Par un arrêt du 8 juillet 2014, la Cour de cassation juge que, dès lors que l'erreur commise sur la publicité du contrat de crédit-bail n'empêche pas l'identification des parties et des biens en cause, le crédit-bailleur peut demander la restitution des véhicules loués, sans avoir à agir en revendication.
Tous les biens qui sont entre les mains du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, mais certains d'entre eux peuvent être la propriété de tiers, le débiteur les détenant légitimement dans le cadre d'un prêt, d'un dépôt, d'une location…
En droit commun, le propriétaire dispose d'une action en justice qui lui permet de faire reconnaître et sanctionner son droit de propriété par la revendication et une demande en restitution.
La revendication tend à faire reconnaître le droit de propriété et comme conséquence la restitution du bien détenu par le débiteur, tandis que la demande de restitution a comme seul objet la reprise du bien.
Ces actions ne constituent pas des mesures d'exécution forcée, ainsi que la Cour de cassation l'a souligné (Cass. com., 24 mars 2004, no 01-10.280).
- La distinction avec la revendication :
La revendication est formée par le propriétaire, lorsque le détenteur est soumis à une procédure collective, elle est prévue aux articles L.624-9 et suivants du Code du commerce.
Elle tend à deux fins : faire reconnaître le droit de propriété et demander la restitution du bien.
Tout propriétaire est admis à revendiquer, quel que soit son titre, en revanche, faute d'avoir la qualité de propriétaire, le locataire ne peut revendiquer un bien entre les mains du sous-locataire.
En vertu de l'article L.624-16, les biens meubles susceptibles d'être revendiqués sont non seulement des meubles corporels, marchandises, matériels, y compris des biens d'équipement professionnels.
Il est par ailleurs nécessaire que le bien soit présent en nature dans le patrimoine du débiteur, cette possibilité de revendication ayant été étendue aux biens fongibles.
En revanche, la Cour de cassation a écarté toute revendication de sommes d'argent considérant que la demande en restitution de fonds ne pouvait donner lieu qu'à déclaration de la créance au passif (Cass. com. 4 févr. 2003, no 00-13.356).
Cependant cette procédure est contraignante car l'action en revendication est enfermée dans un délai de trois mois à compter de la publicité du jugement d'ouverture.
Le législateur a donc prévu l'action en restitution allégée par rapport à la procédure de revendication, car une telle demande suppose que la qualité de propriétaire soit déjà établie.
Dans ce cas le propriétaire n'a donc pas à établir son droit de propriété, ce qui les place dans une situation bien plus favorable que celle des propriétaires contraints d'agir en revendication, notamment car ils n'encourent alors aucune forclusion.
I - Les conditions de la dispense de revendication
- Le domaine de la restitution :
Aux termes de l'article L. 624-10 du code de commerce : « Le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité »
C'est donc la publicité du contrat qui permet l'action en restitution et donc la dispense de revendication.
La demande en restitution concerne tous les contrats publiés en vertu desquels un bien a été remis à titre précaire au débiteur, tels que des baux et divers contrats de louage portant sur des meubles corporels ou incorporels (Cass. Com. 15 mars 2005, n° 00-18.550).
Elle est également également applicable au vendeur de meubles sous réserve de propriété qui a procédé à la publicité, facultative, de son contrat.
La publicité susceptible d'aboutir à la dispense de revendication peut être celle des statuts d'une société coopérative contenant mention de la réserve de propriété au profit des adhérents de celle-ci (Com. 18 sept. 2012, no 11-21.744).
Cependant, la restitution a été principalement été prévue pour bénéficier aux crédits-bailleurs dont les contrats sont publiés pour leur opposabilité aux tiers.
- La publicité du contrat :
Pour que soit ouverte la voie de la restitution il est nécessaire que le contrat ait été régulièrement publié.
Quelque soit le contrat publié, l'article R. 624-15 du même code impose que la publicité ait été effectuée avant le jugement d'ouverture (Cass. com., 11 mai 1999, n° 96-22.763).
Le contrat doit avoir fait l'objet d'une mesure de publicité, à condition toutefois que celle-ci soit régulière (Cass. com., 11 mai 2010, n° 09-14.048).
Cette régularité de la publicité est requise sans que puisse être invoquée la connaissance de la qualité de propriétaire par le liquidateur (Cass. com., 17 mai 1988, n° 87-12.303).
Ainsi, la dispense de revendication accordée aux crédit-bailleurs, qui leur permet alors de réclamer directement la restitution du bien crédit-baillé en cas de procédure collective du locataire, suppose que la publication ait été accomplie dans le respect des modalités fixées par les articles R. 313-3 et suivants du code monétaire et financier.
A défaut, comme la Cour de cassation a jugé que les droits sur ces biens du propriétaire ne sont pas opposables aux créanciers du preneur sauf à prouver que "les intéressés avaient eu connaissance de l'existence de ces droits" (Cass. com. 11 mai 2010, n° 09-14.048, F-P+B).
Le critère de la régularité réside essentiellement dans le caractère non équivoque de la publicité, qui doit "permettre l'identification des parties et des biens" (art. R. 313-3 c. mon. Fin.).
La jurisprudence a jugé qu'étaient insuffisantes à disqualifier la publicité les seules discordances dans l'orthographe du nom du crédit-preneur et dans celle de la voie où était situé son domicile (Com. 16 mai 1995, RJDA 1995, n° 1254).
Par un arrêt du 8 juillet 2014, la Cour de cassation est venue préciser l'incidence de l'erreur commise sur la publicité du crédit-bail (Cass. com., 8 juill. 2014, n° 13-18.471, F-D : BRDA 18/14, p. 5).
En l'espèce, deux contrats de crédit-bail avaient été publiés à la rubrique « location » de l'état d'endettement de la société débitrice, alors qu'ils auraient dû l'être à la rubrique « crédit-bail ».
La Cour de cassation juge que "appréciant souverainement l'incidence de l'erreur ayant conduit à publier, les contrats litigieux à la rubrique « location », et non à celle « crédit-bail », la cour d'appel a considéré que cette erreur n'empêchait pas l'identification des parties et des biens en cause".
La juridiction suprême réaffirme que le crédit-bailleur ne saurait être privé de son action en restitution pour une erreur mineure commise dans les formalités de publicité du contrat, si elle ne remet pas en cause la régularité de la publicité.
II – L'action en restitution
Les règles relatives à la procédure de l'action en restitution sont prévues aux articles R.624-14 et 15 du Code de commerce.
La forme et les étapes de l'action en restitution sont pour partie semblables à celles de l'action en revendication.
Le propriétaire doit également, mais sans conditions de délai, demander la restitution des biens par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à l'administrateur ou, en son absence au débiteur, une copie de la demande étant par ailleurs adressée au mandataire judiciaire.
À défaut d'accord à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception de la lettre ou en cas de contestation, le propriétaire peut saisir le juge-commissaire toujours sans condition de délai.
En l'absence de demande de restitution, le juge-commissaire peut être saisi par l'administrateur ou le débiteur pour qu'il statue sur les droits du propriétaire.
En cas de liquidation judiciaire, en vertu de l'article R. 641-32 du code de commerce, le liquidateur peut, en l'absence de demande de restitution, vendre le bien un mois après une mise en demeure demeurée sans effet adressée au propriétaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Le liquidateur doit alors tenir le prix obtenu, déposé à la Caisse des dépôts et consignations, déduction faite des frais, à la disposition du propriétaire qui est en avisé par le liquidateur par une nouvelle lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Enfin, en raison de l'action en revendication et de l'action en restitution, certains auteurs estimaient que cette dernière pouvait également être enfermée dans un délai de forclusion.
Un arrêt du 18 septembre 2012 rappelle qu'elle présente un caractère facultatif, tandis que l'action en revendication est obligatoire (Com. 18 sept. 2012, no 11-21.744)
La Cour de cassation considère donc que « L'action en restitution n'est qu'une simple faculté ouverte au propriétaire dispensé de faire reconnaître son droit de propriété et n'est soumise à aucun délai ».
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Joan DRAY
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