortie d'un délai est caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu'elle ait été acceptée ».
A contrario, lorsque l'offre est assortie d'un délai, elle doit être maintenue pendant au moins tout ce délai, si bien que le décès de l'offrant avant la fin du délai n'y change rien : les héritiers, continuateurs de la personne du défunt, doivent à leur tour maintenir l'offre jusqu'à la fin du délai.
En revanche lorsque l'offre n'est pas assortie d'un délai, elle peut être rétractée à tout moment par son auteur si bien qu'elle ne peut avoir d'efficacité que si elle reflète encore une volonté actuelle de son auteur au moment de l'acceptation, volonté qui disparaît avec son décès.
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Joan DRAY
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