Qui peut former la demande de renouvellement ?
Aux termes de l'article L.145-10 du Code de Commerce, le « locataire » peut former la demande de renouvellement. Il faut bien entendu entendre le locataire au sens large, c'est à dire la personne qui pourra être bénéficiaire du renouvellement : locataire, cessionnaire, ayants causes...il s’agira le plus souvent du propriétaire du fonds.
Bien évidemment, le locataire ne pourra formuler cette demande que s’il remplit les conditions lui permettant de bénéficier du statut des baux commerciaux.
S'agissant d'un bail commercial, le locataire doit bien entendu être commerçant, et cette qualité de commerçant implique que le locataire soit à ce titre être immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, et avoir effectivement et régulièrement exploité son fonds commercial, industriel ou artisanal dans les lieux loués au cours des trois années précédant l'expiration du bail.
Toute interruption d'activité de plus de trois ans peut donc faire échec au droit au renouvellement ainsi qu'un abandon d'activité au cours des trois années qui précèdent la fin du bail.
Quand effectuer la demande ?
L'article L. 145-10 du Code de commerce dispose qu' « à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande, soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa reconduction ».
La première condition est donc l'absence de congé. Il est tout à fait inutile et inefficace pour le locataire ayant reçu congé de former une demande de renouvellement du bail.
Le locataire n'ayant pas reçu congé formera donc sa demande dans les six mois précédant l'expiration du bail, et le bailleur aura trois mois pour lui répondre. A défaut de réponse, le bail continuera par tacite reconduction et deviendra un bail à durée indéterminée auquel il pourra être mis fin à tout moment pour le prochain terme d’usage.
A qui doit être adressée la demande de renouvellement ?
L'article L. 145-10 du Code de commerce dispose que « la demande en renouvellement doit être signifiée au bailleur par acte extrajudiciaire. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu'à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous ».
Selon les circonstances, la demande doit donc être adressée au propriétaire ou à l'un seul d'entre eux s'ils sont plusieurs copropriétaires, au gérant de l'immeuble et éventuellement au locataire principal par le sous-locataire, dans certains cas.
Il y est précisé qu’en cas de pluralité de propriétaires, la demande faite à l’un d’eux est valable à l’égard de tous, sauf stipulation ou notification contraire, il est donc nécessaire de bien lire le bail et ses avenants, qui peut prévoir de signifier le bail à tous les bailleurs.
Comment former la demande ?
Au niveau formel, la demande doit être formée par un acte extrajudiciaire, c'est à dire l'acte d'un officier ministériel (huissier de justice) qui n'est pas dressé dans le cadre d'une procédure judiciaire.
Ainsi, il a été jugé que la nullité résultant de l'utilisation de la lettre recommandée était absolue (CA Paris, 16e ch. A, 27 juin 1989).
Il vous faudra donc nécessairement recourir aux services d'un huissier pour faire signifier votre demande.
La demande doit être faite par acte extra-judiciaire, et toute autre forme, telle la lettre recommandée, la rendrait nulle et privée de tout effet sans qu’il soit nécessaire de rechercher si cela a causé un grief au bailleur, cette formalité étant considérée comme substantielle.
De plus, la demande doit, à peine de nullité, citer l'alinéa 4 de l'article L.145-10 du Code de commerce, à savoir « Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ».
Sur le fonds, les conditions du renouvellement n'ont pas à être explicitées dans la demande, le loyer pourra ainsi être fixé et éventuellement contesté ultérieurement.
Les irrégularités commises soit dans la forme de la demande, soit dans le contenu de la demande sont sanctionnées par la nullité.
Le montant du nouveau loyer
Le bail est renouvelé avec ses anciennes clauses, mais le montant du loyer du bail renouvelé est libre : il est d'ailleurs à noter que la mention « aux mêmes clauses et conditions du bail » n'emporte pas nécessairement l'accord plein et entier du bailleur pour la reconduction de l'ancien loyer, et qu'il peut ensuite demander un loyer plus élevé, qui sera éventuellement l'objet d'une contestation.
En pratique, le bailleur va proposer un prix pour le loyer, ce prix devant d'une part être cohérent avec la valeur locative du local, d'autre part respecter un plafond calculé d'après la variation de l'indice Insee du coût de la construction intervenue depuis la dernière fixation du loyer.
En cas de désaccord sur le montant du loyer, le litige peut être présenté à la commission départementale de conciliation des baux commerciaux (à condition que les locaux ne soient pas exclusivement des bureaux) qui émettra un avis dans un délai de trois mois et fera une proposition de prix.
Si ce prix ne satisfait toujours pas les parties, le président du Tribunal de Grande Instance, qui exerce la fonction de juge des loyers, fixera le loyer.
Le refus du bailleur
L’article L. 145-10 alinéa 4 du Code de commerce édicte un délai de forclusion de trois mois pour invoquer les motifs de non-renouvellement que le bailleur connaît et pourrait faire valoir à la date de la demande faite par le locataire.
Le refus de renouvellement intervenant sur une demande de renouvellement mettra fin au bail sans que la durée du préavis nécessaire en cas de congé soit à respecter dans ce cas.
Rappelons qu'à défaut de réponse sous trois mois, le bail est tacitement reconduit.
Si le bailleur refuse le renouvellement sans motif sérieux, il sera tenu au paiement d'une indemnité d'éviction égale à la valeur du fonds de commerce, sauf si le préjudice subi est moindre (article 8 du décret du 30 septembre 1953).
Le bailleur peut néanmoins être dispensé de payer l'indemnité dans les cas suivants : s'il veut reprendre les locaux pour les démolir, les reconstruire ou les restaurer ; s'il veut reprendre les locaux d'habitation accessoires du local commercial pour les habiter lui-même ou y loger un membre de sa famille ; si l'immeuble est en instance de démolition pour cause d'insalubrité ou de vétusté ; enfin, pour un motif grave et légitime à l'encontre du locataire, notamment en cas de défaut ou de retards réitérés après mises en demeure, dans le paiement des loyers, ou comme expliqué plus haut, en cas de cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds.
A noter que le bailleur dispose d'un droit de repentir : il peut, après avoir refusé, finalement accepter le renouvellement du bail sans être tenu de payer l'indemnité d'éviction.
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements complémentaires.
MAître Joan DRAY
joanadray@gmail.com