Qu’est-ce que l’action en distraction ?
Du latin distrahere : « soustraire ».
Cette action joue dans l’hypothèse où un bien a été saisi chez une personne qui n’en est pas le véritable propriétaire (il en est par exemple le simple dépositaire). Ce dernier va alors pouvoir demander au juge de l’exécution la « distraction » de son bien de la procédure de saisie ce qui aura pour effet de soustraire le bien à la vente publique.
Elle est régie par les dispositions du décret du 31 juillet 1992 en matière mobilière et par les dispositions du décret du 27 juillet 2006 en matière immobilière. Le juge compétent est le juge du lieu de saisie.
Les délais de mise en œuvre de l’action en distraction
Pour les saisies mobilières :
Elle constitue un incident de la procédure de saisie et est donc soulevée par un tiers à la procédure avant l’adjudication : l’action en distraction va pouvoir être exercée jusqu’au jour de l’audience d’adjudication (art 128 décr 31 juillet 1992).
Le propriétaire du bien doit alors « préciser les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué » et en conséquence de la contestation, le créancier saisissant doit mettre en cause les créanciers opposants et le débiteur doit être entendu avant que le juge ne statue (article 128 al 3 décr).
Cette condition d’antériorité est impérative en matière de meubles car, après la vente, l’adjudicataire des biens mobiliers est protégé par les articles 2279 du Code civil (en fait de meubles la possession vaut titre : c’est-à-dire que le propriétaire ne pourra revendiquer son bien auprès du possesseur de bonne foi) et 2280 du même Code (le propriétaire, s’il veut recouvrer son bien, devra rembourser le prix d’achat au possesseur de bonne foi qui a acquis un bien dans une vente publique).
Toutefois, le tiers reconnu propriétaire d'un bien déjà vendu peut, jusqu'à la distribution des sommes produites par la vente, en distraire le prix non diminué des frais (article 129 décr 31 juillet 1992).
Pour les immeubles :
En matière immobilière les textes sont plus souples, ainsi l’article 9 du décret du 27 juillet 2006 admet l’action en distraction « en tout état de cause », c’est-à-dire à toute hauteur de la procédure. Cela pourrait par exemple permettre d’intenter l’action en distraction devant la Cour d’appel après l’adjudication si celle-ci fait l’objet d’un appel (les parties ont 15 jours à compter de la notification de la décision pour demander l’appel mais c’est exceptionnel). On pourrait encore considérer que cela permet la distraction même pendant la distribution (après distribution cela ne sera plus possible, seule l’action en revendication restera).
L’enjeu est moins crucial qu’en matière mobilière car l’adjudication ne confère à l’adjudicataire que les droits du saisi selon l’article 2208 du Code civil : en l’occurrence ici le droit de propriété ne peut donc être transmis et le véritable propriétaire pourra intenter, après la vente, une action en revendication. Mais le propriétaire, ce faisant, court tout de même un risque (outre le fait que l’action en distraction est une procédure simple à mettre en œuvre) : en raison de l’adjudication l’adjudicataire ne devient pas propriétaire mais il peut acquérir le bien en vertu d’un « juste titre » qui le fait bénéficier d’une prescription abrégée.
Le demandeur
Ce ne peut être que le titulaire du droit, c’est-à-dire ici le propriétaire. L’usufruitier ne peut intenter une telle action, sauf à ce que la saisie porte directement sur l’usufruit (puisque l’action est réservée au « titulaire du droit »).
Le propriétaire doit, de plus, être un tiers à la saisie, ce qui exclut donc le débiteur ou les créanciers à la saisie. Toutefois si le débiteur souhaite contester la qualité de propriétaire du saisi, il agira non pas en distraction mais en nullité de la procédure de saisie.
Effets de l’action en distraction
En matière mobilière, le juge sursoit à statuer :
- Si l’action ne concerne qu’une partie des biens, la procédure est poursuivie sur les autres.
- Si l’action concerne l’entière saisie alors le juge sursoit à statuer sur tous les biens.
Cela signifie que la procédure judiciaire est suspendue MAIS TOUS les biens concernés par l’action restent indisponibles. L’effet suspensif dure seulement jusqu’à ce que le juge de l’exécution ait statué car le délai d’appel (les parties ont 15 jours à compter de la notification de la décision) et l’appel ne sont pas suspensifs (Civ. 2ème 27 avril 2000).
Il n’y a pas d’effet suspensif en matière immobilière. Il serait cependant opportun que l’adjudication soit suspendue afin que celle-ci n’intervienne pas avant que le juge statue sur l’action en distraction, ce qui la priverait totalement d’effet et ne laisserait que la possibilité de l’action en revendication.
Si la demande est rejetée : la procédure se poursuit normalement.
Si le juge accepte l’action en distraction :
- En cas de distraction totale : (le bien est le seul concerné par la saisie) : la saisie n’est pas nulle (seul le débiteur à la saisie peut la demander) mais il y a évidemment un effondrement de la procédure.
- En cas de distraction partielle : la procédure de saisie se poursuit à l’encontre des autres biens.
Je me tiens à votre disposition pour tous contentieux.