De longue date, il est admis que plusieurs contrats peuvent avoir un objectif commun les rendant interdépendants les uns des autres.
Cette situation est reprise depuis le 1er octobre 2016 par l'article 1186, al. 1 du Code civil : elle existe lorsque plusieurs contrats sont « nécessaires à la réalisation d'une même opération », autrement dit lorsque les contrats ont le même but.
Depuis, cette réforme, lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie et la caducité n’intervient que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement (C. civ. art. 1186, al. 2 et 3).
Il arrive souvent qu’une société de prestation de service présente un projet global qui inclut la fourniture du matériel informatique et sa maintenance.
Un financement est alors proposé par la conclusion d'un contrat de location financière portant sur le matériel.
La location financière, souvent présentée comme une variante du crédit-bail, en diffère cependant, d'abord parce qu'elle ne comprend pas d'option d'achat au bénéfice du locataire.
Il importe peu que le contrat de location ait été conclu avant ou à la même date que le contrat de prestation de services.
Que se passe -t-il si la prestation de service n’est pas exécutée, le contrat de location financière doit-il être maintenu ?
Il convient de déterminer les effets de la résiliation d’un contrat sur les autres ?
La principale conséquence engendrée par l'interdépendance des contrats est que la disparition d'un des contrats entraîne celle des autres, le sort de chacun devant être apprécié à l'aune de l'ensemble contractuel indivisible.
Mais sont obligatoirement liés en vertu d'une solution prétorienne d'ordre public, les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière car les parties ne peuvent pas écarter leur indivisibilité par une clause même expresse, celle-ci étant réputée non écrite .
Sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.
(Cass. ch. mixte 17-5-2013 n° 11-22.768, 11-22.927 : RJDA 10/13 n° 765 ; Cass. com. 9-7-2013 n° 11-14.371 : RJDA 11/13 n° 872 ; Cass. com. 12-7-2017 n° 15-27.703 : RJDA 12/17 n° 782, 1e espèce).
Dans les deux affaires, un cocontractant s'était engagé avec un prestataire de service, d'une part, et un bailleur financier, d'autre part. Lecontrat de prestation de services avait été résilié à chaque reprise car le prestataire de services n'avait pas exécuté ses obligations contractuelles. Étant précisé qu'une clause du contrat de location stipulait que celui-ci était indépendant du contrat de prestation de services.
Se posait alors la question de savoir si le contrat de location financière devait ou non être résilié
Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute. (Cass. com., 12 juill. 2017, n° 15-27.703, FP-P+B+R+I, Sté X c/ Konica Minolta Business solutions France : JurisData n° 2017-013975)
Il convient de préciser que cette caducité n'est pas une résiliation : elle exclut ainsi « l'application de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation »
Les conditions de la caducité sont réunies dès lors que la disparition d'un contrat, quelle qu'en soit la raison, rend impossible l'exécution du contrat qui lui est interdépendant ; ce contrat prend alors fin pour l'avenir
Dans le cadre d’une affaire où le vendeur avait été mis en en liquidation judiciaire, la société financière informe l’entreprise que le contrat de location financière l’autorise à conclure un nouveau contrat de maintenance avec un tiers et elle lui propose un autre prestataire.
Sur mise en demeure de l’entreprise, le liquidateur judiciaire du vendeur décide, de ne pas poursuivre le contrat de prestation de services.
L’entreprise invoque alors auprès de la société financière de cette résiliation pour soutenir que, en raison de l’interdépendance du contrat de prestation avec le contrat de location financière, ce dernier est devenu caduc et elle cesse de payer les loyers du matériel.
LA Cour de Cassation a jugé que "Le refus du liquidateur judiciaire, après mise en demeure, de poursuivre un contrat en cours en entraîne la résiliation de plein droit et la caducité du contrat interdépendant de celui résilié, même si ce refus n’a pas été notifié au cocontractant concerné." Cass. com., 12 juill. 2017, n° 15-23.552, FP-P+B+R+I, Sté Baur c/ Sté Diffus'Est : JurisData n° 2017-013963
La caducité joue ici dans l’hypothèse distincte où l’anéantissement de l’un des contrats interdépendants résulte, non de la décision du juge-commissaire, mais de celle du liquidateur judiciaire qui opte expressément pour la non-poursuite du contrat, après avoir été mis en demeure de se prononcer sur le sort de celui-ci (C. com. art. L 641-11-1, III-1o).
Le seul constat de l’inexécution d’un contrat, notamment en cas de liquidation judiciaire de l’un des cocontractants, ne suffit pas à entraîner la caducité d’un autre contrat interdépendant.
Il existe également un autre cas où la caducité a été admise.
Dans le cadre de la procédure collective d’un des cocontractants, le juge-commissaire prononce ou constate la résiliation d’un des contrats interdépendants en cours, l’ordonnance rendue par ce juge étant opposable aux tiers en ce qu’elle prononce ou constate cette résiliation (Cass. com. 11-9-2019 no 18-11.401 FS-PB : BRDA 20/19 inf. 8 ; Cass. com. 20-1-2021 no 18-11.402 F-D).
Dans une autre affaire, il a été jugé que les contrats en cause étaient interdépendants ; le contrat de prestation avait été résilié par une décision du liquidateur prise le 25 novembre 2016, après délivrance d’une mise en demeure d’opter, ce dont il résultait que la résiliation, qui avait pris effet à la date de réception de la décision du liquidateur, avait entraîné, à la même date, la caducité du contrat de location financière.
Cass. com. 20-10-2021 no 19-24.796 F-B, Sté Hybyrd c/ Sté Nbb Lease France 1
Quelle est date de la résiliation à prendre en considération ?
Il convient de préciser la date à laquelle le contrat inexécuté est résilié.
Il est de jurisprudence constante que « la résiliation judiciaire des contrats à exécution successive ne prend pas nécessairement effet à la date de la décision qui la prononce » (Cass. 3e civ. 1-10-2008 n° 07-15.338 : RJDA 1/09 n° 6). Cette règle a été posée par un arrêt de la troisième chambre civile, en date du 30 avril 2003 (Cass. 3e civ. 30-4-2003 n° 01-14.890 ).
Les juges prononcent souvent la résiliation du contrat de service à la date à laquelle les obligations du prestataire de service n'ont plus été respectées.
En définitive , ces décisions visent à améliorer la protection des clients recourant aux services de prestataires qui n'exécuteraient pas leurs obligations.
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JOAN DRAY
Avocat
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