L'appréciation de la faute du salarié, circonstanciée par son ancienneté
L'ancienneté d'un salarié permet de bénéficier de droits et avantages prévus par les textes : lois et règlements ou les conventions et accords collectifs.
L'employeur peut licencier pour faute grave un salarié malgré son ancienneté, mais le salarié peut contester son licenciement.
La Cour de cassation vient de rendre une décision où elle atténue la gravité de la faute, en tenant compte de l’ancienneté du salarié.
Quel est le degré de gravité d'une faute ?
Il semble que la Cour de Cassation tende à laisser plus de liberté aux juges du fond sur l'appréciation des faits constitutifs d'une faute grave.
Auparavant, la Cour de cassation exerçait un contrôle strict sur les décisions des juges du fond : en vérifiant l'interprétation des faits pour en déduire une faute grave.
Notamment dans un arrêt concernant la violence d'un salarié sur un subordonné, où la Cour de cassation avait étudié les faits (Cass. Soc. 22-3-2007 n° 05-41.179).
Dorénavant il semble que seuls les juges du fond apprécient les faits et que la Cour de cassation ait limité son contrôle aux erreurs manifestes de qualification.
Ainsi l'ancienneté est appréciée par les juges du fond pour constater la gravité de la faute commise par le salarié.
I. L'ancienneté permettant une requalification du licenciement
-Par principe la faute d'un salarié doit être appréciée selon les circonstances : son ancienneté, son comportement antérieur, s'il avait la volonté de nuire …
Principe : "La faute grave du salarié doit être appréciée, quant aux faits qui lui sont reprochés, en considération de son ancienneté et de son comportement antérieur. "
(CA Toulouse. Soc 4, section 1 ; 17 Avril 2014, n° 12/05411)
-Ainsi la prise en compte de l'ancienneté d'un salarié dans une entreprise permet de constater une sanction trop dure par rapport aux années passées dans l'entreprise.
Exemple :
"L'agression physique commise par le salarié sur un collègue participe d'un simple mouvement d'humeur et à ce titre n'a pas le caractère d'une faute grave. Eu égard à l'ancienneté du salarié, quinze ans, jamais sanctionné durant toute sa carrière et bien estimé de sa hiérarchie, elle constitue un agissement bien réel mais insuffisamment sérieux pour justifier la sanction disciplinaire de licenciement."
(CA Metz, Soc. ,6 Septembre 2010, n° 08/02198)
-L'appréciation selon l'ancienneté a déjà permis de requalifier un licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Exemple :
"Le licenciement d'un salarié, exerçant les fonctions de technicien au service courrier-gestion électronique des documents, consécutif à son entrée en état d'ébriété dans les locaux après les heures de travail, fondé sur ses manquements au règlement d'horaire individualisé et au règlement intérieur,
Est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors qu’il n'avait aucune intention de nuire et n'a pénétré dans les locaux que pour demander téléphoniquement à sa compagne de venir le chercher, qu'il n'a commis antérieurement aucun fait similaire et qu'il a donné satisfaction au cours de ses 9 années de présence dans l'entreprise.
La cour confirme en conséquence le montant de 20000 euros de dommages et intérêts qui lui a été alloué en première instance ainsi que la condamnation de l'employeur au remboursement de 6 mois d'allocations de chômage."
(CA, Douai, 31 Janvier 2012, n° 38-12, 11/01623)
Par conséquent l'ancienneté a une importance primordiale pour les juges du fond pour l'appréciation de la gravité de la faute commise.
II. L'ancienneté permettant le maintien du salarié dans l'entreprise
Par ailleurs l'ancienneté du salarié peut permettre son maintien dans l'entreprise.
Dans un arrêt récent, un salarié avait licencié pour faute grave, ayant porté des accusations mensongères sur des coups donnés par un de ses supérieurs. (Cass. Soc. 19-5-2016 no 14-28.245)
Dans un premier arrêt, les juges du fond avait admis la véracité des faits reprochés au salarié mais les qualifiés de faute simple entraînant un licenciement pour cause réelle et sérieuse, car ne justifiaient pas la rupture immédiate du contrat de travail.
Cette appréciation était fondée sur les années d'ancienneté (plus de trois ans), mais cette durée est faible face aux conséquences tirées des allégations mensongères (violences physiques par un supérieur).
L'employeur a formé un pourvoi en cassation, mais la Cour de cassation confirme le premier jugement :
"la cour d'appel, prenant en considération l'ancienneté du salarié, a pu retenir que les faits ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise".
En conclusion, l'ancienneté peut permettre le maintien dans l'entreprise d'un salarié ainsi qu'une requalification du licenciement. Et il semble que la Cour de cassation ait laissé une plus grande liberté aux juges du fond dans leur appréciation.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net: http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY
Avocat à la Cour
76/78 rue Saint-Lazare
75009 PARIS
TEL : 09.54.92.33.53
FAX : 01.76.50.19.67