Clause de réserve de propriété et déclaration de créance à la procédure collective

Publié le Modifié le 23/06/2014 Vu 36 769 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Par deux arrêts en date du 15 octobre 2013, la Chambre commerciale a eu à statuer sur le sort de la créance assortie d'une telle clause de réserve de propriété en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du débiteur. Elle a très clairement affirmé le principe suivant: "Elle affirme en effet que "Si la clause de réserve de propriété constitue une sûreté réelle, elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions", de sorte que la créance résultant d'un contrat incluant une réserve de propriété ne peut être déclarée à titre privilégié (Chambre commerciale, 15 octobre 2013, n°13-10.463).

Par deux arrêts en date du 15 octobre 2013, la Chambre commerciale a eu à statuer sur le sort de la créance

Clause de réserve de propriété et déclaration de créance à la procédure collective

La clause de réserve de propriété est définie par l'article 2367 du Code civil comme la clause "permettant de suspendre l'effet translatif d'un contrat jusqu'à complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement".

Ainsi, la clause de réserve de propriété est souvent l'accessoire d'un contrat de vente d'un bien mobilier. Elle a pour effet de différer le transfert de la propriété au jour du paiement complet du bien par l'acheteur. 

Cette clause de réserve de propriété a été classée comme sûreté réelle mobilière depuis l'ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme des sûretés. 

En effet, l'article 2329, 4° dispose que : 

"Les sûretés sur les meubles sont (...) 4° La propriété retenue ou cédée à titre de garantie".

Qu'advient-il de cette sûreté en cas de procédure collective ouverte à l'encontre du débiteur n'ayant pas satisfait à son obligation de payer le prix au vendeur ? 

Par deux arrêts en date du 15 octobre 2013, la Chambre commerciale a eu à statuer sur le sort de la créance assortie d'une telle clause de réserve de propriété en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du débiteur. 

Elle a très clairement affirmé le principe suivant: "Elle affirme en effet que "Si la clause de réserve de propriété constitue une sûreté réelle, elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions", de sorte que la créance résultant d'un contrat incluant une réserve de propriété ne peut être déclarée à titre privilégié (Chambre commerciale, 15 octobre 2013, n°13-10.463). 

Par ailleurs, elle rappelle qu'à "défaut de reconnaissance dans les conditions prévues par les articles L. 624-9 à L. 624-18 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008, le droit de propriété invoqué par le vendeur de meubles est inopposable à la procédure collective, peu important que l'existence d'une réserve de propriété ait été mentionnée dans sa déclaration de créance ; qu'après avoir constaté que le créancier n'avait pas exercé l'action en revendication dans le délai légal, la cour d'appel en a exactement déduit que sa créance ne pouvait être admise à titre privilégié ; que le moyen n'est pas fondé" (Chambre commerciale, 15 octobre 2013, N°12-25.993).

La Cour rappelle donc la distinction entre sûreté et droit de préférence à la procédure collective, qui ne se confondent pas (I). La conséquence est la suivante : la nature de sûreté réelle conférée à la clause de réserve de propriété ne dispense pas le créancier d'exercer l'action en revendication (II).

I/ La distinction entre sûreté et droit de préférence 

La chambre commerciale affirme qu'en "application des dispositions combinées des articles 2329 du code civil et L. 624-9 du code de commerce, si la clause de réserve de propriété constitue une sûreté réelle, elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions".

Ces deux arrêts rappellent la différence, parfois ténue, entre le droit de préférence existant dans les procédures collectives et le "privilège" au sens du droit commun. Si le premier confère un droit prioritaire au paiement dans la procédure collective, le second doit être entendu de façon plus générale, comme l'assurance conférée au créancier de se voir payer la dette (sûretés). 
Or, toutes les sûretés, réelles ou personnelles, ne confèrent pas au créancier un droit prioritaire au paiement dans les répartitions résultant des procédures collectives. 

En effet, les sûretés résultant de la propriété réservée ou cédée à titre de garantie n'ont pas pour effet de conférer au créancier un privilège au sens des procédures collectives, à savoir l'avantage d'être payé par priorité aux autres créanciers lors des répartitions. 

De fait, ces sûretés permettent de reconnaitre le créancier comme propriétaire de la chose objet de la clause. 
Ainsi, lorsque le créancier entend récupérer le bien en nature (bien objet de la clause), il dispose d'une position bien plus favorable que les autres créanciers en principe puisqu'il sera dans une position d'exclusivité s'il déclare sa créance et qu'il exerce l'action en revendication dans les délais. 

Le droit de préférence existant dans le cadre de la procédure collective permet aux créanciers d'être payés dans un ordre précis, et la qualité reconnue de créancier privilégié améliore les chances de paiement. En revanche, la clause de réserve de propriété exclut toute idée de concours entre créanciers car, une fois l'action en revendication exercée, le créancier peut se voir restituer le bien en pleine propriété - ce bien sortant alors du patrimoine du débiteur, et ne faisant l'objet d'aucun partage avec d'autres créanciers. 

Lorsque le créancier bénéficiaire de la clause de réserve de propriété exerce ses droits sur la créance de prix de revente du bien ou sur la créance d'indemnité subrogée au bien dont la propriété était réservée, la différence entre exclusivité et droit de préférence tend à s'atténuer cependant.

Quoi qu'il en soit, la Chambre commerciale rappelle aux créanciers bénéficiaires d'une telle clause que l'efficacité de leurs droits repose sur la double nécessité de déclarer la créance à la procédure collective et d'exercer l'action en revendication dans le délai légal.

II/ Déclaration de créance et exercice de l'action en revendication

Lorsque le débiteur de la créance assortie d'une clause de réserve de propriété fait l'objet d'une procédure collective, le créancier doit déclarer sa créance au passif de la procédure collective ouverte. 

De plus, aux termes de l'article L. 622-25 du Code de commerce, toute sûreté garantissant une créance doit être déclarée au passif de la procédure collective.

L'article L. 622-25 alinéa 1 du Code de commerce dispose en effet que :

"La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie".

Si la jurisprudence a jugé que le titulaire d'une clause de réserve de propriété n'était pas obligé de déclarer sa créance pour exercer son droit de revendication, il n'en est pas pour autant exonéré s'il souhaite obtenir la réparation de son préjudice éventuel résultant de la dépréciation de la marchandise (Cour de Cassation, Chambre commerciale, 22 juillet 1986, n° 85-15.105).

Cependant, la déclaration d'une créance à titre privilégiée n'exonère pas le bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété de l'exercice de l'action en revendication dans le délai légal de 3 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture (combinaison des articles L. 622-122 et L.621-115 du Code de commerce).

En l'espèce, à la suite de la mise en liquidation judiciaire d'une société, un de ses créanciers partie à un contrat d'approvisionnement non exclusif incluant une clause de réserve de propriété déclare sa créance à titre privilégié. En revanche, ce même créancier n'agit pas en revendication dans le délai préfix de l'article L. 621-115 du code de commerce. Il entendait arguer de sa déclaration de créancier privilégié pour bénéficier d'un droit de préférence dans les répartitions. Le liquidateur conteste le caractère privilégié de cette créance.

La Cour de cassation refuse alors l'assimilation entre créance privilégiée des procédures collectives et sûretés du Code civil. Elle affirme que le défaut d'exercice de l'action en revendication par le créancier rend sa créance inopposable à la procédure collective.

De deux choses; l'une, soit le créancier déclare sa créance et exerce l'action en revendication dans le délai imparti, soit il ne déclare pas sa créance ou n'exerce pas l'action dans le délai préfix, et sa créance devenant inopposable à la procédure collective, le bien objet de la clause sera sûrement vendu par l'administrateur ou le liquidateur et la somme ainsi collectée sera partagée entre les créanciers de la procédure en cas de liquidation. 

Rappelons que si le contrat de vente contenant la clause est publié, le créancier doit être averti d'avoir à déclarer sa créance

En cas de revente du bien objet de la clause, si le prix est supérieur à la créance, le vendeur doit restituer le surplus à la procédure collective. 

En cas de succès de l'action en revendication, le bien sort de l'actif de la procédure et le créancier se verra reconnaître son droit de propriété sur le bien, ce qui le fait échapper au concours des autres créanciers à la procédure collective.

En conclusion, l'intérêt de la clause de réserve de propriété semble bien atténué en cas d'ouverture d'une procédure collective et à défaut d'action en revendication. Il est alors conseillé au créancier d'assortir sa créance non seulement de la clause de réserve de propriété, mais également d'une autre sûreté réelle conférant au créancier un droit de préférence (qui justifiera l'admission de la créance à titre privilégiée).

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.


Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm


Joan DRAY
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
76/78 rue Saint-Lazare
75009 PARIS
TEL:09.54.92.33.53
 FAX: 01.76.50.19.67

Vous avez une question ?
Blog de Maître Joan DRAY

Joan DRAY

150 € TTC

403 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles