Lors de la vente d'un lot à titre onéreux, lorsque le copropriétaire vendeur n’a pas encore acquitté les provisions ou charges définitives exigibles à cette date, le syndicat des copropriétaires peut former opposition au paiement du prix de vente du lot.
Cette possibilité est prévue à l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965, modifié par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 :
« Lors de la mutation à titre onéreux d'un lot, et si le vendeur n'a pas présenté au notaire un certificat du syndic ayant moins d'un mois de date, attestant qu'il est libre de toute obligation à l'égard du syndic, un avis de la mutation doit être donné par le notaire au syndic de l'immeuble par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de quinze jours à compter de la date du transfert de propriété.
Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cet avis, le syndic peut former, au domicile élu, par acte extrajudiciaire, opposition au versement des fonds pour obtenir dans la limite ci-après le paiement des sommes restant dues par l'ancien propriétaire.
Cette opposition contient élection de domicile dans le ressort du tribunal de grande instance de la situation de l'immeuble et, à peine de nullité, énonce le montant et les causes de la créance. Les effets de l'opposition sont limités au montant ainsi énoncé ».
Tout paiement ou transfert amiable ou judiciaire du prix opéré en violation des dispositions est inopposable au syndic ayant régulièrement fait opposition.
Les formalités de l'article 20 de la loi sont applicables à toute vente, qu'elle soit volontaire ou sur adjudication après saisie, auquel cas l'avis de mutation doit être donné au syndic par l'avocat de l'adjudicataire (Cass. 3e civ., 11 mars 1992 : Juris-Data n° 1992-000001. - CA Paris, 22 nov. 1991- CA Paris, 9 janv. 1998 : Juris-Data n° 1998-020003).
La procédure d'opposition n'est évidemment pas exclusive de toute autre action devant permettre au syndicat de recouvrer les charges impayées lors d'une vente.
Le syndic conserve toujours la faculté d'engager sans attendre l'aliénation une procédure devant l'une des juridictions compétentes (CA Nîmes, 24 mars 1994 : Juris-Data n° 1994-030032).
Créances motivant l’opposition du syndicat
Il s'agit de toute créance du syndicat notamment des charges communes à l'encontre du copropriétaire vendeur, dès lors qu'elle est liquide et exigible à la date du transfert de propriété du lot (Cass. 3e civ., 6 mai 1999 : Juris-Data n° 1999-001945 ; CA Paris, 22 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-730412)
Sont exigibles à l'époque de la mutation, les sommes que le syndic est légalement autorisé à recouvrer à cette date auprès des copropriétaires soit en vertu des dispositions légales, soit en exécution de décisions prises par l'assemblée générale.
Les appels de fonds votés antérieurement à la cession justifient le recours à l'opposition, peu important qu'ils correspondent à des travaux exécutés ultérieurement (CA Paris, 12 févr. 1997).
Cependant, il n'est pas nécessaire que la créance du syndicat soit en péril pour que l'opposition soit pratiquée par le syndicat (CA Paris, 25 mai 1982 : D. 1982, inf. rap. p. 433).
Ne constituent pas des créances exigibles et liquides :
- de simples évaluations de sommes relatives à des poursuites judiciaires et à des dommages-intérêts à venir (CA Paris, 14 juin) ;
- les charges votées après la cession du lot, quand bien même le vendeur se serait engagé dans l'acte de vente à prendre les dépenses en cause à sa charge (CA Paris, 16 oct. 1996 : Juris-Data n° 1996-022708) ;
- le coût de travaux non déterminé lors de la vente (CA Paris, 6 mai 2004 : Juris-Data n° 2004-239968) ;
L'opposition ne peut être formée de façon valable que pour des créances liquides et exigibles au jour de la vente.
Le seul décompte établi par le syndic ou sa mention sur un appel de charges ne suffit pas à établir la liquidité de l'exigibilité de la créance.
Lorsque l'opposition a abouti à la retenue du montant d'un appel de fonds pour travaux qui s'est avéré supérieur au coût réel à la charge du vendeur, il y a apparition d'un trop-perçu qui constitue un paiement indu du cédant.
Ce dernier est donc en droit d'exiger le remboursement de l'en-trop-perçu, à l'exclusion de l'acquéreur (CA Paris, 23e ch., 18 nov. 1987 : Juris-Data n° 1987-027873).
Pour la validité de l'opposition, le syndic doit donc énoncer le montant et les causes de chaque créance exigible du syndicat à l'égard du copropriétaire-vendeur, créance qui se trouve alors garantie par le privilège spécial immobilier du syndicat (Cass. 3e civ., 15 déc. 2004).
Par "causes de la créance", il faut entendre soit l'appel des provisions sur budget prévisionnel soit les décisions de l'assemblée générale relatives à l'exécution des travaux "hors budget" et, le cas échéant, l'approbation des comptes d'où résulterait un solde débiteur à la charge du cédant (Cf. CA Paris, 14e ch., 12 juin 1999 : Juris-Data n° 1999-020392).
L'opposition n'est pas justifiée et il y a lieu d'en ordonner la mainlevée dès lors que les créances invoquées par le syndicat ne comportent aucune des précisions exigées par les articles 20 de la loi et 5-1 du décret, rendant impossible d'apprécier si les sommes réclamées sont susceptibles de bénéficier du privilège immobilier prévu à l'article 2103 du Code civil (CA Paris, 12 juin 1999, préc. - CA Toulouse, 16 juin 2003).
Dans un arrêt récent du 8 juin 2011, en l’espèce, un syndicat de copropriétaires a formé opposition entre les mains du notaire au paiement du prix de vente d'un lot, sur le fondement de l'article 20 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.
L'opposition a été validée par une décision de justice, irrévocable, du 15 décembre 2005 à hauteur d'un certain montant.
Le syndicat des copropriétaires a fait assigner le copropriétaire, par acte du 16 novembre 2007, en paiement de ce montant. Le copropriétaire débiteur a soulevé la prescription de l'action.
La Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir jugé :
- que la créance du syndicat avait été fixée par la décision de validation de l'opposition,
- que l'action engagée par le syndicat des copropriétaires était une action en recouvrement de sa créance et non pas une action en paiement de charges et
- que le délai de cette action courait à compter de la date de l'arrêt de validation de l'opposition, sans distinguer les postes de créance auxquels correspondait la somme fixée, de sorte que la prescription de l'action n'était pas acquise à la date de l'assignation (Cass. 3e civ. 8 juin 2011 n° 10-14.379 (n° 693 FS-PB), Wajngart c/ Synd. des copr. 127-131 rue de l'Abbé-Groult et 14-16 rue Yvart).
Cet arrêt précise les effets de la décision de validation d'une opposition formée en vertu de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 à l'occasion de la vente d'un lot par un copropriétaire débiteur de charges : l'opposition doit énoncer le montant et les causes de la créance du syndicat et la décision de justice qui la valide, en cas de contestation par le copropriétaire vendeur, en fixe le montant.
L'action en recouvrement de la créance du syndicat ainsi fixée est une action en paiement de droit commun qui se prescrit dans le délai de droit commun en l'occurrence de 30 ans et ce, quelle que soit la date à laquelle les charges pour le paiement desquelles le syndicat des copropriétaires a fait opposition sont devenues exigibles.
Ce délai n'est pas celui du délai de prescription de l'action en paiement des charges fixé par l'article 42, alinéa 1 de la loi de 1965.
Mise en œuvre de l’opposition
Concernant les ventes de gré à gré, à moins que le copropriétaire vendeur de lot ait présenté un certificat du syndic datant de moins d'un mois et attestant qu'il est libre de toute obligation à l'égard du syndicat, en particulier de toute dette, le notaire rédacteur de l'acte de cession doit notifier au syndic, par lettre recommandée avec accusé de réception, la mutation intervenue.
Le notaire engagerait sa responsabilité professionnelle s'il négligeait d'accomplir cette formalité et versait le prix de cession sans mettre le syndicat en mesure d'exercer son droit d'opposition ; le paiement opéré dans ces conditions serait inopposable au syndicat (Cass. 3e civ., 11 mars 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 268).
Pour les ventes forcées, si la loi fait l'objet d'une vente sur licitation ou sur saisie immobilière, l'avis de mutation est donné au syndic, selon le cas, soit par le notaire, soit par l'avocat du demandeur ou du créancier poursuivant.
Si le lot fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique ou de l'exercice d'un droit de préemption publique, l'avis de mutation est donné au syndic, selon le cas, soit par le notaire ou par l'expropriant, soit par le titulaire du droit de préemption. Si l'acte est reçu en la forme administrative, l'avis de mutation est donné au syndic par l'autorité qui authentifie la convention (D., art. 5-1, dernier al.).
En cas de vente sur saisie immobilière, c’est à l’avocat du créancier poursuivant, et non au créancier poursuivant lui-même, d'adresser l'avis de mutation prévu à l'article 20 de la loi.
Les uns et les autres pourraient engager leur responsabilité professionnelle, au cas où leur retard serait source d'un préjudice.
Il appartient donc à l'avocat du créancier poursuivant, en l'occurrence le syndicat des copropriétaires, d'adresser à ce syndicat l'avis de mutation et d'inviter son client à former, avec élection de domicile, opposition entre ses mains dans un délai de quinze jours (CA Paris, 2e ch., 9 déc. 1999 : Juris-Data n° 1999-103846).
Depuis la modification de l'article 20 par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, la notification de la mutation doit intervenir dans le délai de quinze jours à compter de la date de la mutation.
Le délai de quinze jours dont dispose le syndic pour faire opposition ne court pas si la notification de l'avis de mutation ne l'informe pas suffisamment sur le destinataire de cette opposition (CA Paris, 2e ch., 14 déc. 1999 : Juris-Data n° 2000-102740 : Loyers et copr. 2000, comm. 101).
Tant que la notification prescrite dans le délai ci-dessus n'a pas été opérée, le transfert de propriété du lot est inopposable au syndicat qui peut valablement recouvrer auprès du vendeur les charges restant dues, sans tenir compte de la vente intervenue (CA Paris, 23 sept. 1994).
Pour sa part, l'acquéreur qui n'a pas justifié avoir avisé le syndic de la mutation des lots dont il est devenu copropriétaire privant le syndicat de la possibilité de faire opposition au versement du prix, le syndicat est fondé à réclamer au cessionnaire le paiement des charges restant dues par le cédant (Cass. 3e civ., 13 déc. 1995 : Loyers et copr. 1996, comm. 131 ; RD imm. mars 1996, p. 107. - Cass. 3e civ., 11 mars 1992).
Toutefois, la jurisprudence admet que si l'absence de l'avis de mutation n'a en fait causé aucun préjudice au syndicat, ce dernier ne peut exercer aucun recours, par exemple en cas de totale insolvabilité du débiteur (Cass. 3e civ., 25 oct. 1989 : Loyers et copr. 1990, comm. 56).
Concernant l’Intervention du syndic pour faire opposition, la forme de l'acte extrajudiciaire est imposée au syndic lorsqu'il veut s'opposer au paiement du prix entre les mains du vendeur.
La notification de l'opposition doit être faite entre les mains de la personne qui a adressé au syndic l'avis de mutation.
Pour la validité, l'opposition du syndic formée pour les créances du syndicat doit, à peine de nullité, être notifiée dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'avis de mutation.
Le syndic doit veiller à la stricte observation de la formalité de l'opposition puisqu'elle est le moyen le plus efficace pour parvenir à récupérer les charges restées impayées au moment où le notaire détient le produit de la vente du lot.
Effet de l’opposition
Destinée à la sauvegarde des intérêts du syndicat, l'opposition emporte un double effet :
- en tant que mesure conservatoire, elle bloque le prix de vente entre les mains du notaire à hauteur de la créance de la copropriété ;
- elle entraîne la mise en œuvre du privilège spécial immobilier accordé au syndicat sur les créances énoncées à l'article 5-1 du décret.
Je me tiens à votre disposition pour tous contentieux.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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