L’article L.145-40 évoque la dénomination « loyers payés d’avance »
Il dispose que : « Les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes. ».
Cette dénomination évoque le dépôt de garantie en sanctionnant financièrement le dépassement des seuils fixés par ce texte.
Pour autant, la rédaction d’une telle clause dans un bail commercial relève de la négociation entre les parties.
Des questions se posent alors en ce qui concernent la réajustement automatique du loyer selon son évolution en cours de bail ou à l’occasion d’un renouvellement.
De la même manière des questions se posent concernant la faculté pour le bailleur de compenser en cours de bail une créance loyers et charges puis en demander ultérieurement la reconstitution.
Le 20 janvier 2015 le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu un arrêt évoquant les difficultés rencontrées dans le cas où le bailleur peut exercer la compensation et les conséquences qui en découlent dans les relations entre les différentes parties concernées au titre de l'exigibilité et de la reconstitution du montant du dépôt de garantie dû dans les termes du bail.
La question qui se posait au Tribunal était la suivante : le repreneur cessionnaire est-il tenu de reverser le montant du dépôt de garantie entre les mains des organes de redressement ou de la liquidation judiciaire ou une telle obligation ne peut-elle concerner que les seuls rapports entre le bailleur et le cessionnaire ?
1.Concernant la compensation.
En l’espèce, les organes de la procédure collective avaient dénié aux bailleurs le bénéfice de la compensation au motif, selon le jugement, que la créance de dépôt de garantie n'est pas devenue exigible puisque le bail n'avait pas été résilié, mais cédé.
Sous l’empire du texte antérieurement applicable, le dépôt de garantie devait demeurer entre les mains du bailleur jusqu'à l'expiration du bail dans des conditions exclusives de toute compensation dès lors que le jugement qui arrête le plan de cession de l'entreprise emporte cession du contrat de bail commercial (CA Versailles, 12e ch., 25 oct. 2001, n° 98/07034).
Ce n'est que dans la mesure où le bail aurait été ultérieurement résilié que le bailleur devait alors être tenu à restituer le dépôt de garantie au cessionnaire (CA Nîmes, 2e ch. civ., sect. B, 12 juin 2003, n° 02/527).
Pour autant, la notion de dettes connexes permet d'accueillir d'une façon positive la démarche du bailleur même si celle-ci n'est pas fondée sur les clauses et conditions du bail elle-même.
Une restriction est faite cependant lorsqu'il existe à la fois une créance antérieure au jugement d'ouverture et des loyers et charges impayés postérieurement à cette date où la jurisprudence estime que la compensation doit s'opérer par priorité sur les loyers échus postérieurement et ce en conformité avec les dispositions de l'article 1256, alinéa 1 du Code civil (Cass. com., 24 juin 2003, n° 00-17.15
Le tribunal observe que cette argumentation ne pourrait être fondée que sur les règles de droit commun découlant de l'article 1291 du Code civil (créances fongibles liquides et exigibles) alors que l'article L. 622-7, alinéa 1 retient comme seul critère l'existence de créances connexes, puisque la créance de restitution du dépôt de garantie et celle afférente aux loyers antérieurs dérivent de l'exécution ou de l'inexécution du même contrat de bail et que si le dépôt de garantie n'est pas devenu exigible du fait de la cession judiciaire des baux intervenue dans le cadre d'un plan de cession, les conditions d'une compensation pour dettes connexes n'en sont pas moins réunies.
2. Concernant la reconstitution du dépôt de garantie
En l'espèce, le repreneur avait anticipé cette difficulté en précisant dans l'offre soumise à l'appréciation du tribunal qu'il s'engageait :
– soit à reconstituer auprès de chaque bailleur le dépôt de garantie si ce dernier n'existait plus à la date d'entrée en jouissance du fait d'une compensation effective et opposable au preneur comme à la hauteur de l'offre ;
– soit si ledit dépôt n'a pas fait l'objet d'une compensation effective à le rembourser, le cas échéant, à l'administrateur judiciaire.
Dans la mesure où les bailleurs avaient invoqué le bénéfice de la compensation et/ou celle-ci était validée, les organes judiciaires de la procédure collective ont fait valoir que ceci ne pouvait remettre en cause le remboursement du montant des dépôts de garantie entre leurs mains qui était exigible dès lors que le jugement arrêtant le plan de cession avait expressément prévu que « ... les dépôts de garantie attachés au contrat cédé seront reconstitués par le cessionnaire en sus du prix de cession... ».
La décision rappelle le principe posé par la Cour de cassation : les contrats dont le jugement qui arrête le plan emporte la cession, doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure collective nonobstant toute clause contraire (Cass. com., 16 sept. 2008, n° 06-17.809)
La portée d'un tel principe doit cependant être relativisée dans la mesure où la jurisprudence a consacré l'incompatibilité du plan de cession avec certaines clauses et conditions du bail comme la clause interdisant ou limitant la cession et notamment clause d'agrément, clause de préférence, clause de garantie solidaire.
Pour sa part, la loi du 18 juin 2014, dite loi Pinel, prévoit la possibilité d'autoriser le repreneur à exercer des activités connexes et complémentaires (C. com., art. L. 642-7, al. 4).
Le tribunal estime que puisque le bail est cédé aux clauses et conditions du bail initial, le bailleur peut exiger du cessionnaire, devenu son nouveau locataire la constitution d'un dépôt de garantie en exécution de ce bail puisque le montant de celui-ci a été absorbé par la dette locative antérieure.
Il est important de noter que si le cessionnaire effectuait le versement du dépôt de garantie entre les mains des organes de la procédure, l'affectation qui en découlerait au titre de l'actif des sociétés en procédure collective ne serait pas conforme aux clauses contractuelles qui prévoient le versement par le preneur d'un dépôt de garantie, versement qui ne pourrait donc s'analyser que comme un supplément de prix.
In fine, le tribunal fait observer, bien que sur ce point les modalités de l'offre n'aient pas été reprises par le jugement homologuant le plan de cession, le cessionnaire ne peut être tenu à des obligations autres que celles contenues dans son offre qui, en l'espèce, étaient dépourvues d'ambiguïté, dès lors que l'alternative selon que la compensation était ou non opérée avait été clairement énoncée.
Cette décision énonce les conséquences effectives de la compensation ainsi opérée au titre du dépôt de garantie et ce tant dans la relation bailleur-locataire-cessionnaire que comme dans celle qui concerne la société cédante, les organes de la procédure d'une part, et le repreneur d'autre part : à juste titre il est souligné qu'on ne peut demander le versement des sommes litigieuses entre les mains des organes des procédures collectives pour qu'ils soient affectés à l'actif de celles-ci car une telle initiative aggraverait la situation du repreneur, les fonds ainsi versés ne l'étant pas à titre de garantie, mais à titre d'un paiement complémentaire de prix de vente de fonds sans pour autant apurer un litige éventuel avec le bailleur.
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Joan DRAY
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