Dirigeant caution et délais du plan de redressement judiciaire

Publié le Modifié le 11/09/2014 Vu 33 890 fois 0
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En cas d'adoption d'un plan de redressement par le tribunal, il convient d'articuler les règles du cautionnement, relevant du droit civil commun, et des règles propres à la procédure collective pour se prononcer sur la situation du dirigeant caution.

En cas d'adoption d'un plan de redressement par le tribunal, il convient d'articuler les règles du cautionnem

Dirigeant caution et délais du plan de redressement judiciaire

En cas d'adoption d'un plan de redressement par le tribunal, il convient d'articuler les règles du cautionnement, relevant du droit civil commun, et des règles propres à la procédure collective pour se prononcer sur la situation du dirigeant caution. 

Aux termes de l'article L 622-28 alinéa 2 du Code de commerce, "le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans".

Ainsi, cet article permet aux cautions, personnes physiques, de bénéficier d'un "répit" jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement. C'est bien à cette date que les poursuites des créanciers contre la caution peuvent reprendre (I). En revanche, la caution reste tenue dans les termes de son engagement initial, stipulés dans le contrat de cautionnement (II). 

I/ La suspension provisoire des poursuites bénéficie à la caution solidaire jusqu'au jugement arrêtant le plan

La chambre économique de la Cour d'Appel d'Amiens a jugé dans un arrêt du 21 novembre 2013 qu'aux "termes de l'article L. 622-28 du Code de commerce, le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. C'est donc en contradiction avec ces dispositions que le tribunal a débouté la banque de sa demande dirigée contre la caution solidaire de la société débitrice, dont le plan de continuation a été adopté. La caution est donc condamnée à payer à la banque la somme de 42 240 euros, montant total de sa créance déclarée au passif de la société".

Ainsi, la Cour rappelle que le bénéfice de la suspension des poursuites ne profite aux cautions et garants personnes physiques que jusqu'au jugement arrêtant le plan (Cour d'Appel d'Amiens, chambre économique, 21 novembre 2013, n° 11/01090 : JurisData n° 2013-027108). 
Une fois le plan de redressement adopté, les cautions et garants peuvent être de nouveau poursuivis par les créanciers, sans pouvoir objecter le principe de suspension des poursuites. 

De plus, "il résulte des dispositions combinées de l'article L. 622-28 du code de commerce et de l'article L. 631-20 du code du commerce que la suspension des poursuites dont peut se prévaloir la caution cesse du jour où un plan de redressement a été adopté, celle-ci ne pouvant alors se prévaloir des dispositions de ce plan qui ne bénéficient qu'au seul débiteur" (Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, 8ème chambre C, 20 juin 2013, n° 12/01575 : JurisData n° 2013-018877).

En l'espèce, un tribunal de commerce a été saisi d'une demande de paiement d'une banque dirigée contre le gérant d'une SARL placée en redressement judiciaire. Ce gérant s'était porté caution solidaire pour un montant qui couvrait bien plus que le montant de la dette cautionnée. Le tribunal débouta la banque demanderesse au motif que la caution ne pouvait être actionnée avant les échéances du plan. Or, les dispositions du plan ne bénéficient pas à la caution, comme le rappelle l'article L.631-20 du Code de commerce relatif au déroulement du redressement judiciaire".

Il dispose en effet que : 

"Par dérogation aux dispositions de l'article L. 626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan".

Si dans le cadre d'un plan de sauvegarde, les cautions et garants personnes physiques bénéficient de plein droit des dispositions du plan, il n'en est pas ainsi dans le cadre d'un plan de redressement. 

Ainsi, selon qu'il s'agit d'un plan de sauvegarde ou de redressement, la situation des cautions et garants personnes physiques diffèrera - et sera plus ou moins favorable.
Dans le cadre d'un plan de sauvegarde, les créanciers devront attendre les échéances du plan pour poursuivre la caution. En revanche, dans le cadre d'un plan de redressement, les créanciers peuvent poursuivre la caution personne physique au lendemain du jugement arrêtant le plan. 

Par ailleurs, les créanciers non déclarants, qui sont hors procédure, peuvent également poursuivre les cautions et garants après l'adoption du plan de redressement.

En effet, aux termes de l'article L. 631-14, dernier alinéa, du Code de commerce 

"Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne bénéficient pas de l'inopposabilité prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-26 et ne peuvent se prévaloir des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 622-28".

Ainsi, les personnes coobligées ne peuvent se prévaloir :

du caractère inopposable de la créance non déclarée (article L. 622-26)
de l'arrêt du cours des intérêts à compter du jugement d'ouverture (article L. 622-28)

Il s'ensuit que la caution ne peut jamais arguer du défaut de déclaration de la créance à la procédure collective pour échapper à son obligation au paiement. Ce principe a été rappelé par plusieurs arrêts, notamment celui rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 12 juillet 2011, au terme duquel elle affirme que le défaut de déclaration de créance ne constitue pas une exception inhérente à la dette dont la caution pourrait se prévaloir (Cour de cassation, chambre commerciale, 12 juillet 2011, N°09-71.113).

II/ Les limites à l'action engagée à l'encontre de la caution 

"La demande de la banque sera, dans ces conditions, accueillie à hauteur des sommes qu'elle revendique qui correspondent à la limite des engagements de caution souscrits sous déduction cependant des échéances versées dans le cadre du plan, ce dont il sera justifié par la production d'un décompte actualisé" (CA Aix-en-Provence, 8e ch. C, 20 juin 2013, n° 12/01575 : JurisData n° 2013-018877).

Ainsi, la caution actionnée ne sera tenue que dans la double limite du montant et de la durée de son engagement. Par ailleurs, il sera fait déduction des échéances du plan dont il est dûment qu'elles ont été déjà acquittées au moment des poursuites.

Rappelons qu'aux termes de l'article 2290 du Code civil, "Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses".

De même, l'article 2292 du Code civil dispose que "Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté". 

Par conséquent, le principe selon lequel la caution n'est tenue quand dans les termes stricts de sont engagement est maintenu, tout comme le caractère subsidiaire du cautionnement impliquant une défaillance du débiteur principal. 

La caution ne peut se voir condamnée à payer plus que le montant limité de son engagement et ne peut garantir les dettes nées après la fin de cette garantie stipulée (après le fin de l'obligation de couverture). 

Dans l'affaire jugée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le dirigeant d'une société placée en redressement judiciaire s'étant porté caution solidaire de deux prêts, avait limité le montant de son engagement et en avait fixé la durée à 84 mois. Cette obligation de couverture a expiré deux mois après la date du jugement ayant arrêté le plan.

Le tribunal de commerce estima que la caution devait être libérée des sommes acquittées par la société cautionnée aux vues du décompte de la créance de la banque. En outre, il affirma que les poursuites contre la caution étaient subordonnées à la constatation du non-paiement des échéances du plan, position qui a conduit la cour d'appel à infirmer le jugement sur ce point.

En conclusion, il faut retenir que les délais accordés au débiteur dans le plan de redressement ne profitent pas à la caution personne physique en raison de leur caractère strictement personnel. En outre, il convient de rappeler que le caractère solidaire du cautionnement exclut tout bénéfice de discussion, ce qui implique que la caution peut être poursuivi par le créancier quand bien même il resterait au débiteur des liquidités et des biens pour acquitter sa dette.


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Joan DRAY
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