L’erreur en droit des contrats :
L’erreur est une représentation inexacte de la réalité ou plus exactement une représentation inexacte de l’objet de l’obligation (art 1109, 1110 et 1117 C civ) à défaut de laquelle la personne dont le consentement est vicié n’aurait pas contracté.
Cependant, toutes les erreurs ne sont pas des causes de nullité à défaut l’erreur serait une source d’insécurité juridique.
Ainsi, le Code civil n’envisage que l’erreur sur la substance ou l’erreur sur la personne (art 1110 C civ). La jurisprudence a élargi le domaine de l’erreur tout en subordonnant le prononcé de la nullité pour erreur à des conditions strictes.
Cet article a pour objet de rappeler les conditions d’annulation d’un contrat pour erreur (I) avant d’étudier les sanctions possibles (II).
I- Les conditions d’admission d’une erreur, cause de nullité :
Le code civil limite l’admission de l’erreur à l’erreur sur la substance et à l’erreur sur la personne pour circonscrire le domaine de l’erreur et éviter une annulation trop fréquente des contrats pour erreur.
- La notion d’erreur :
La notion d’erreur sur la substance n’est pas précisée par le code civil de sorte que c’est à la jurisprudence qu’il est revenu le soin de la définir et d’en déterminer les conditions d’admission.
Dans un souci de protection de l’errans, la jurisprudence a très vite admis que le fait que la réalité soit entachée d’une incertitude n’empêchait pas d’admettre l’existence d’une erreur (C cass Civ 1ère 22 février 1978 Affaire Poussin – C cass Civ 1ère 28 mars 2008 JCP 2008 II 10101)
Ainsi, ce qui détermine l’erreur est la certitude de la croyance de l’errans au jour de la conclusion du contrat et non la comparaison entre la croyance et la réalité (C cass Civ 1ère 22 février 1978 Affaire Poussin).
Toutefois, cette situation doit être distinguée de celle où le doute est entré dans le champ contractuel, comme permet de l’envisager la mention « attribuée à …. » (Cass civ 1ère 24 mars 1987 affaire dite du « Fragonard »). Dans ce cas l’aléa entré dans le champ contractuel chasse l’erreur. La nullité ne peut pas être prononcée.
- La notion de « substance » :
La substance s’entend des qualités attribuées à l’objet du contrat.
Ainsi sera considérée comme substantielle, toute qualité ayant déterminé le consentement de l’errans, toute qualité en l’absence de laquelle, il n’aurait pas contracté.
A cet égard, il convient de préciser que cette qualité substantielle ou essentielle sera appréciée in concreto c'est-à-dire essentielle pour l’errans même si il est vrais que lorsque la qualité envisagée est considérée comme substantielle dans l’opinion commune, son caractère substantiel dans l’espèce considérée sera admis plus facilement par les juges.
L’erreur sur les qualités substantielle correspond donc à l’erreur sur les qualités attendues de la chose, qu’il s’agisse de son origine, de son authenticité, de son utilisation possible, de ses capacités (Cass Com 19 novembre 2003 Bull n° 172).
- Le régime de l’erreur sur la substance :
Certaines conditions doivent être remplies pour que l’erreur puisse entrainer la nullité du contrat.
En premier lieu, l’erreur doit être déterminante du consentement : sans cette erreur, l’errans n’aurait jamais contracté (Cass Civ 1ère 13 novembre 2003 Bull III n°201).
En deuxième lieu, pour qu’une erreur sur la substance puisse entrainer la nullité, il faut qu’elle soit entrée dans le champ contractuel.
L’errans doit prouver que son cocontractant était informé qu’il contractait en considération de telle qualité substantielle du bien.
Enfin, cette erreur doit, en toute hypothèse, ne pas être inexcusable.
L’erreur n’est une cause de nullité que si elle est excusable (Cass soc 3 juillet 1990 D1991, 507). Cela suppose que l’errans n’est pas manqué à son devoir de se renseigner.
Le caractère inexcusable de l’erreur s’apprécie in concreto.
En général, la Jurisprudence admet plus facilement le caractère inexcusable de l’erreur lorsqu’elle porte sur sa propre prestation ou en cas d’erreur commise par un professionnel.
Pour autant, la seule qualité de professionnel ne saurait suffire à établir l’existence d’une erreur inexcusable. Le caractère inexcusable de l’erreur doit être apprécié in concreto en prenant en compte l’attitude et les faits de l’espèce (Cass civ 1ère 9 décembre 2009).
- Les erreurs indifférentes :
Si la notion d’erreur sur la substance semble particulièrement large, certaines erreurs ne peuvent être assimilées à une telle erreur. Il s’agit de l’erreur sur la valeur et de l’erreur sur les motifs.
L’erreur sur la valeur s’entend d’une appréciation économique erronée à partir de données exactes.
Tel est le cas, par exemple, si le vendeur sait qu’il vend une œuvre originale de Poussin mais fixe le prix à 5 000 euros, il a apprécié de manière erronée la valeur économique du bien à partir de données exactes.
L’erreur sur les motifs extérieurs au contrat est également écartée par la jurisprudence. C’est une erreur qui n’est pas commune et qui porte sur un élément extérieur à l’objet du contrat.
A ce titre, elle n’est pas une erreur sur les qualités substantielles. Trop subjective, elle porte sur les motifs personnels d’un cocontractant.
Toutefois, le motif stipulé expressément dans l’acte peut donner lieu à l’annulation du contrat pour erreur. Il ne s’agit pas simplement de prouver que le motif est entré dans le champ contractuel, il faut une clause expresse (Cass civ 3ème 24 avril 2003 Bull civ III n°245).
Cette solution a été rappelée par la chambre commerciale dans un arrêt du 11 avril 2012, jugeant que le professionnel qui a acquis du matériel dont il ne peut se servir a commis une erreur sur le motif du contrat qui ne lui permet pas d’obtenir l’annulation de son achat.
En l’espèce, elle rappelle que l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci n'est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu'une stipulation expresse ne l'ait fait entrer dans le champ contractuel en l'érigeant en condition du contrat.
Dès lors l'intéressée qui se bornait à invoquer l'inadéquation du matériel à son activité de sorte que l'erreur invoquée ne portait pas sur les qualités substantielles du matériel mais sur le motif de leur acquisition ne pouvait obtenir l’annulation du contrat (Cass Com 11 avril 2012 n° 11-15.429 Untereiner c/ Sté Lixxbail).
II- La sanction de l’erreur :
L’erreur est sanctionnée par la nullité relative.
Dès lors, elle ne peut donc être invoquée que par l’errans ou ses ayants droits. La prescription est de 5 ans à compter de la découverte du vice (article 1304 C civ).
En outre, il pourra parfois être alloué des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle à condition de prouver l’existence d’une faute commise par le cocontractant avant la conclusion du contrat (art 1382 C civ) : un manquement à une obligation d’information par exemple. La simple preuve de l’erreur ne peut donc suffire contrairement au dol et à la violence.
Cette action en responsabilité peut être engagée aussi bien par l’erreur que par le cocontractant qui doit subir l’annulation du contrat obtenue par l’errans.
Mon cabinet est à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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