L’ARRET DE L’EXECUTION PROVISOIRE EN CAS DE CONSEQUENCES MANIFESTEMENT EXCESSIVES

Publié le Modifié le 20/01/2015 Vu 61 096 fois 0
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Dans un but de célérité de l’exécution de la justice, un nombre croissant de décisions se trouvent assortie de l’exécution provisoire, qu’elle soit de droit ou ordonnée. Cependant, afin de ne pas rendre illusoire toute possibilité de réformation en cas d'appel, la loi a institué un procédure de référé en arrêt de l'exécution provisoire.

Dans un but de célérité de l’exécution de la justice, un nombre croissant de décisions se trouvent asso

L’ARRET DE L’EXECUTION PROVISOIRE EN CAS DE CONSEQUENCES MANIFESTEMENT EXCESSIVES

Dans un but de célérité de l’exécution de la justice, un nombre croissant de décisions se trouvent assortie de l’exécution provisoire, qu’elle soit de droit ou ordonnée.

Cependant, cette exigence de célérité ne doit pas avoir pour conséquence de rendre illusoire toute voie de recours contre la jugement de première instance.

A cette fin, l’article 524 du code de procédure a prévu de façon générale qu’il peut être fait obstacle à l’exécution provisoire « lorsqu’elle elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».

I – Les conditions d’octroi de l’exécution provisoire

L'exécution provisoire assortissant une décision de justice autorise la partie qui a obtenu gain de cause à poursuivre l'exécution de cette décision rendue contre son adversaire, malgré les recours qu'il aurait engagés.

L’exécution provisoire est de plein droit accordée à certaines décisions, mais elle peut également être prononcée par le juge accessoirement à sa décision.

Les décisions assorties de l’exécution provisoire de plein droit :

Le Code de procédure civile énumère les différentes décisions qui sont assorties de plein droit de l’exécution provisoire :

  • les ordonnances de référé, les décisions qui prescrivent des mesures provisoires en cours d'instance ;
  • les décisions qui ordonnent des mesures conservatoires et les ordonnances du juge de la mise en état accordant une provision au créancier ;
  • la décision ordonnant la production d'un acte ou d'une pièce détenue par un tiers
  • les mesures prises par le JAF portant sur l'exercice de l'autorité parentale, la pension alimentaire, la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant… (art. 1074-1 CPC) ;
  • les ordonnances rendues sur requête

Cette liste n’est pas limitative, il existe des textes spéciaux prévoyant l’exécution provisoire de plein droit, par exemple l’article R. 661-1 du Code de commerce relatif aux décisions de justice en matière commerciale.

Le prononcé de l’exécution provisoire facultative :

L'article 515 du Code de procédure civile dispose que : « Hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire ».

L’exécution provisoire peut donc être : soit demandée par une partie jusqu’à la clôture des débats, soit prononcée d’office par le juge, sans qu’il n’ait besoin de mettre les parties en mesure de s'expliquer sur ce point (Cass. 2e civ., 13 avr. 1976 : Bull. civ. 1976, II, n° 120).

Pour être prononcé l'exécution provisoire doit d’abord être jugée nécessaire, ce qui implique essentiellement une condition d’urgence.

L’urgence découle d’une situation de fait, telle que l’importance ou l’ancienneté du dommage, ou encore les risques d’insolvabilité du débiteur.

Ainsi la Cour de Cassation a récemment jugé que « la prestation compensatoire ne peut être assortie de l'exécution provisoire que lorsque l'absence d'exécution aurait des conséquences manifestement excessives pour le créancier » (Cass. 1re Civ. 19 Mars 2014 ; N° 12-29.653, 306).

Qu’elle soit de droit ou ordonnée par le juge, l’exécution provisoire peut faire l’objet de la part du débiteur, devant le Premier Président de la Cour d’Appel.

L’article 524 du Code de procédure civile permet de solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire notamment « lorsqu’elle elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».

II – Les conditions de recevabilité du recours devant le Premier Président de la Cour d’Appel

Les règles de compétence du recours :

L’article 524 du Code de procédure civile prévoit que le recours en arrêt de l’exécution provisoire relève de la compétence de principe du Premier Président de la Cour d’Appel, suivant la procédure des référés.

L’exigence préalable à la formation de recours est qu’un appel ait été formé contre la décision exécutoire par provision.

En revanche, la jurisprudence est divisée sur le point de savoir si l'appel doit être recevable. Certaines décisions estiment quer l'irrecevabilité de l'appel ayant pour effet de priver de cause la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement (CA Paris, 9 févr. 1987 : Bull. avoués 1987, p. 99.) ; tandis que d'autres se contentent de la seule existence formelle d'un appel sans se préoccuper de sa recevabilité

La demande de suspension sera le plus souvent exercée par l’appelant. Toutefois, rien n’empêche que le Premier Président soit saisi par l’intimé, dès lors que l'affaire est portée devant la cour d'appel par l'une ou l'autre des parties, le texte ne formulant pas de distinction (CA Paris, 20 janv. 1984 : Bull. avoués 1984, p. 33).

Par ailleurs, le premier président a la faculté d'arrêter l'exécution provisoire pendant toute la durée de la procédure d'appel et donc jusqu'au dessaisissement de la cour par l'arrêt au fond.

Est donc irrecevable la fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de la demande (CA Paris, 18 déc. 1981 : Bull. avoués 1982, p. 34).

Toutefois, il est conseillé d’effectuer ce recours dans de bref délai, car l’autre partie pourra à tout moment se prévaloir de la décision de premier ressort qui est assortie de l’exécution provisoire.

Les motifs justifiant l’arrêt de l’exécution provisoire :

Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, l'article 524 du Code de procédure civile déclare qu’elle ne peut être arrêtée que :

  • « Si elle est interdite par la loi ;
  • Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».

Lorsque l'exécution provisoire est de droit : « Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».

III – Les risques de conséquences manifestement excessives liées à l'exécution provisoire

L'article 524 permet au Premier Président de suspendre l'exécution provisoire de la décision de première instance, qu'elle soit de plein droit ou qu'elle ait été ordonnée, si celle-ci risque d'entraîner des conséquences excessives.

A titre liminaire, il convient de rappeler que le recours auprès du Premier Président vise seulement à apprécier l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives et non de juger du bien fondé de la décision rendue en première instance.

C’est ce qu’a rappelé une récente décision de la Cour de Cassation qui énonce que : « le premier président n’est tenu de ne prendre en considération que les seules conséquences manifestement excessives », alors que le requérant invoquait « des erreurs graves ou flagrantes affectant la décision dont il est interjeté appel ». (Cass. 2e Civ. 16 oct. 2014 ; Pourvoi n° 13-25.249).

Le risque de conséquences manifestement excessives est caractérisé lorsque la poursuite de l'exécution provisoire apparaît susceptible de créer une situation irréversible pour le débiteur, dans le cas où l'exécution serait annulée du fait de la remise en cause de la décision en appel.

Sans être exhaustive, il existe des catégories justifiant, en jurisprudence, l'arrêt de l'exécution par provision.

La perte d'un bien :

Il peut évidemment s'agir de la perte matérielle du bien, par exemple dans le cas du prononcé d'une démolition (Cass. 3e civ., prem. prés., 5 juin 2008, n° 07-20.355).

Mais cette perte peut également avoir une nature juridique, qui consiste en une sortie définitive du bien du patrimoine du débiteur. Il s'agit par exemple de l'hypothèse où un jugement valant vente est assortie de l'exécution provisoire, la revente du bien litigieux par l'autre partie avant que la cour ait statué au fond étant possible.

Le risque lié à une mesure d'expulsion :

Une expulsion peut entrainer des conséquences manifestement excessives dès lors que le locataire n'aurait pas d'autre lieu où se loger (CA Versailles, Ord. réf., 24 mai 1989).

Il est également tenu compte du contexte familial, ainsi la mise en cause des études de trois enfants scolarisés peut justifier un arrêt de l'exécution provisoire (CA Aix-en-Provence, Ord. prem. prés., 19 nov. 2001, n° 01/00544).

Par ailleurs, cette demande de suspension de l'exécution peut s'inscrire dans le cadre d'un bail commercial, la conséquence manifestement excessive résidant dans le trouble grave apporté à l'activité du locataire (CA Montpellier, 7 août 2009).

Un arrêt de la Cour de Cassation du 6 mai 2014 réaffirme la nécessité, pour qu’une expulsion entraine des conséquences manifestement excessives, de démontrer l’impossibilité de trouver une solution alternative de relogement.

La chambre commerciale estime que : « l'absence de conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire des redressements [pouvait être retenue, car la requérante] ne rapportait pas la preuve d'être dans l'incapacité de trouver un autre logement ». (Cass. Com. 6 Mai 2014 ; N° 13-24.286, 511).

L'atteinte à l'activité professionnelle :

L'arrêt de l'exécution provisoire pourra être sollicité dès lors qu'existe un risque d'atteinte irréversible à l'activité professionnelle du requérant.

La juridiction considérera notamment le fait que la survie de l'entreprise soit mise en péril (CA Bordeaux, 5 nov. 2009, n° 09/00139) ou qu'existent des risques de licenciement (CA Paris, Ord. prem. prés., 10 mai 2000, n° 307/2000).

Le risque tenant à la situation personnelle du créancier

Cette dernière hypothèse n'est pas fondée sur la situation particulière du requérant, mais sur le risque que le créancier ayant obtenu l'exécution provisoire ne puisse restituer les sommes en cas de remise en cause du jugement en appel.

Ainsi le doute pesant sur la domiciliation du créancier peut faire craindre des difficultés dans le cas où il serait nécessaire de recouvrer les sommes versées (CA Paris, 16 déc. 2009, n° 09/21497).

De même, l'exécution provisoire pourra être suspendue à raison de l'état d'insolvabilité du créancier (CA Pau, Ord. prem. prés., 5 déc. 2001, n° 01/2556, n° 01/2955) ou en raison d'une procédure collective dont il fait l'objet (CA Pau, Ord. prem. prés., 30 mai 2001, n° 01/1337).

La Cour de Cassation a récemment énoncé l’obligation pour le débiteur requérant de démontrer que le créancier ne présentait pas de garantie de restitution des fonds en cas d'infirmation du jugement.

L’arrêt du 27 février 2014 jugeait en l’espèce que : « la charge de la preuve de ce risque pesait sur la société » (Cass. 2e Civ. 27 fevr. 2014 ; N° 12-24.873, 340).

Enfin, il convient de noter que les pouvoirs du Premier Président de la Cour d'Appel se limitent au prononcé de l'arrêt de l'exécution provisoire, cette faculté étant interprétée strictement.

Ainsi le magistrat ne peut pas à l'occasion du référé ordonner la mainlevée d'une saisie-arrêt (CA Paris, 28 mars 1990) ou encore prononcer l'amende civile prévue par l'article 559 du code de procédure civile (CA Paris, 5 juin 1989 : Bull. avoués 1989, p. 91).

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.

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Joan DRAY
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