Le régime des contrats continués :
Pendant la période d’observation, l’activité de l'entreprise est poursuivie, tandis que les droits des créanciers sont paralysés.
Cette situation permet de soulager l’entreprise afin de l’aider à surmonter ces difficultés. Â
Afin de sauvegarder l’entreprise, il importe que les dirigeants d’entreprise
conservent les relations contractuelles antérieures.
Toutefois, une continuation automatique de tous les contrats en cours pourrait alourdir le passif d’autant plus que les prestations fournies après le jugement d’ouverture bénéficient d’un traitement privilégié.
Les contrats en cours ne sont, donc, pas continués de plein droit. La loi ouvre à l’administrateur une option qui permet éventuellement la continuation des contrats en cours (art L622-13 I al 2 C com).
L’administrateur, quelque soit sa mission est le seul à disposer de l'exercice de l’option.
En l’absence d’administrateur, la loi confie ce pouvoir, depuis l’ordonnance de 2008, au débiteur qui doit agir après avis conforme du mandataire judicaire.
En cas de désaccord, le juge commissaire peut être saisi par tout intéressé (art L622-2 C com).
L'option est d'ordre public. Ainsi, l’article L622-13 I al 1 du Code de commerce dispose que « Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.»
Le contrat continué par l’administrateur doit se poursuivre selon le droit commun et la convention des parties (1). Toutefois, la décision de continuation est précaire et peut être remise en cause par la résiliation de plein du contrat (2).
1/ La poursuite de l’exécution normale du contrat continué :
- L’exécution du contrat continué :
Après l’option de continuation exercée par l’administrateur, il convient de revenir au droit commun des contrats.
Ainsi, toutes les clauses contractuelles doivent recevoir application notamment les clauses résolutoires en cas d’inexécution du contrat postérieur à la continuation.
En conséquence, chaque partie est tenue d’exécuter les obligations mises à sa charge par le contrat.
D’une part, le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieures au jugement d’ouverture (art L622-13 I C com).
Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.
Cette règle, qui vient paralysée notamment le jeu de l’exception d’inexécution en cas de non paiement de créances antérieures au jugement d’ouverture nées d’un contrat en cours, a récemment été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 juin 2011 (Com 28 juin 2011 BRADA n°14/11 inf 10).
D’autre part, l’administrateur est tenu d’exécuter le contrat en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. A cet égard, il existe une exception à l’exécution pure et simple du contrat lorsque la prestation de l’entreprise consiste dans le paiement d’une somme d’argent.
En effet, l’article L622-13 II du Code de commerce prévoit ainsi que lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d’une somme d’argent celui-ci doit se faire au comptant sauf pour l’administrateur à obtenir du cocontractant des délais de paiement.
A cet égard, il convient de préciser que le paiement au comptant s’impose quelque soit les délais prévus au contrat ou encore quelque soit la pratique antérieure des parties.
- Le sort des créances du cocontractant :
La continuation du contrat en cour a pour conséquence de placer le cocontractant dans une situation double au regard de ses créances lorsque le contrat en cours est un contrat à exécution successive.
En effet, l’exécution doit être divisée en deux périodes :
-     La période antérieure au jugement d’ouverture pour laquelle les créances nées et impayées doivent déclarées au passif
-     La période postérieure au jugement d’ouverture pour laquelle les créances utiles et nées pour les besoins du déroulement de la période d’observation ou de la procédure qui bénéficie du privilège de l’article L622-17 du code de commerce et donc qui ont droit au paiement à échéance.
Ainsi, la Cour de cassation a eu l’occasion, dans un arrêt du 12 janvier 2010, de réaffirmer que la qualification des redevances dues en vertu d’un contrat de crédit bail dépend de la période de jouissance au cours de laquelle elles sont nées (Cass. com., 12 janv. 2010, n° 08-21.456, FS-P+B : JurisData n°2010-051067).
Aussi, la créance relative aux loyers au crédit bail dus pour la jouissance suivant l’ouverture d’un redressement judicaire constitue une créance née régulièrement après le jugement d’ouverture, qui n’est pas soumise à l’obligation de déclaration et en conséquence ne pouvait être éteinte en raison de l’irrégularité de cette dernière.
Dès lors, « Les redevances d'un contrat de crédit-bail correspondant à une jouissance postérieure au jugement d'ouverture sont privilégiées ».
Autrement dit, en présence d'un contrat de crédit-bail poursuivi, il convient de procéder prorata temporis. Les loyers qui correspondent à une jouissance des locaux antérieure au jugement sont des loyers antérieurs à déclarer au passif et ceux qui correspondent à une période de jouissance suivant l'ouverture du redressement judiciaire constituent des créances postérieures qui échappent à l'obligation de déclarer
2/ Les possibilités de résilier le contrat continué :
- Les cas de résiliation de plein droit :
La loi prévu deux cas dans lesquels la résiliation est de plein droit.
D’une part, l’article L622-13 III du Code de commerce prévoit que si le contrat porte sur le paiement d’une somme d’argent, il doit se faire au comptant. A défaut, le contrat est résilié de plein droit.
Cette résiliation prend effet, en principe, à la date de l’échéance impayée.
D’autre part, si l’obligation à la charge du débiteur est un paiement échelonné, l’administrateur doit vérifier avant chaque échéance qu’il aura les moyens de payer la prochaine sinon il est censé mettre fin au contrat qui sera alors résolu de plein droit et là s’il ne paie cette échéance résiliation de plein droit du contrat.
A cet égard, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 7 novembre 2006, précisé que les cas prévus par la loi étaient limitatifs de sorte que « le non paiement par l’administrateur de créances postérieures mais nées d’un contrat en cours non continué n’entraine pas la résiliation de plein droit prévu par l’article L622-13 III du Code de commerce » (Cass com 7 novembre 2006 n° 05-17.112). Â
Si on est dans un des cas prévu par la loi, la résiliation est légale de sorte qu’elle intervient de plein droit.
Dès lors, cette résiliation peut seulement être constatée par le juge commissaire afin d’avoir une date certaine.
- Sort des dommages intérêts et des indemnités contractuelles :
En cas de résiliation de plein droit ou de résiliation à la demande de l’administrateur, le cocontractant peut avoir droit à des dommages-intérêts.
En application de l’article L622-13 V du Code de commerce, ces créances sont réputées antérieures et doivent donc être déclarées au passif.
Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur tel que dépôt de garantie en exécution du contrat jusqu’à ce qu’il ait été statué sur ses dommages-intérêts.  Â
De même, la jurisprudence considère que les indemnités et pénalités de rupture sont exclues du bénéfice de l’article L622-17 I du Code de commerce, faute de remplir le critère « d’utilité » (Cass. com., 5 oct. 2010, n° 09-70.249, inédit).
Les cocontractants disposent alors d’un délai d’un mois à compter de la résiliation du contrat pour déclarer leur créance de dommage intérêt et leurs indemnités au passif (art R622-17 C com).
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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