L'assurance garantissant le remboursement d'un prêt accordé à un couple

Publié le Modifié le 16/06/2015 Vu 16 970 fois 0
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Lorsqu'un couple finance l'acquisition, la construction, l'amélioration ou l'entretien de son logement par un crédit bancaire, il est d'usage que chacun des codébiteurs adhère à l'assurance des emprunteurs collective souscrite sur sa tête par la banque en garantie des risques de décès, d'incapacité de travail, d'invalidité voire de perte d'emploi. Lors de la réalisation du sinistre, la mise en œuvre de l'assurance est toutefois à l'origine d'un contentieux.

Lorsqu'un couple finance l'acquisition, la construction, l'amélioration ou l'entretien de son logement par un

L'assurance garantissant le remboursement d'un prêt accordé à un couple

Lorsqu'un couple finance l'acquisition, la construction, l'amélioration ou l'entretien de son logement par un crédit bancaire, il est d'usage que chacun des codébiteurs adhère à l'assurance des emprunteurs collective souscrite sur sa tête par la banque en garantie des risques de décès, d'incapacité de travail, d'invalidité voire de perte d'emploi.

Lors de la réalisation du sinistre, la mise en œuvre de l'assurance est toutefois à l'origine d'un contentieux.

A qui profite donc le bénéfice de l’assurance emprunteur dans une telle situation, au couple ou à l’assuré ?

Pour déterminer le bénéficiaire de l'assurance emprunteurs garantissant une dette solidaire, il est nécessaire de distinguer le plan de l'obligation de celui de la contribution à la dette.

I.Obligation de la dette

Dans les rapports entre l’établissement prêteur et le couple de cœmprunteurs, la réalisation du sinistre libère les deux codébiteurs solidaires.

La mise en œuvre de l’assurance emprunteurs éteint donc l’obligation solidaire du couple.

Selon les règles de la solidarité passive et l’article 1200 du Code civil, le paiement effectué par l’un des codébiteurs libère les deux.

Dès que la dette est payée, tous les codébiteurs solidaires sont libérés.

« L'Établissement de crédit recueille directement, au moment du sinistre, le bénéfice de l'assurance par l'effet de la stipulation faite à son profit, ce qui vaut paiement de la dette de l'emprunteur et emporte libération de celui-ci » (Cass. 1re civ., 14 nov. 1995).

Ce paiement par un tiers est donc non seulement valablement fait au bénéfice du prêteur rempli du montant de sa créance de restitution, mais aussi en faveur du couple des coemprunteurs solidaires.

II.Contribution à la dette

Dans les rapports entre les membres du couple de coemprunteurs, la réalisation du sinistre ne libère que le codébiteur solidaire qui en est victime.

En d'autres termes, la mise en œuvre de l'assurance emprunteurs éteint la dette de contribution de l'emprunteur sinistré, et maintient celle de son codébiteur solidaire.

Cette solution est aujourd’hui largement établie en jurisprudence.

En effet la Cour de Cassation l’a récemment rappelé dans un arrêt du 15 décembre 2010, à propos de l'achat à crédit d'un bien indivis par un couple, que, sauf convention contraire, la mise en œuvre de l'assurance (invalidité-décès) à la suite de la survenance d'un sinistre (décès de l'assuré) a pour effet d'éteindre la dette de contribution incombant à l'assuré sinistré (Cass. 1ère civ., 15 décembre 2010).

Pour que l'exécution de l'assurance éteigne la dette de contribution de chacun des membres du couple, et non seulement celle de la victime du sinistre, un accord de leurs volontés contraires est nécessaire.

L'imputation prioritaire du paiement partiel sur la dette de contribution de l'emprunteur sinistré reflète, sa volonté, qui est d'éteindre d'abord sa dette de contribution et ensuite celle de son codébiteur (C. civ., art. 1122), alors même que la cause de cette extinction résulte d'un paiement par un tiers en exécution d'une assurance emprunteurs à laquelle il a simplement adhéré.

La dette de contribution n'est éteinte, sauf convention contraire, que dans la mesure du paiement par l'assureur.

Lorsque le pourcentage d'assurance est  inférieur à la part contributive du codébiteur, le paiement par l'assureur lors de la réalisation du sinistre est alors impuissant à éteindre complètement la dette de contribution de ce dernier.

La dette de contribution subsiste alors pour le surplus.

A l’inverse, lorsque le pourcentage d'assurance est supérieur à la part contributive du codébiteur, le paiement par l'assureur lors de la réalisation du sinistre est alors présumé éteindre prioritairement sa dette de contribution.

Au regard du régime général des obligations, le couple assuré est libéré au plan de l'obligation à la dette, alors que seul l'emprunteur sinistré l'est au plan de la contribution à la dette sous réserve d'une convention contraire.

III.Sur le régime des biens du couple

Il est fréquent que la somme empruntée solidairement par un couple marié ou non soit affectée au financement d'un bien commun ou indivis.

A.Communauté

Lorsque deux époux communs en biens ont contracté solidairement un crédit affecté en particulier à l'acquisition, la conservation, ou l'amélioration d'un bien de communauté, le conjoint victime d'un sinistre n’a pas le droit à une récompense à raison de l'extinction de sa dette de contribution en exécution de l'assurance emprunteurs à laquelle il a adhéré (Cass. 1re civ., 1er déc. 1987).

La prestation assurée versée directement par l'assureur entre les mains du prêteur ne bénéficie pas au patrimoine propre de l'époux sinistré.

Elle ne l’appauvri pas non plus, quand bien même, le patrimoine commun s'est enrichi à raison de l'effacement de la dette.

Aucune récompense ne peut donc être due à ce titre par la communauté, à défaut d'avoir tiré profit des propres de l'époux assuré (C. civ., art. 1433).

Plus récemment, la Cour de cassation a conforté cette solution lorsqu'elle a approuvé une cour d'appel d'avoir refusé tout droit à récompense à raison de la prise en charge par l'assurance invalidité du mari des échéances de remboursements de crédits travaux obtenus par les époux pour financer la construction d'une maison sur un terrain propre de l'épouse, et d'avoir retenu exactement que ces sommes ne sont pas entrées dans le patrimoine propre de celui-ci, de sorte que ni la communauté, ni aucun des deux époux n'ont déboursé ces fonds (Cass. 1re civ., 12 avr. 2012).

B.Indivision

Lorsqu'un couple a souscrit solidairement un crédit affecté en particulier à l'amélioration ou la conservation d'un bien indivis, le membre du couple victime d'un sinistre peut-il inscrire une créance à son compte d'indivision à raison de l'extinction de sa dette de contribution en exécution de l'assurance emprunteurs à laquelle il a adhéré ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question  (Cass. 1re civ., 23 janv. 2001).

En vertu du régime de la stipulation pour autrui, le prêteur bénéficiaire de la garantie a, à ce titre, un droit propre et direct contre l'assureur et non contre l'assuré.

En application du droit de l'indivision, « lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation.

Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés » (C. civ., art. 815-13, al. 1).

Dans un second temps, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence (Cass. 1re civ., 15 déc. 2010 - Cass. 1re civ., 6 juill. 2011 – CA Paris, pôle 3, ch. 1, 22 févr. 2012 – CA Toulouse, 29 oct. 2013 – CA Paris, pôle 3, ch. 1, 6 févr. 2013).

Elle censure ainsi une cour d'appel ayant écarté la prétention d'un indivisaire à inscrire sur son compte d'indivision les sommes réglées par l'assureur à la banque au titre d'un contrat garantissant le risque de perte d'emploi à 100 %, aux motifs que « sauf convention contraire, lorsque le souscripteur d'un emprunt destiné à l'acquisition d'un bien indivis a adhéré à une assurance garantissant le remboursement du prêt, la mise en oeuvre de l'assurance à la suite de la survenance d'un sinistre a pour effet, dans les rapports entre les acquéreurs indivis, d'éteindre, à concurrence du montant de la prestation de l'assureur, la dette de contribution incombant à l'assuré concerné ».

Si le pourcentage assuré n'est pas de 100 % mais proportionné à la part contributive des coïndivisaires, de telle sorte que la part contributive du coïndivisaire non sinistré reste à rembourser après sinistre, sa reprise par ce dernier devrait alors faire naître une créance à inscrire à son compte d'indivision.

Que le solde de l'emprunt soit acquitté par le coïndivisaire sinistré ou par son assureur, ce qui importe c’est que la dette de contribution à un crédit affecté à la préservation de la masse indivise ait été réglée.

Ce règlement donnerait naissance à une créance du coïndivisaire contributeur sur l'indivision bénéficiaire de sa contribution pour le montant nominal de la somme remboursée par l'assureur au prêteur.

Enfin, la Cour de cassation considère, au contraire, à propos de la mise en œuvre pendant l'indivision post-communautaire après divorce d'une assurance-invalidité à laquelle l'épouse avait apparemment adhéré à proportion de 50 %, « qu'ayant relevé que la moitié des échéances de remboursement du prêt contracté par les époux pour financer l'acquisition de l'appartement commun avait été prise en charge par l'assureur au titre de l'invalidité de (...) [l'épouse] et retenu exactement (...) [qu'elle] n'avait pas déboursé ces fonds, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que seules les sommes effectivement remboursées par (...)[celle-ci] à la banque ouvraient droit à une créance de l'indivisaire au titre des dépenses de conservation de l'immeuble » (Cass. 1re civ., 18 déc. 2013).

Néanmoins, la portée de ce dernier arrêt est incertaine.

La contradiction apparente des solutions de la Cour de Cassation est justifiée par des situations de fait différentes.

Ce ne serait que dans le cas d'une garantie excédant la part contributive du coïndivisaire sinistré qu'une créance pourrait être inscrite à son compte d'indivision, sauf à préciser que son montant devrait alors être limité à celui de son recours contributoire.

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Joan DRAY
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