Action en responsabilité pour insuffisance d’actif et dirigeant de droit
Sont considérés comme étant des dirigeants de droit, les organes légaux de la personne morale, régulièrement désignés.
Ce sont, les présidents du conseil d'administration (Cass. com., 25 juin 1991, n° 88-14.373, inédit), les administrateurs, membres du directoire des sociétés anonymes, les présidents d'associations ou de syndicats, les responsables de GAEC, etc.
Sont à exclure, cependant, les membres du conseil de surveillance d'une société qui n'assurent pas ès qualités une fonction de direction sauf s'ils s'immiscent dans la gestion, ce qui serait susceptible de donner prise à la qualification de dirigeant de fait.
Peu importe que l'administrateur soit majoritaire ou minoritaire, dès lors qu'il s'est rendu coupable d'une carence dans la surveillance de l'activité des dirigeants de la société, il sera considéré comme ayant coopéré aux actions ou omissions fautives en relation avec la formation du passif (CA Paris, 18 juin 1991 : Gaz. Pal. 1992, 1, jurispr. p. 148, note J.-P. Marchi ; RJDA 1992, n° 291).
A été jugé également responsable le directeur général adjoint d'une société comme dirigeant de droit (Cass. com., 3 mars 1981 : JCP G 1982, II, 19754, note G. N).
A également été condamné au comblement du passif l'administrateur d'une société anonyme qui ne démontrait pas avoir été contraint d'accepter cette fonction et qui ne reconnaissait pas avoir exercé les fonctions de surveillance et de contrôle qui lui incombaient, mais qui imputait au président-directeur général la responsabilité de la situation déficitaire, alors que l'éventuelle carence du président n'exonère pas l'administrateur (CA Versailles, 13e ch., 21 oct. 1993).
Dans un arrêt récent du 31 mai 2011, en l’espèce, pour s'opposer à l'action en comblement de passif dont ils faisaient l'objet, des administrateurs d'une société anonyme (SA) en liquidation judiciaire avaient soutenu qu'ils n'avaient pas la qualité de dirigeants de droit puisque, depuis l'entrée en vigueur de la loi NRE du 15 mai 2001, la direction générale de la société est assumée par le président du conseil d'administration ou le directeur général et non plus par le conseil d'administration.
Les administrateurs contestaient leur rattachement à la qualité de dirigeant de droit au regard des dispositions du code du commerce et considéraient qu'ils ne diposaient d'aucun pouvoir de direction.
Au moyen de leur défense, les administrateurs invoquaient leur absence de connaissance des difficultés de l'entreprise en raison du défaut de communication de certains documents.
(Cass com., 31 mai 2011, n° 09-13975 (n° FPB), SA Cie du développement durable)
La Cour de cassation n'a pas retenu ces arguments.
Elle a estimé que bien qu'ils n'assument pas la direction générale de la société, les administrateurs ont la qualité de dirigeant de droit au sens de l'article L 624-3 précité.
La Cour de cassation déduit des éléments suivants que les administrateurs de la SA auraient dû exiger du président du conseil d'administration qu'il déclare la cessation des paiements de la société et que, par leur absence totale et prolongée de réaction, ils avaient commis des fautes de gestion justifiant leur condamnation au comblement d'une partie des dettes sociales
- Près de six mois avant l'ouverture de la procédure collective de la société, un administrateur avait démissionné de ses fonctions en raison de l'absence de lisibilité des comptes sociaux et des réponses évasives du président du conseil d'administration, ce qui aurait dû éveiller les soupçons des autres administrateurs.
- A la même époque, les administrateurs avaient été informés, lors d'une réunion, qu'une procédure d'alerte avait été déclenchée un mois plus tôt par le commissaire aux comptes, ce dont il résultait la révélation de faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ;
- Au cours de cette réunion, le président avait décrit la situation de la trésorerie comme extrêmement tendue.
Malgré ces informations de nature à les renseigner sur le caractère alarmant, voire catastrophique, de la situation de la société, les administrateurs, qui ont un devoir de contrôle et de surveillance et disposent de pouvoirs à cette fin, n'avaient eu aucune réaction, cette faute ayant eu pour conséquence la poursuite d'une exploitation déficitaire d'une entreprise en état de cessation des paiements.
Un administrateur doit exercer une surveillance et un contrôle sérieux de l'administration de la société.
Cet arrêt illustre parfaitement que la faute de gestion peut aussi consister en un défaut de réaction fautive des administrateurs.
C'est pourquoi, lorsqu'il sait que la situation financière de l'entreprise est telle que l'activité ne peut être raisonnablement poursuivie, l'administrateur ne peut pas se cantonner dans une attitude passive sous peine de voir sa responsabilité engagée.
Parmi les initiatives qu'il lui incombe alors de prendre, figure celle d'exiger du représentant légal de la société qu'il effectue la déclaration de cessation des paiements de l'entreprise.
A défaut, son abstention caractérise une faute de gestion justifiant sa condamnation à supporter une part des dettes sociales (Cass. com. 25-3-1997 n° 95-10.995 : RJDA 7/97 n° 966 ; Cass. com. 10-3-2004 n° 01-03.004 : RJDA 7/04 n° 870).
Action en responsabilité pour insuffisance d’actif et dirigeant de fait
La notion de dirigeant de fait n'a jamais été définie, ni même précisée, par les textes. Elle a été laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com., 2 févr. 1982 : Bull. civ. 1982, IV, n° 40).
Il se dégage de la jurisprudence une définition générale de la notion de "dirigeant de fait" : il s'agirait d'une personne physique ou morale s'immisçant dans les fonctions de direction, ce qui impliquerait des actes positifs de direction réalisés en toute indépendance.
La Cour de cassation se réserve un contrôle de la motivation des juges du fond.
S’agissant d’une société en liquidation judiciaire, il apparaît que la manifestation de signes extérieurs d'autorité comme les ordres donnés, l'embauche, la personnalisation des actions, la manifestation d'un intérêt propre concrétisé par des engagements de caution caractérise l'exercice d'une véritable direction de fait et confirme dès lors les allégations du gérant et des autres salariés de la société défaillante selon lesquelles le directeur de ce cabinet dirigeait en réalité, seul, la société (CA Toulouse, 2e ch., 25 janv. 1993 : JCP E 1993, pan. 1412).
L’actualité jurisprudentielle relative à la responsabilité personnelle des dirigeants des sociétés mises en procédure collective démontre que le legislateur entend bien poursuivre les dirigeants de mauvaise foi .
Il convient également de rappeler le principe du non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et de l’action en responsabilité de droit commun des dirigeants d’une société.
Je me tiens à votre disposition pour tous contentieux.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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